Suite au dépôt, en 2013, d’un postulat parlementaire lui demandant de prendre position sur le recours en Suisse à la fracturation hydraulique (voir la note de bas de page), le Conseil fédéral avait chargé un groupe de travail interdépartemental de faire le point sur l’état des connaissances scientifiques relatives à l’utilisation et la gestion de cette technologie, à ses possibles impacts sur l’environnement et sur l’opportunité de décider d’un moratoire en la matière.
Dans son rapport [1], ce groupe de travail note quelques-uns des risques associés à la fracturation hydraulique : déclenchement de séismes pouvant endommager des bâtiments et des infrastructures, pollution des eaux souterraines et superficielles par les additifs chimiques utilisés dans les forages, émanations de méthane ou de substances radioactives libérées du sous-sol lors de la fracturation des roches, etc.
Il faut savoir aussi qu’en Suisse les connaissances géologiques du sous-sol profond sont encore assez lacunaires, qu’elles doivent être poursuivies et qu’il est encore donc très difficile en l’état d’estimer son potentiel d’exploitation. Mais les experts semblent d’accord pour dire que la Suisse pourrait sans aucun doute tirer grand profit de ses gisements de gaz et de ses capacités de géothermie profonde (par exemple pour des installations de chauffage par le biais de pompes à chaleur). Plusieurs entreprises ne font d’ailleurs pas mystère de leur intérêt pour l’exploration de ce type de ressources souterraines. Jusqu’à présent, la fracturation hydraulique n’a été utilisée que dans des cas exceptionnels, notamment à Bâle et Saint-Gall lors de forages géothermiques qui ont dû être interrompus en raison de forts risques sismiques.
Petit rappel juridique : si l’État fédéral a autorité pour légiférer notamment dans le domaine du droit de l’environnement, c’est aux cantons qu’il appartient de décider de l’utilisation de matières premières présentes dans le sous-sol. Plusieurs d’entre eux planchent déjà sur des projets de lois relatives à leur exploitation ; certains (Neuchâtel et Vaud par exemple) ont opté pour un moratoire sur le gaz de schiste, d’autres (tels Fribourg et Berne) ont banni la recherche d’hydrocarbures. Mais tous les cantons peuvent désormais compter sur le soutien de la Confédération en ce qui concerne les procédures d’autorisation, la surveillance et l’exécution de forages profonds.
Ni interdit ni moratoire,
mais des garde-fous
Dans sa prise de position [2], le gouvernement fédéral rappelle qu’il entend réduire la dépendance du pays aux agents énergétiques fossiles, donner la priorité aux énergies renouvelables, améliorer l’efficacité énergétique et appuyer le développement de la géothermie : "la technologie de la fracturation hydraulique sera donc très vraisemblablement employée en Suisse aussi (…) Il n’y a pas lieu d’interdire la fracturation hydraulique, ni de la soumettre à un moratoire".
– S’il donne son feu vert de principe à la mise en valeur de la géothermie profonde et des hydrocarbures, le Conseil fédéral ne soutient cependant pas le recours à la fracturation hydraulique liée à la mise en valeur des hydrocarbures, et cela "pour des raisons de politique climatique et énergétique".
– Par précaution et en vertu du principe du pollueur-payeur, le rapport du Conseil fédéral pose toutefois un certain nombre de principes qu’il faudra absolument respecter pour "ramener à un niveau acceptable le risque induit par les forages profonds – avec ou sans fracturation hydraulique – pour l’homme et l’environnement".
– Le gouvernement estime qu’un moratoire sur cette technologie n’est pas approprié et qu’il manquerait de bases légales, mais que des mesures moins radicales permettraient d’en réduire largement l’impact environnemental potentiel, entre autres : interdire l’emploi des substances persistantes dangereuses pour l’environnement ou la santé, privilégier les procédés de forage et les installations de surface modernes pour empêcher les émanations de méthane.
– Il préconise également une harmonisation des procédures d’évaluations entre la Confédération et les cantons en matière de sécurité des infrastructures et de gestion des risques techniques, environnementaux et sanitaires, ce qui est loin d’être le cas pour le moment.
(Source : Administration fédérale)