C’est le constat qui s’impose d’emblée au lecteur des synthèses thématiques du PNR 61. Si l’on veut promouvoir une gestion véritablement durable de l’eau, la première des démarches est d’examiner comment la disponibilité de cette ressource essentielle va évoluer dans le temps et dans l’espace. Il saute d’abord aux yeux que les grandes réserves glaciaires et neigeuses vont nettement perdre de leur importance au cours des prochaines décennies. Mais aussi, compte tenu du développement d’activités humaines de toutes sortes, polluantes ou non, que le volume des ressources hydriques utiles va lui aussi diminuer.
L’inventaire mené par les différents projets de recherche regroupés sous l’étiquette "hydrologie" ne se veut nullement alarmiste, vu que le volume d’eau disponible chaque année ne diminuera que faiblement d’ici la fin du siècle. Mais il montre clairement "que les ressources en eau sont limitées et que des ajustements s’imposent dans de nombreux secteurs". Si l’on s’aventure quelque peu dans le détail, on retiendra principalement que :
– compte tenu des disponibilités actuelles, à savoir quelque 5000 mètres cubes par personne et par année, la consommation suisse reste relativement modeste : les ménages et les différents secteurs économiques n’utilisent qu’environ 5 % du volume d’eau renouvelable, dont une partie du prélèvement peut par ailleurs servir à différents usages successifs ;
– les réserves souterraines occupent une place importante dans cette économie hydrique, entre autres parce qu’elles permettent aux Suisses d’y puiser 80 % de leur eau potable ; mais la richesse de ces aquifères, disent les experts, est souvent surestimée : son exploitation peut être en effet limitée par divers facteurs techniques, économiques, écologiques, juridiques, voire sanitaires, et l’on ne dispose pas non plus de données scientifiquement étayées sur les volumes utiles à long terme et en toutes régions ;
– c’est en haute montagne que l’on peut d’ores et déjà constater les signes tangibles, sous l’effet des changements climatiques, de l’évolution des ressources en eau ; la baisse de capacité de stockage de la neige et des glaciers aura par exemple d’importantes répercussions sur la production d’énergie et les hydroélectriciens vont devoir s’adapter à de nouveaux régimes de débits, à des charriages plus volumineux et à de nouveaux risques liés à l’apparition de nouveaux lacs suite au retrait des masses glaciaires : "la Suisse a besoin d’idées novatrices pour stocker l’eau supplémentaire" ;
– gérer l’eau de manière durable ne consiste pas seulement à se préoccuper de sa quantité et de sa qualité, mais aussi de prendre en compte la globalité de l’espace qui lui est réservé ; de ce point de vue, force est de constater, avec les rapporteurs du PNR 61, que "l’hydrologie des bassins versants complexes a été peu étudiée en Suisse jusqu’à présent" et qu’il importe de s’intéresser de plus près à l’évolution des cours d’eau : ceux-ci servent de traits d’union entre de nombreux écosystèmes et reflètent l’état de l’environnement dans sa globalité ;
– de par l’abondance de ses ressources en eau, la Suisse occupe une situation privilégiée au cœur des Alpes, mais cela lui confère aussi des responsabilités internationales particulières : pays d’amont de quatre grands bassins versants européens (Rhin, Rhône, Inn/Danube, Tessin/Pô), elle se doit de mettre en œuvre des principes favorisant la préservation des écosystèmes et de la qualité de l’eau dont héritent ses plus proches voisins. (bw)
(*) L’essentiel des informations de cet article s’inspire de la Synthèse thématique 1 du PNR 61, rédigée par Astrid Björnsen Gurung et Manfred Stähli, et intitulée "Ressources en eau de la Suisse – Ressources disponibles et utilisation, aujourd’hui et demain", disponible en téléchargement sur le site pnr61.ch