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7 février 2022.

L’impact de la pandémie sur la consommation d’eau potable

Statistiques suisses de l’eau potable en 2020

On se doutait bien que le confinement, les cours scolaires à domicile, le télétravail et autres mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19 devaient avoir des conséquences sur la consommation d’eau potable dans les ménages et dans les espaces professionnels. Les dernières statistiques annuelles de l’eau qui viennent d’être publiées par la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (l’association faîtière des distributeurs, SSIGE) apportent une première indication chiffrée : sur l’ensemble de l’année 2020, la consommation des ménages, y compris celle du petit artisanat, a augmenté en moyenne d’un peu plus de 4 litres par jour et par personne, tandis que la consommation commerciale et industrielle a quant à elle diminué d’un peu plus de 2 litres. Mais ces deux chiffres sont encore un peu plus parlants si on examine de plus près l’impact de la pandémie.

Pour mémoire, la lutte contre la pandémie de Covid-19 durant l’année 2020 a connu en Suisse trois grandes périodes. Tout d’abord un confinement général de la mi-mars à la mi-mai, entraînant la fermeture de tous les lieux de travail et institutions non vitales (écoles, universités, restaurants, magasins non alimentaires) et l’interdiction de nombreuses activités sportives et culturelles, publiques et privées. Dans un deuxième temps, non sans certaines contraintes, magasins et restaurants ont pu rouvrir ; les rassemblements ont été progressivement autorisés et, durant l’été, la plupart des restrictions ont été abandonnées. Mais dès la mi-octobre, à l’arrivée de la deuxième vague de la pandémie, d’importantes limitations ont été à nouveau imposées aux rassemblements, aux établissements de restauration et aux activités en intérieur. Et dès la mi-décembre, de vastes mesures de confinement ont été remises en vigueur.

Dans une étude (non encore publiée) [1] qu’il a menée pour déterminer l’effet de ces différentes mesures sur la consommation d’eau potable dans les ménages et dans les entreprises commerciales et industrielles, Matthias Freiburghaus, conseiller technique Eau auprès de la SSIGE, a passé sous la loupe un échantillon de 52 services d’eau desservant entre 1’500 et 120’000 habitants. Les données finales de la consommation d’eau en 2020 ont été comparées aux prévisions faites pour cette même année sur la base des statistiques des sept années précédentes. Quant aux périodes de confinement et autres restrictions sanitaires, elles ont été calculées comme équivalant à une durée de 4,5 mois.

7 litres d’eau de plus par habitant et par jour à la maison
3 litres en moins sur les lieux de travail

Les résultats de l’étude de Matthias Freiburghaus montrent que durant ces périodes particulières de prévention sanitaire la consommation d’eau des ménages suisses s’est accrue en moyenne d’environ 7 litres par habitant et par jour (avec cependant de fortes variations allant jusqu’à plus de 18 litres dans les situations de confinement total). En moyenne toujours, cela représente pour un ménage une augmentation d’environ 5% de sa consommation d’eau. Comme les conditions climatiques de cette année-là ne semblent pas avoir eu d’effet particulier sur les besoins en eau des ménages, on peut en déduire que cette augmentation est principalement due à un nombre plus élevé de présences au domicile familial et à des changements dans les habitudes de consommation.

On aurait pu s’attendre à des chiffres plus importants. Si cela n’a pas été le cas, c’est entre autres parce qu’une part significative de la population a continué de travailler hors domicile dans des secteurs vitaux pour la santé, l’alimentation, l’agriculture, les services publics, etc. et que de toute façon le mode de confinement prescrit autorisait bon nombre d’activités à l’extérieur, durant le week-end par exemple. Par ailleurs le fait de travailler chez soi ou à l’extérieur n’a pas vraiment d’impact particulier sur certains usages comme la lessive ou l’arrosage des jardins qui de toute façon consomment beaucoup d’eau. En période de confinement, l’augmentation de la consommation d’eau s’explique donc principalement par des besoins supplémentaires en cuisine et dans les installations sanitaires.

Contrairement à la consommation des ménages, la consommation d’eau commerciale et industrielle a diminué en 2020 d’environ 3 litres par habitant et par jour (8 litres en mode d’arrêt complet). Cette baisse a été plus forte dans les milieux urbains que dans les campagnes, probablement du fait du plus grand nombre d’activités économiques dans les grandes agglomérations. À titre indicatif, une étude de la SSIGE parue en 2009 estimait qu’une personne utilisait en moyenne 21 litres par jour pour ses besoins en dehors de son domicile, en plus des 142 litres d’eau qu’elle consommait chez elle.

