AccueilÀ la Une

12 février 2013.

Objectif qualité irréprochable

La mission principale des services d’eau potable - le premier de (...)

La mission principale des services d’eau potable - le premier de leurs soucis - est de fournir aux consommateurs une eau non seulement la meilleure possible mais d’une qualité irréprochable. On ne peut que leur être reconnaissants de l’engagement et du savoir-faire qu’ils mettent à relever un nombre croissant de défis. Il y va de notre santé à tous.

Pour s’acquitter de cette tâche, les distributeurs suisses n’ont pas le choix : la loi (1) leur fait obligation, comme aux fabricants et marchands de denrées alimentaires, de pratiquer l’autocontrôle. Ils doivent eux-mêmes s’assurer que l’eau qu’ils produisent est conforme aux normes en vigueur, et suivre pour cela des procédures de surveillance permanente "visant à maîtriser les risques biologiques, chimiques et physiques". Cela implique par exemple qu’ils analysent régulièrement l’eau à toutes les étapes de sa potabilisation et aux points critiques de sa distribution.

Tout cela paraît assez convaincant, du moins sur le papier. Ce l’est beaucoup moins dans la réalité quotidienne, du fait surtout que depuis quelques années de nombreux paramètres évoluent rapidement et que les producteurs ont la contrainte de s’y adapter sans tarder : les ressources en eau subissent les contrecoups des changements climatiques et ce n’est pas sans conséquence sur la qualité de l’eau potable ; des produits industriels de toutes sortes sont chaque jour mis sur le marché sans que l’on en connaisse vraiment les impacts sur les ressources en eau ; les nouveaux outils d’analyse dont s’équipent les laboratoires des grands services municipaux font apparaître des listes interminables de nouvelles substances indésirables ; les méthodes de traitement des eaux brutes sont de plus en plus sophistiquées et fort coûteuses.

Dernier exemple en date : la Suisse, après une dizaine d’années de recherches et de tests dûment validés, vient d’adopter et de recommander officiellement dans son manuel des denrées alimentaires une nouvelle méthode très performante de comptage des micro-organismes dans l’eau potable (2). Grâce à la cytométrie en flux, il est désormais possible, en quelques minutes, de déterminer avec précision le nombre total de cellules contenues dans un échantillon et non pas seulement, comme c’était le cas depuis une centaine d’années, de recenser les colonies de bactéries signalant une contamination. Dans les laboratoires, les mutations sautent aux yeux : les outils informatiques y ont remplacé les ‘ustensiles de cuisine’.

Dans leurs microscopes électroniques, les ’experts’ de l’eau potable (3) traquent hardiment le micropolluant, cet ennemi public numéro un, désormais présent dans le moindre des produits dont on se sert au quotidien et dont on peut raisonnablement penser qu’à long terme, si on ne lui fait pas la guerre, il finira par perturber durablement l’équilibre de nos organismes et de notre environnement.

Que l’on soit fontainier de village ou hydrogéologue, monteur en tuyauterie ou biologiste, informaticien ou gestionnaire financier, à tous les niveaux des services de l’eau les problèmes de qualité figurent aujourd’hui en tête de liste des préoccupations quotidiennes. Avec, parfois, des questions que le commun des consommateurs d’eau au robinet ne soupçonne même pas.

Les Distributeurs d’eau romands, lors de leur dernière journée technique annuelle (4), viennent par exemple de débattre des avantages et des inconvénients du chlore traditionnellement utilisé pour désinfecter l’eau brute (celle notamment que l’on pompe dans un lac). Plus précisément : faut-il encore recourir à ce procédé pour empêcher que des bactéries se développent à nouveau dans les réseaux d’eau potable ? Ou faut-il y renoncer à l’instar de ce qu’ont décidé les Pays-Bas il y a une vingtaine d’années déjà, ou plus récemment des villes comme Zürich et Bâle ?

De toute évidence, on ne pourra pas se satisfaire d’une réponse uniquement technique. Pour la simple et bonne raison que la seule et unique façon de garantir une eau potable de qualité irréprochable est de protéger la totalité du cycle de l’eau. Cela relève du devoir de chaque individu et de chaque collectivité à tout moment de son incessant circuit naturel comme en tous points de ses dérivations artificielles pour toutes sortes d’usages humains. Et ce devoir solidaire est l’un des corollaires non négociable du droit à l’eau, ce dont les pouvoirs politiques ne donnent pas toujours vraiment l’impression de se soucier.

Il faut également reconnaître que cet impératif révèle quelque chose de paradoxalement disproportionné, ce qu’illustrent parfaitement les débats techniques sur le bon usage du chlore. Ce que Louis Pasteur dénonçait au 19e siècle – « Nous buvons les 90 % de nos maladies » – est encore et toujours le lot quotidien de centaines de millions de personnes de par le monde. La plupart du temps, la seule réponse efficace est de recourir à de l’eau de Javel si possible produite sur place. Pendant ce temps – privilège des riches – on s’interroge dans les pays industrialisés sur l’opportunité, voire la nécessité de trouver des solutions alternatives, forcément beaucoup plus onéreuses, et de renoncer plus ou moins définitivement aux procédés classiques de chloration. Comme quoi, en matière d’accès à l’eau potable, l’inégalité des chances ne se décline pas seulement en termes de quantité.

Bernard Weissbrodt


Notes

(1) Ordonnance de 2005 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (ODAlOUs). Voir >
(2) Voir dans aqueduc.info : La Suisse officialise une nouvelle façon de compter les micro-organismes dans l’eau
(3) Voir dans aqueduc.info : Derrière les robinets : les laboratoires
(4) Voir dans aqueduc.info : Chlorer l’eau potable, un bien ou un mal nécessaire ?

 Sur le même thème, lire aussi dans aqueduc.info, l’interview (mars 2012) de Yann Olivaux : “Ne pas confondre normes de potabilité de l’eau et normes de santé”




Infos complémentaires


De la ressource jusqu’au robinet, en passant par l’usine de traitement, le réservoir et le réseau de distribution, sans oublier la station d’épuration, la production d’eau potable ressemble aujourd’hui à une course d’obstacles qu’il est impératif de franchir dans leur intégralité si l’on ne veut pas s’exposer à des risques sanitaires.
(photos aqueduc.info)


"Par eau potable, on entend l’eau qui, à l’état naturel ou après traitement, convient à la consommation, à la cuisson d’aliments, à la préparation de mets et au nettoyage d’objets entrant en contact avec les denrées alimentaires."
(Ordonnance du Département fédéral de l’Intérieur sur l’eau potable, l’eau de source et l’eau minérale, 2005, art.2)


Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


Contact Lettre d'information