En Suisse, l’impact environnemental global de la consommation de biens et de services est à la baisse : Il a diminué de 19% par habitant au cours des deux dernières décennies, malgré l’augmentation de la population. Mais, constate une étude publiée par l’Office fédéral de l’environnement, les efforts que font les Suisses pour améliorer leur environnement sont en partie neutralisés par une augmentation de leur empreinte écologique hors des frontières nationales. Cela se vérifie dans le domaine de l’eau : en vingt ans, l’impact suisse sur les ressources hydriques à l’étranger a augmenté de 40 %.
Depuis plusieurs années, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) demande à des experts d’étudier les répercussions de la consommation de la Suisse sur l’environnement, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. À l’interne, de gros progrès ont été enregistrés dans différents domaines, qu’il s’agisse par exemple de l’amélioration de la qualité de l’air ou de l’eau des lacs. Mais de très nombreux biens de consommation sont importés des pays européens et des autres continents où leur production a parfois un impact environnemental élevé.
L’étude que vient de publier l’OFEV [1] porte sur une période qui va de 1996 à 2015. Ses conclusions s’appuient sur une combinaison de données et d’indicateurs qui prennent en compte d’une part les chiffres du commerce extérieur de la Suisse et d’autre part les écobilans, c’est-à-dire les analyses des cycles de vie des différents produits (production, transformation, transport, utilisation, recyclage, élimination, ..., ), de l’énergie nécessaire à leur fabrication, des émissions polluantes qu’ils génèrent, etc., le tout mesuré en unités de charge écologique (UCE). Par exemple : 460 unités pour un kilo de CO2 dans l’atmosphère, 890 pour un gramme de phosphate dans un cours d’eau.
Trois fois plus que ce que la planète peut supporter
Aujourd’hui, disent les experts, "environ trois quarts de l’impact environnemental total de la Suisse est généré à l’étranger par le biais des importations", ce qui revient à dire que la prospérité du pays dépend fortement de matières premières et de produits en provenance de l’étranger. Et, précisent-ils, "l’impact total de la consommation de la Suisse sur l’environnement est plus de trois fois supérieur à ce que la planète peut supporter à long terme".
L’étude de l’OFEV repose sur l’analyse d’un indicateur global - l’impact environnemental total – et de sept indicateurs spécifiques parmi lesquels l’empreinte gaz à effet de serre, l’empreinte biodiversité et l’empreinte hydrique. En 2015, l’empreinte gaz à effet de serre du pays était d’environ 14 tonnes d’équivalent-CO2 par personne, soit largement au-dessus de la moyenne européenne alors que l’on estimait cette année-là que la limite planétaire se situait à 0,6 tonne par personne. Du côté de l’empreinte biodiversité, la pression a augmenté en Suisse d’environ 14 % par personne, à cause notamment de la consommation de biens importés. Là aussi l’impact environnemental excède considérablement le niveau compatible avec les limites planétaires.
L’empreinte eau liée à la consommation est calculée pour chaque pays en fonction de la disponibilité de ses ressources en eau. La Suisse bénéficie d’abondantes ressources en eau mais elle n’en utilise qu’un minime pourcentage pour la production de biens et de services. Son empreinte hydrique, très marquée hors de ses frontières, a été estimée en 2015 à 4810 m3 d’équivalents-eau par personne, soit 40 % de plus qu’en 1996.
Ce chiffre relativement élevé a deux explications principales : la première renvoie au volume d’importation de produits agricoles dont la culture nécessite de très grandes quantités d’eau. Si l’on regarde de plus près la carte de leurs pays d’origine, on voit que les États-Unis figurent en tête de liste (amandes, blé, coton, riz, oranges, maïs). Suivent l’Espagne (vin, agrumes), l’Inde (coton), la Chine (textiles), l’Italie (purée de tomates, vin, riz) et le Pakistan (coton).
L’autre explication de l’augmentation de l’empreinte hydrique suisse à l’étranger est à chercher dans les importations de courant électrique européen dont une part difficilement vérifiable est produite dans des centrales thermiques et à énergie fossile. À quoi s’ajoutent les prélèvements d’eau nécessaires aux systèmes de refroidissement des centrales nucléaires, en France notamment.
"Changer nos habitudes"
L’étude de l’OFEV met particulièrement en évidence trois domaines - le logement, la mobilité et l’alimentation – dans lesquels les modes de production et de consommation ont le plus d’influence sur les ressources naturelles et dont il importe de réduire les impacts.
Cela passe par divers types d’actions suggérées dans ce document, entre autres : la promotion des énergies propres et renouvelables, l’amélioration des habitations en termes de chauffage et d’isolation et l’utilisation de matériaux de construction novateurs, la mise en œuvre de technologies respectueuses des ressources, la valorisation de l’économie circulaire, des modes durables de voyages, de transport et de mobilité, le recours à des systèmes de propulsion alternatifs et à des véhicules moins lourds, l’optimisation des chaînes d’approvisionnement du commerce suisse à l’étranger, la préférence pour des produits agricoles de saison, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la consommation raisonnable de produits d’origine animale, etc.
"La comparaison entre empreintes environnementales et limites planétaires montre que nous avons dépassé le seuil de sécurité, concluent les auteurs de cette étude. Notre société et notre économie risquent ainsi de ne plus bénéficier des bonnes conditions actuelles. Or changer nos habitudes ne peut se faire sans l’engagement des consommateurs, des entreprises, des milieux scientifiques et de l’État." (Source : OFEV)