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25 juin 2010.

Menaces sur la diversité aquatique

La biodiversité, c’est la vie, proclament les slogans de l’Année (...)

La biodiversité, c’est la vie, proclament les slogans de l’Année 2010. C’est le patrimoine naturel que nous devons léguer aux générations futures. Et dans ce domaine, les écosystèmes aquatiques figurent en tête de liste des priorités. Le problème, avouent les experts, c’est que l’on n’en sait pas assez sur l’état et le devenir de la biodiversité aquatique. Tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent pour préserver la richesse génétique des ressources en eau n’a pas encore pu enrayer le processus d’érosion de ce patrimoine.

L’Eawag, l’Institut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux, a mis ces inquiétudes à l’ordre du jour de sa journée annuelle d’information, réunissant quelque 200 scientifiques, professionnels de la gestion des eaux, administratifs et politiques. Plusieurs intervenants ont ainsi pu faire part des plus récentes avancées de la recherche sur la biodiversité des milieux d’eau douce. Les comptes-rendus de ce colloque seront publiés dans la revue "Eawag News n°69".

"Une dette catastrophique de biodiversité“

Certes les lacs, les cours d’eau et les marais ne couvrent ensemble que 0,3 % de la surface de la Terre (4% environ en Suisse). Mais ces milieux abritent une variété d’espèces quasiment impossibles à recenser. Quelque 40 % des 30’000 espèces de poissons connues dans le monde et plus de 100’000 espèces d’invertébrés vivent en eau douce.

Ces milieux "dulçaquicoles" présentent cependant des taux d’extinction nettement plus élevés que les milieux marins et terrestres. Plus de 60 % des plantes aquatiques sont considérées comme menacées. En Suisse, 17 des quelque 100 espèces de poisson connues ont disparu, dont au moins un tiers des 32 espèces de corégone vivant dans les lacs.

Non seulement la rapidité d’extinction des milieux aquatiques est à la mesure de leur diversité biologique, mais aujourd’hui l’on constate parallèlement que de moins en moins d’espèces apparaissent. Ce qui fait dire à un spécialiste de l’écologie évolutive, Ole Seehausen, que l’on assiste ainsi à une double régression qui prend des allures de "dette catastrophique de biodiversité" : quand la biodiversité régresse et que les habitats se rétrécissent, "les espèces récentes fusionnent en une espèce hybride unique et la formation de nouvelles espèces est interrompue". Et ces différentes évolutions sont sans doute plus rapides qu’on ne le pensait jusqu’à présent.

Favoriser la connectivité des milieux

La disparition ou la banalisation des habitats n’est toutefois pas la seule responsable de l’extinction des espèces ; le manque de connectivité entre les milieux l’est tout autant. Les barrières artificielles, on le sait, rendent la vie dure aux poissons. Des biologistes de l’Eawag ont ainsi dénombré 23 espèces piscicoles dans le cours inférieur de la Töss (ZH). En amont d’un seuil de six mètres de haut, on n’en comptait plus que 12. A l’inverse, le nombre d’espèces de poissons du Binnenkanal, au Liechtenstein, est passé de 6 à 16 en seulement quatre ans après que son embouchure a été réaménagée pour rétablir l’accès au Rhin alpin.

Pour Mark Gessner, lui aussi chercheur à l’Eawag, la Suisse, de par sa richesse hydrologique, sa topographie et sa situation à la charnière de plusieurs régions biogéographiques, porte une grande responsabilité en matière de protection des milieux aquatiques et de leur biodiversité. Il demande aux chercheurs de se pencher non seulement sur l’étendue et les causes de l’érosion de la biodiversité mais aussi sur ses répercussions.

C’est, dit-il, que la biodiversité des milieux aquatiques garantit une meilleure stabilité face aux modifications de l’environnement et donc aussi une continuité des "services" que rendent les écosystèmes, qu’il s’agisse de l’eau potable, de la pêche, des loisirs ou encore de la protection contre les crues.

Une telle prise en compte des impératifs de protection de la biodiversité réclame de fait un changement de mentalité dans le domaine de l’économie des eaux. À ce propos, l’Office fédéral de l’environnement travaille actuellement à l’élaboration d’une stratégie nationale pour la biodiversité qui devrait être cette année encore présentée au gouvernement fédéral. (Source : Eawag)


(*) Document téléchargeable sur le site de l’Eawag : "Biodiversité aquatique - une richesse oubliée",
Eawag News 69f, Août 2010

> Lire aussi l’edito aqueduc.info de janvier 2010 :
Eau et biodiversité vont de pair




Infos complémentaires

Le Binnenkanal, au Liechtenstein, avant et après les travaux de renaturation. En quatre ans, après la revitalisation du cours d’eau, le nombre d’espèces de poissons a passé de 6 à 16.
(Photos © Eawag)


Lire aussi : Renaturation des eaux : les cantons suisses ont quatre ans pour planifier leurs travaux

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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