Denis Reynard (*), un jeune historien qui leur consacre l’essentiel de ses recherches, note qu’on en trouve les premières mentions dans des documents écrits du 13e siècle. Et comme on les a largement utilisés jusque dans la seconde moitié du 20e siècle, le Valais - qui faisait du développement durable sans le savoir - a donc de bonnes raisons d’être fier d’un système technique et social d’irrigation qui aura fonctionné pendant un demi-millénaire.
C’est dès la fin du 14e siècle que la pratique du bisse s’est fortement développée. À cette époque, l’élevage de bovins à des fins commerciales prenait de l’importance. Mais il fallait pour cela augmenter la capacité fourragère des prairies et améliorer les systèmes d’irrigation. Le bisse était la solution idéale pour transporter l’eau captée dans les sources d’altitude.
Qui dit système d’irrigation, dit aussi enjeu politique. En Valais, contrairement à ce qui s’est passé en d’autres régions comme le Val d’Aoste, ce ne sont pas les seigneurs mais les groupements paysans - connus sous le nom de consortages - qui prendront rapidement en main la construction, l’entretien et la gestion des bisses, distribuant les "parts d’eau" et réglant le rythme des tours d’arrosage.
Entre les 16e et 19e siècles, l’usage des bisses subira cependant un net coup de frein et certains seront même abandonnés semble-t-il, tout cela à cause de la détérioration du climat qui se traduit par une baisse des températures et une augmentation de l’humidité.
Fin 19e, début 20e, avec le retour d’un climat plus chaud et plus sec, les bisses connaissent un redémarrage d’autant plus spectaculaire qu’il coïncide avec une relance des activités agricoles (notamment dans les vignes), des améliorations foncières et l’apparition de nouveaux moyens techniques qui facilitent la construction des captages d’eau. Mais dès le milieu du 20e siècle, les activités agricoles commencent leur régression et de nombreux bisses sont alors voués à l’abandon.
(*) Denis Reynard, "Histoires d’eau", Bisses et irrigation en Valais au XVe siècle, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 2002