Kpataba et ses 12’000 habitants - petits paysans, commerçants, éleveurs - ne dispose pas d’un réseau de distribution d’eau courante. Ici les pluies tombent pendant les mois de juin juillet. En août l’eau est disponible en grande quantité et on s’approvisionne dans les puits domestiques et dans les rivières. La saison sèche commence en octobre et connaît son apogée en février et mars. C’est alors que puits et rivières tarissent, la disponibilité de l’eau devient très faible. Il ne reste que les forages munis de pompe à motricité humaine et les puits à grand diamètre aménagés avec les appuis financiers et techniques de la Direction Générale des Eaux (DGE) pour venir à la rescousse des populations.
Chaque ménage possède à domicile toute une panoplie de récipients pour y stocker de l’eau : citerne, jarre en terre cuite ou amou-lakoun, bassine, fût, bidons. Dans tous les villages, qui disposent tous d’au moins un forage, l’offre en eau est bien inférieure à la demande. L’eau jaillit de la pompe au rythme de 1 à 3 mètres cubes à l’heure, une sorte de compte-gouttes. D’ou les attroupements et les longues attentes autour de tous les points d’eau. C’est là qu’on passe le plus clair de son temps.
« La mère de la pompe »
Un comité de gestion s’occupe de l’eau en général, mais le personnage central, c’est la gérante du point d’eau. C’est à elle que revient la délicate mission de distribuer « le gobelet d’eau disponible » à tout le village. Femme de caractère, elle est aussi appréciée pour son équité, sa fermeté et son sens du bien public. On l’appelle « la mère de la pompe ». Elle gère les recettes de la journée de même que les conflits inhérents à toute pénurie.
La bassine d’eau de 25 litres, véritable unité de mesure, est vendue à 5 ou 15 francs CFA (soit 0.50 ou 1.50 francs suisses le mètre cube) selon la décision du comité de gestion. Les recettes du mois sont versées dans un compte bancaire au nom du village. Une partie de cet argent sert à payer la gérante et le reste à faire la maintenance des installations. Du fait que ces ouvrages sont très sollicités, leur mécanisme tombe très vite en panne. Bien vite le comité de gestion procède à la réparation ou au remplacement de la pièce défectueuse. Etant donné la forte demande en eau, le comité de gestion peut solliciter une extension auprès de la DGE.
« Les problèmes d’eau nous feront bientôt partir … »
Dans l’arrondissement de Kpataba, la distribution de l’eau potable en saison sèche se fait en dépit de sa faible disponibilité. Elle est ininterrompue et chaque foyer peut disposer (au moins) d’une bassine d’eau de 30 litres par jour. Autre point positif à l’actif des comités de gestion : il s’agit d’une gestion à la base, par les populations elles-mêmes qui vivent les affres du manque d’eau.
L’expérience des forages réalisés dans l’arrondissement est donc louable et tant mieux si elle peut être améliorée, étendue à d’autres villages. Car, comme dit le chef de village de Miniki : « les problèmes d’eau nous feront bientôt partir d’ici pour ailleurs. » Les conséquences de la pénurie d’eau en saison sèche sont trop nombreuses et sensibles : exode rural, échec scolaire, ralentissement des activités économiques, etc.)
Le déficit en eau limite vraiment le développement socio-économique non seulement de la commune de Savalou mais aussi de tout le département des collines. Il y a d’abord des considérations d’ordre climatique, géologique et géographique : sol hydromorphe, forte évaporation journalière, régime de pluies sur trois mois. Tout cela explique pourquoi la maîtrise de l’eau est une faiblesse de la région.
La faute aux hommes ?
Les autres raisons du déficit en eau sont à chercher du côté des activités humaines. Les techniques agricoles et les pratiques culturales sont ici incompatibles avec l’écologie des collines. Des cultures telles que le maïs, le coton, le manioc, l’igname ou l’arachide sont les spécialités des collines. Toutes sont dévoreuses de vastes espaces verts, puis gourmandes en eau et soleil. Les transformations du manioc et de l’igname en produits finis (gari et tapioca) consomment des forêts entières. Avec, pour résultat, la déforestation à grande échelle, les érosions des sols et, pour corollaires, l’imperméabilité, la pauvreté des sols, l’ensablement des plans d’eau. Pour le chef d’arrondissement, c’est la faute au mauvais comportement des hommes, lesquels ne respecteraient plus ni les interdits ni les tabous .Et le déficit d’eau de plus en plus préoccupant serait une sanction divine. D’où son appel, lancé à tout le monde et à tout un chacun, à changer de comportement vis-à-vis de la nature.
La solution, c’est vrai, se trouve dans le changement de comportements. Mais également dans celui des techniques et pratiques culturales. Le reboisement à grande échelle des collines afin de freiner les érosions et de réduire l’évaporation des sols est l’une des mesures à prendre. L’arbre est nécessaire dans les collines pour reconstituer et protéger le capital hydrique des sols. Alors l’eau jaillira avec un fort débit des forages, même en saison sèche.
Bernard Capo-Chichi