AccueilInfosDossiersL’eau et la diversité culturelle

7 novembre 2003.

Les bisses, hauts-lieux du patrimoine valaisan (Suisse)

Les bisses étaient jadis d’une importance absolument vitale pour (...)

Les bisses étaient jadis d’une importance absolument vitale pour les populations paysannes. Ces canaux de terre ou de bois, aménagés sur le flanc des coteaux du Valais ou suspendus à ses falaises, délaissés depuis quelques décennies, connaissent aujourd’hui un véritable renouveau qui ravit les randonneurs.

Denis Reynard (*), un jeune historien qui leur consacre l’essentiel de ses recherches, note qu’on en trouve les premières mentions dans des documents écrits du 13e siècle. Et comme on les a largement utilisés jusque dans la seconde moitié du 20e siècle, le Valais - qui faisait du développement durable sans le savoir - a donc de bonnes raisons d’être fier d’un système technique et social d’irrigation qui aura fonctionné pendant un demi-millénaire.

C’est dès la fin du 14e siècle que la pratique du bisse s’est fortement développée. À cette époque, l’élevage de bovins à des fins commerciales prenait de l’importance. Mais il fallait pour cela augmenter la capacité fourragère des prairies et améliorer les systèmes d’irrigation. Le bisse était la solution idéale pour transporter l’eau captée dans les sources d’altitude.

Qui dit système d’irrigation, dit aussi enjeu politique. En Valais, contrairement à ce qui s’est passé en d’autres régions comme le Val d’Aoste, ce ne sont pas les seigneurs mais les groupements paysans - connus sous le nom de consortages - qui prendront rapidement en main la construction, l’entretien et la gestion des bisses, distribuant les "parts d’eau" et réglant le rythme des tours d’arrosage.

Entre les 16e et 19e siècles, l’usage des bisses subira cependant un net coup de frein et certains seront même abandonnés semble-t-il, tout cela à cause de la détérioration du climat qui se traduit par une baisse des températures et une augmentation de l’humidité.

Fin 19e, début 20e, avec le retour d’un climat plus chaud et plus sec, les bisses connaissent un redémarrage d’autant plus spectaculaire qu’il coïncide avec une relance des activités agricoles (notamment dans les vignes), des améliorations foncières et l’apparition de nouveaux moyens techniques qui facilitent la construction des captages d’eau. Mais dès le milieu du 20e siècle, les activités agricoles commencent leur régression et de nombreux bisses sont alors voués à l’abandon.

(*) Denis Reynard, "Histoires d’eau", Bisses et irrigation en Valais au XVe siècle, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 2002




Infos complémentaires

Efficaces,
mais pas infaillibles

Vu sous l’angle social, le système des bisses fonctionnait bien, fait remarquer Denis Reynard. Les consortages obéissaient à des règles strictes et pratiquaient un sévère contrôle mutuel assorti de sanctions, par exemple en cas de "vols d’eau".

Les droits d’eau, précisément, étaient répartis proportionnellement aux superficies de terres irrigables et les gros travaux d’entretien faisaient l’objet de corvées communes.

Mais, poursuit Denis Reynard, le système n’allait pas sans failles. Les consortages n’étaient pas ouverts à tous les paysans (ceux qui ne possédaient ni pré ni bétail n’y participaient pas).

De plus, leurs pratiques n’étaient pas forcément égalitaires, les grands propriétaires cumulaient les droits d’eau et constituaient du coup une sorte d’élite au sein de la communauté.


 Dans l’album photo :
Le Bisse d’Ayent

 Voir aussi le site du
Musée des bisses
(projet 2009, association en cours de création)

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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