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17 juillet 2013.

Chemin du Musée des bisses (Valais)

Un peu plus d’un an après son ouverture, le Musée valaisan des (...)

Un peu plus d’un an après son ouverture, le Musée valaisan des Bisses a inauguré son Chemin reliant la station d’Anzère au village de Botyre et parcourant les bisses de Sion, d’Ayent et du Bitailla.

Trois questions à Armand Dussex,
Directeur du Musée valaisan des bisses

  Un musée, ouvert l’an dernier, et un chemin tout juste balisé et inauguré, il ne fait pas de doute que pour vous les deux vont de pair …

"Pour moi, dès le début du projet de musée, il y avait l’idée de faire un écomusée. Si l’on veut connaître les bisses, on ne peut se satisfaire d’une présentation théorique. On se doit d’aller sur le terrain, découvrir à la fois les ambiances et les techniques de construction. Inversement, la plupart des gens qui parcourent les bisses n’en connaissent pas vraiment l’histoire ni la manière de les gérer. Le musée sert alors de complément à la découverte et apporte la connaissance.

C’est une expérience qu’il faut vivre sur une journée. Ceux qui parcourent le chemin l’après-midi ne visitent pas le musée. Ils arrivent tard, sont fatigués car ils ont marché assez vite. Il faut prendre le temps de s’arrêter. Par exemple à Torrent-Croix, là où le bisse d’Ayent passe par un tunnel : c’est un endroit magique, comme le répartiteur des Jeuriés. Il faut se laisser pénétrer par tout ça. Si on suit les bisses en courant, on ne voit rien.

Les cinq panneaux didactiques que nous avons installés sont succincts, mais ils permettent de se faire une idée globale bien ciblée de chaque élément. Et quand on arrive au musée, on a déjà une vue d’ensemble de la fonction des bisses et on peut alors se plonger plus facilement dans les détails de l’histoire, de la construction, de l’organisation sociale, etc."

 Ce chemin se déroule le long de trois bisses : Sion, Ayent et Bitailla. Leur environnement est différent, ils ont chacun leur propre histoire, leurs usages varient aussi …

"On a en tout cas deux types d’utilisation : le bisse de Sion est une amenée d’eau, d’une rivière à une autre, reprise encore plus bas par un autre bisse qui dessert le vignoble. Pour les bisses du Bitailla et d’Ayent, c’est différent : tout le réseau d’irrigation de la région en dépend. L’un est d’origine nivale, avec des eaux de printemps qui tarissent, l’autre s’alimente à une rivière glaciaire qui peut amener de l’eau jusqu’à l’automne. L’un est antique, tout laisse à penser qu’il existe depuis très longtemps. L’autre date de l’époque de la grande construction des bisses aux 14e et 15e siècles.

Sur le bisse d’Ayent, le passage scabreux de Torrent-Croix causait les pires soucis. Il était tellement difficile à entretenir qu’on l’a même abandonné. Mais on s’est vite rendu compte qu’il était absolument indispensable à la vie de la région : en 1830 on décida de creuser un tunnel et on fit appel à l’époque à un mineur italien. C’est à ma connaissance le premier ouvrage de ce genre sur un bisse. Peu à peu, bon nombre de ces passages délicats ont été remplacés eux aussi par des tunnels. À Torrent-Croix, vu que l’endroit était plutôt inaccessible, les vestiges des chéneaux sont restés en place tant que les tempêtes ne les arrachaient pas. On avait encore des pièces en place un siècle et demi après la construction du tunnel et on a pu le restaurer un peu comme il était auparavant."

 Pour vous, le chemin des bisses a manifestement pour vocation de servir de lien entre les gens d’ici, mais aussi avec des gens d’ailleurs …

"Dans les communes où il y a une station touristique et des villages agricoles, il y a toujours entre eux une sorte d’antagonisme. On reproche à la commune de donner plus à l’une qu’aux autres. À mon avis, ces antagonismes n’ont pas de raison d’être, c’est toute l’économie de la région qui vit de ces deux pôles, la vigne d’un côté, le tourisme de l’autre, cela permet à bien des gens de vivre. Recréer ce lien est peut-être une bonne chose.

Jadis Ayent et Arbaz appartenaient à une seule et même commune. À un moment donné, pour des conflits qu’on a maintenant oubliés, il y a eu séparation. Aujourd’hui les rapprochements se font beaucoup plus nombreux et ce chemin des bisses qui les relie l’un à l’autre renforce ce contexte sympathique.

