La qualité de l’eau est généralement bonne en Suisse, constate le Rapport du Conseil fédéral, et le pays n’est pas prêt d’en manquer, malgré quelques possibles pénuries localisées. Mais cette ressource est fortement mise à contribution pour l’approvisionnement en eau potable, pour les activités agricoles et industrielles, pour la production d’énergie, pour les loisirs ou encore pour le maintien des habitats naturels. Satisfaire ces nombreux et différents besoins représente un véritable défi pour les milieux aquatiques et, dans son état des lieux, le gouvernement pointe du doigt un certain nombre de problèmes qui réclament des solutions efficaces.
Ces indésirables micropolluants
Résidus d’engrais, produits phytosanitaires, composants de cosmétiques et de détergents, médicaments : la liste est longue de ces micropolluants qui, même en très faible concentration, nuisent à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines. Quelque 4800 km du réseau hydrographique suisse (qui en totalise 65 000) sont contaminés par ce genre de substances que les stations d’épuration ne parviennent pas encore à éliminer et dont on ne peut exclure qu’elles aient un effet néfaste sur les organismes aquatiques. Les mesures de contrôle des eaux souterraines – celles-ci, en général de bonne qualité, alimentent 40 % des réseaux d’eau potable sans aucun traitement – démontrent qu’elles ne sont pas non plus à l’abri de ces micropolluants, ni d’autres substances comme les nitrates, qui ne se dégradent que de façon extrêmement lente.
Cela peut avoir des conséquences financières - auxquelles on ne prête souvent que trop peu d’attention – car il faudra investir dans de nouvelles installations de traitement de l’eau ou de nouveaux captages. Le gouvernement souligne que, même si la consommation d’eau a nettement diminué en Suisse depuis 1975, il importera de réagir suffisamment tôt pour garantir que la demande (qui pourrait s’accroître pour des raisons démographiques, économiques ou climatiques) soit couverte en tout temps.
– Vu que les eaux souterraines constituent la principale ressource d’eau potable, les mesures concrètes à prendre portent principalement sur la délimitation de zones de protection des eaux souterraines, sur des projets d’assainissement tels que la transformation de terres assolées en herbages permanents, sur un encouragement à l’agriculture biologique, sur un meilleur contrôle des produits phytosanitaires lors de leur homologation, et sur une plus grande efficacité des technologies d’épuration des eaux usées.
Des cours d’eau très corsetés …
Parce qu’elles sont fortement endiguées, les rivières peinent à remplir leurs fonctions naturelles. Du fait que de nombreux ouvrages ont été aménagés pour assurer la protection contre les crues, pour produire de l’énergie, et pour agrandir les surfaces agricoles ou les terrains constructibles, un quart des cours d’eau présente une structure écologique médiocre freinant ainsi le charriage des sédiments, et plus de 100 000 obstacles artificiels entravent la migration des poissons. Il faudrait procéder à un assainissement dans près de la moitié des cas.
Ces aménagements et le manque d’espace empêchent les cours d’eau d’assurer leur fonction de connectivité entre les milieux naturels qui s’appauvrissent et perdent une bonne partie de leur capital de biodiversité. À quoi s’ajoutent d’autres problèmes comme le manque de débits dans les cours d’eaux situés à l’aval d’installations hydroélectriques ou les éclusées qui perturbent la dynamique naturelle des eaux.
– La législation fédérale sur la protection des eaux, récemment révisée, prévoit de rétablir les fonctions naturelles des ruisseaux, rivières et lacs, et de remédier ainsi aux effets néfastes des endiguements et des corrections réalisés ces 150 dernières années. Cette tâche, qui incombe en premier lieu aux cantons et aux propriétaires de centrales hydroélectriques, occupera sans doute plusieurs générations (la fin du siècle est en point de mire) et devra multiplier les synergies entre protection des eaux, protection contre les crues, biodiversité et valorisation au profit des loisirs. Près de la moitié des sites destinés à l’exploitation de la force hydraulique devront être modifiés en raison de l’insuffisance de leurs débits résiduels et il sera impératif d’identifier les tronçons de cours d’eau pouvant être voués à la production hydroélectrique et ceux dont la protection est prioritaire.
… et qui se réchauffent
Le réchauffement climatique, le déversement d’eaux chaudes (par les installations de refroidissement et les STEP) ainsi que l’absence de végétation ombrageuse sur les rives font que de nombreux cours d’eau voient monter leur température. À Bâle par exemple, le Rhin affiche aujourd’hui 2 °C de plus que dans les années 1960. Une eau relativement chaude favorise la propagation de certaines maladies parmi les populations de poissons. Et lorsqu’elle atteint les 18 à 20 °C, la réduction de la quantité d’oxygène dissous fait que les truites, féras et autres espèces présentent des symptômes de stress et risquent de périr au-delà des 25 degrés.
– Dans sa stratégie d’adaptation aux changements climatiques, et pour contrer la hausse de la température de l’eau et la baisse des débits dans les mois d’été, l’administration fédérale n’a pas exclu de recourir à des restrictions d’exploitation et un recul des taux de rendement des centrales thermiques comportant des circuits de refroidissement.
Anticiper les probables pénuries locales
Il faut s’attendre, au fil des ans, à une multiplication locale ou régionale des sécheresses estivales. Ici ou là, cela risque évidemment de multiplier les conflits d’intérêts liés à l’utilisation de l’eau (habitats pour la faune et la flore, eau potable, industrielle et d’extinction, production alimentaire et énergétique, systèmes de refroidissement, navigation, tourisme et loisirs). En 2012, le gouvernement avait déjà recommandé aux cantons de se doter de plans régionaux de gestion des ressources en eau afin de désamorcer les crises potentielles et il entend les aider à identifier les zones à risques. (Source : Office fédéral de l’environnement, OFEV)