De cette comparaison des changements de la consommation d’eau dans les ménages et dans le secteur commercial et industriel, Matthias Freiburghaus conclut que la moitié (au maximum) de l’augmentation de la consommation d’eau à domicile constatée en 2020 peut s’expliquer par le transfert des usages de l’eau des lieux de travail et des écoles vers les lieux d’habitation et les ménages. Autrement dit, lorsqu’en Suisse quelqu’un reste ou travaille à la maison, il utilise au moins deux fois plus d’eau qu’il n’en utiliserait ce jour-là au travail ou à l’école. (bw)

Statistiques suisses de l’eau potable :
les chiffres-clés de 2020

Les statistiques de l’eau pour 2020 reposent sur les données mises à la disposition de la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (SSIGE) par 692 services des eaux, représentant 70 % de l’approvisionnement en eau potable de la population suisse et du Liechtenstein. Comme l’association faitière ne recense pas la totalité des distributeurs d’eau du pays, ces données sont ensuite extrapolées pour donner une image d’ensemble de la situation de l’approvisionnement à l’échelle nationale. [2].

  • En 2020, les distributeurs ont délivré 939 millions de mètres cubes d’eau (y compris 10 millions de m3 d’eau industrielle non potable), soit 1,2% de plus qu’en 2019. 38,1 % du volume des prises et des adductions proviennent de sources, 40,6 % de nappes souterraines et 21,3 % de lacs.
  • La consommation moyenne par habitant s’est établie à 296 litres par jour, celle des ménages à 167 litres. Ce niveau de consommation d’eau est en baisse constante depuis le milieu des années 1980, malgré l’augmentation de la population. Toutefois l’approvisionnement en eau est légèrement reparti à la hausse au cours des dernières années en raison notamment de particularités climatiques et, en 2020, de la pandémie de Covid-19 (comme cela a été décrit plus haut).
  • Les livraisons d’eau se sont réparties de la manière suivante :
    • Ménages et petit artisanat : 56,3 %
    • Artisanat et industrie : 24,4 %
    • Services publics et fontaines : 4,8 %
    • Consommation services des eaux : 2,4 %
    • Pertes : 12,2 %
  • En 2020, la Suisse comptait 5400 réservoirs d’une capacité totale de 517 millions de mètres cubes, soit une réserve d’approvisionnement de 415 litres d’eau potable par habitant. À la fin de l’année, le réseau de distribution d’eau potable comprenait 61’129 km de conduites d’adduction et 348’000 hydrantes.
  • Les distributeurs d’eau ont enregistré en 2020 des frais d’exploitation d’un peu plus d’un milliard et demi de francs, soit 2.04 francs par mètre cube d’eau facturé. Ils ont consenti des investissements pour 991 millions de francs, soit l’équivalent de 114 francs par habitant.
  • Tous les cinq ans, la SSIGE mène une enquête élargie et s’intéresse de plus près notamment au traitement de l’eau et aux matériaux des conduites. On note à ce propos que 28 % de l’eau distribuée ne nécessitent aucun traitement (42 % environ subissent un traitement simple, en particulier par désinfection aux rayons ultraviolets, et 30 % subissent un traitement en plusieurs étapes). S’agissant des matériaux des canalisations et des raccordements, la traditionnelle fonte grise est de moins en moins présente (12 %) alors que le plastique est de plus en plus utilisé (36 %), davantage même que la fonte ductile (34 %).



Notes

[1Matthias Freiburghaus, Swiss Gas and Water Industry Association (SVGW), « Impact of Covid‐19 lockdown measures on water consumption in Switzerland (during lockdown year 2020) ». aqueduc.info remercie l’auteur et la SSIGE de lui avoir donné l’opportunité de rendre compte de cette étude pour le moment encore inédite.

[2Ces données sont extraites du document « Résultats statistiques des distributeurs d’eau en Suisse. Année de l’exercice 2020 » publiés en décembre 2021 par la Société Suisse de l’Industrie du Gaz et des Eaux (SSIGE)

Infos complémentaires

Consommation stable sur le marché
des eaux minérales

Selon les statistiques publiées par l’Association suisse des sources d’eaux minérales et des producteurs de soft drinks (SMS), 939,8 millions d’eaux minérales (dont 48 % importés) ont été consommés en Suisse durant l’année 2020, soit en moyenne 108 litres par habitant (environ 3 dl par jour), tout comme en 2019.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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