Il faut dire aussi que les bisses favorisent l’ouverture au monde. Partout où il y a d’un côté des réserves d’eau et de l’autre des terres à cultiver et arroser, l’homme a inventé une manière d’amener l’eau. Ce qui caractérise les systèmes d’irrigation en Valais, c’est la densité du réseau et les difficultés des parcours dans les falaises de rochers.
Au Musée, on a pour le moment deux projets, l’un avec la Vanoise, en Savoie, où les bisses ont tous été abandonnés contrairement à ce qui s’est passé en Valais. Un groupe de recherche veut aujourd’hui les faire connaître, peut-être les restaurer, en tout cas les mettre en valeur. On a un second projet avec un groupe du Tyrol autrichien qui a décidé de nous offrir une plaque d’arrosage que l’on pourra comparer aux nôtres. En fait on a des demandes de contacts qui viennent d’un peu partout. À nous de les cultiver et d’aller de l’avant avec des projets communs."

Propos recueillis
par Bernard Weissbrodt

Photos © aqueduc.info




Infos complémentaires



Un bisse est un canal de faible pente, souvent à ciel ouvert, qui amène l’eau de torrents et de rivières vers des terres agricoles (principalement des prairies de fauche et des vignes) pour les irriguer et les enrichir de limons fertiles. (Emmanuel Reynard)


Long de 13 km et accusant un dénivelé (descendant) de 550 mètres, inauguré avec la participation d’une bonne cinquantaine de randonneurs et randonneuses, ce "Chemin du Musée en suivant les bisses", se veut aussi didactique.

Cinq panneaux installés sur son parcours présentent les principales thématiques liées à ces trois bisses (qui peuvent être découverts séparément) : leur histoire, leur contexte géographique et leurs fonctions, l’organisation sociale qui en assure aujourd’hui encore la gestion, l’importance de l’irrigation pour les populations locales et l’atout patrimonial, écologique et touristique qu’il offre désormais aux visiteurs de la région.

Le Bisse de Sion

C’est la ville de Sion qui, au tout début du 20e siècle, a fait construire ce bisse qui n’a pas été d’abord conçu pour l’irrigation, mais pour assurer l’approvisionnement en eau des Sédunois. L’eau prise aux sources d’une rivière glaciaire, la Lienne, en amont du barrage de Tseuzier, traverse la commune d’Ayent, réalimente la Sionne une quinzaine de kilomètres plus loin et est ensuite reprise par un autre bisse (Lentine) pour l’arrosage du vignoble.

Le Bisse d’Ayent

Ce bisse, long de 18 km et alimenté lui aussi par la Lienne, peut débiter jusqu’à 400 litres par seconde. Sa construction, au milieu du 15e siècle, n’a pas été une mince affaire si l’on se reporte aux vestiges accrochés aux parois rocheuses du vallon de Torrent-Croix et au tunnel creusé en 1831 déjà. Il est, aujourd’hui encore, synonyme de fertilité pour l’agriculture locale : il arrose vignes et prairies, à la manière traditionnelle ou par aspersion. Son consortage – l’association des usagers qui l’exploite et le gère depuis plus de 500 ans – existe toujours.

Le Bisse de Bitailla

Le Bitailla, littéralement "bisse taillé", est encore plus vieux, comme en témoigne un document daté de 1306. Prenant son eau dans la Sionne, rivière de type nival à faible débit estival, il s’écoule dans le sens inverse des deux bisses précédents, ce qui donne lieu ici et là à des systèmes de répartition et des croisements inattendus de canaux. Ici, pas de consortage, mais une gestion partagée par les communes d’Ayent et d’Arbaz.




Fontaine du bisse, sur la Place du Village, à Anzère


Construire, entretenir. réparer

Pour éviter le transport de grosses charges, on crée et répare le bisse avec les matériaux trouvés sur place, principalement la pierre et le bois. Les techniques de construction sont adaptées à la topographie et à la nature du terrain. Le bisse peut être suspendu ou en sol ferme, suivant les conditions locales. (Ignace Mariétan)

Techniques de construction

 Bazot (tronc d’arbre évidé)
 Chéneau (assemblage de planches formant un lit)
 ’Tretschbord’ (berges de pierres dressées perpendiculairement)
 Bisse en maçonnerie ou creusé dans le rocher
 Tunnel
 Auge métallique

(Source des informations et des documents cités : Musée des Bisses)


Pour en savoir plus

 www.musee-des-bisses.ch
 Les bisses sur le site aqueduc.info

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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