"Je vous souhaite deux choses : d’abord que vous soyez prêts, ensuite que ça ne vous arrive jamais." Cette conclusion du récit qu’ils venaient d’entendre sur la contamination de réseau survenue à Martigny en juin 2019 ne pouvait que recueillir l’approbation unanime des 270 professionnels romands de la distribution d’eau réunis à Bulle pour leur journée technique annuelle. Car, même s’il fait son travail le plus consciencieusement du monde et avec la meilleure des compétences possibles, tout responsable de l’approvisionnement en eau potable d’une population sait qu’il n’est malheureusement pas à l’abri d’une pollution accidentelle des canalisations. D’où le slogan explicite de cette journée organisée le 5 février 2020 au coeur du 10e Salon aqua pro gaz [1] par l’association des distributeurs d’eau romands : "prévenir et guérir" [2].
En cas de contamination de réseau, il faut une bonne dose de sang froid aux distributeurs d’eau et aux états-majors de crise. Car ils doivent au plus vite intervenir en même temps sur plusieurs fronts : prélever des échantillons d’eau en plusieurs endroits afin de localiser l’origine de l’infection, informer la population et répondre à ses questions, assurer son approvisionnement en eau potable, procéder à des chlorations de secours, remplacer les installations défectueuses, etc. Et faire preuve aussi de patience car les laboratoires ont besoin d’une bonne vingtaine d’heures avant de pouvoir donner le résultat de leurs analyses bactériologiques.
À Martigny, en juin 2019 [3], quatre jours se seront écoulés entre le moment de l’alerte à une probable contamination de certains captages suite à de gros orages et de fortes pluies, et le communiqué annonçant que l’eau du réseau était à nouveau de qualité irréprochable et pouvait être consommée sans restriction. Fort heureusement, la contamination était minime et le problème a pu être résolu assez rapidement. Mais, raconte Patrick Pralong, directeur de Sinergy, l’entreprise qui gère les énergies, l’eau et le multimédia de la ville, "on a été très surpris que ça puisse nous arriver, on n’avait jamais imaginé que notre eau puisse être contaminée. On a reçu une bonne leçon d’humilité : il ne faut pas banaliser notre métier, ça peut nous tomber dessus n’importe quand." Mais comment s’y préparer ?
L’obligation d’autocontrôle
En Suisse, les administrations cantonales disposent toutes d’un service chargé de l’inspection des eaux et qui procède à ses propres contrôles de qualité en de nombreux points du territoire. Mais selon la législation fédérale, toute entreprise de production, de transformation et de distribution de toute denrée alimentaire (y compris l’eau de boisson) a elle-même l’obligation de pratiquer l’autocontrôle [4].
Autrement dit, ce n’est pas à l’usager de démontrer le cas échéant que l’eau qu’il consomme ne serait pas conforme à l’une ou l’autre norme de qualité, c’est aux services en charge de l’approvisionnement en eau potable de prouver qu’ils en respectent scrupuleusement les règles d’hygiène et de fabrication. Concrètement, il s’agit de surveiller en permanence la totalité des processus et des étapes de l’approvisionnement en eau (captage, traitement, stockage, transport, distribution), de procéder régulièrement à des prélèvements d’eau aux points névralgiques des réseaux et de les analyser pour anticiper les éventuels problèmes biologiques, chimiques ou physiques qui pourraient mettre en danger la santé publique.
Il faut savoir aussi que très souvent la surveillance d’un réseau se fait par le biais de prises ponctuelles d’échantillons d’eau à intervalles réguliers. Mais il est aujourd’hui possible, grâce à des sondes et des capteurs de précision, d’observer des canalisations en temps réel, à tout moment et à des points précis d’un réseau, et d’être rapidement alerté en cas de détection d’une contamination ou d’incident hydraulique. Ces systèmes de suivi en continu représentent un gage supplémentaire de sécurité.
Un guide des bonnes pratiques
Certains distributeurs, notamment les services de l’eau dans les grandes agglomérations, ont mis en place à l’interne leur propre système d’assurance qualité. Mais la majorité des petites et moyennes entreprises ne disposent pas des compétences requises pour constituer elles-mêmes leurs dossiers d’autocontrôle et juger de la mise en application correcte de l’ensemble des normes légales. Elles font donc souvent appel pour cela à des bureaux techniques extérieurs.
Toutefois, depuis 2017, elles disposent d’un guide très détaillé (quelque 150 points principaux de contrôle), élaboré par la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (SSIGE), dans lequel les procédures d’autocontrôle sont expliquées pas à pas. En suivant cette directive (W12), une entreprise de distribution d’eau potable peut alors dresser elle-même l’état des lieux de sa production et de sa distribution, évaluer sa manière de surveiller les points critiques de ses réseaux et décider des mesures à prendre pour pallier aux risques éventuellement identifiés. Si elle se conforme aux procédures indiquées, elle pourra prouver, documents à l’appui, qu’elle respecte les exigences de qualité fixées par la loi.
Ce guide comprend des documents explicatifs, des prescriptions, des fiches thématiques, des listes de contrôle, des tableaux à remplir, etc., bref toute une panoplie dans laquelle les non initiés auraient vite fait de se perdre. Fort heureusement cet outil en format classeur et papier est en train d’être progressivement remplacé par une plateforme informatique web. Cet outil interactif baptisé AquaPilot devrait en principe grandement simplifier la vie des distributeurs d’eau et leur offrir une plus grande marge de sécurité dans le diagnostic de leurs réseaux. De plus il pourra être facilement mis à jour de manière régulière.
Bernard Weissbrodt
Distinction Innovation
pour un compteur de nouvelle générationÀ chacune de ses éditions, aqua pro gaz décerne une distinction à la meilleure innovation présentée dans le Salon. Parmi les huit exposants qui cette année avaient fait acte de candidature, le jury d’experts a retenu la société Kamstrup A/S Schweiz pour son nouveau compteur d’eau flowIQ® 2200 basé sur une technologie à ultrasons. Le temps est venu de dire adieu au bon vieux compteur mécanique et de profiter des avantages du comptage intelligent, explique-t-on sur le stand de cette entreprise zurichoise : haute précision et grande fiabilité vu que ce nouvel appareil de mesure ne comporte pas de pièces mobiles et résiste donc à l’usure ; réduction du temps de collecte des données grâce à un dispositif intégré de lecture à distance ; amélioration du réseau de distribution via un système d’alarme et de détection acoustique des fuites. Pour l’usager, c’est aussi la garantie d’un relevé de consommation d’eau sans erreurs de lecture et donc d’une facturation équitable.