IMPACTS SUR LE CYCLE DE L’EAU
En Suisse, à l’image de ce qui se passe dans d’autres régions continentales, le réchauffement a été plus marqué que la moyenne mondiale. Durant le 20e siècle, la température a augmenté de 1,0 °C à 1,6 °C selon les régions. Si l’on en croit les experts, les changements climatiques devraient s’accélérer. En fonction d’une meilleure maîtrise ou non des émissions de gaz à effet de serre, il faudra compter d’ici à la moitié du siècle avec une hausse moyenne des températures de 1,8 °C en hiver et de 2.7 °C en été, avec un réchauffement pratiquement identique sur les versants nord et sud des Alpes. Ce qui aura évidemment des impacts sur le cycle de l’eau.
- Modifications du régime hydrologique : les précipitations augmenteront d’environ 10% en hiver et diminueront de près de 20% en été. Le débit des cours d’eau en sera modifié : plus d’eau en hiver et au printemps, beaucoup moins en été et en automne. Avec une augmentation des périodes de crues et d’étiage, et une recharge des aquifères plus difficile en seconde partie d’année.
– Élévation du niveau des chutes de neige : la limite de l’isotherme zéro degré continuera de s’élever (une soixantaine de mètres par décennie durant les 50 dernières années), la neige ne tombera en abondance qu’à haute altitude et fondra plus tôt.
– Augmentation des événements extrêmes : probabilité d’une augmentation d’épisodes à fortes précipitations (ceux qui en moyenne ne se produisaient jusqu’ici qu’une fois par mois). Faut-il rappeler que les événements météorologiques extrêmes sont responsables des dégâts les plus importants et les plus coûteux en Suisse ?
– Recul des glaciers : les glaciers réagissent fortement aux changements de température. En 10 ans, en Suisse, ils ont perdu 12% de leur volume et leur superficie diminuera des trois quarts dans les Alpes d’ici 2050 dans le cas d’un réchauffement moyen. Sans le régime de fonte de ces glaciers qui alimente les rivières à la fin de l’été et au début de l’automne, certains cours d’eau risquent de s’assécher et l’humidité du sol pourra être réduite durant de longues périodes.
– Recul du pergélisol (permafrost ) : au-dessus de 2’400 m., une bonne partie du sol suisse reste gelée en permanence sur une épaisseur variant de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Le réchauffement climatique fait que ce niveau d’altitude est en train de s’élever, ce qui risque de provoquer chutes de pierres, éboulements, glissements de terrain ou coulées de boues.
– Réchauffement des lacs : depuis plusieurs années, même de grands lacs se sont réchauffés de façon continue à différentes profondeurs. Ce réchauffement favorise la prolifération des microorganismes ainsi que le développement par exemple de cyanobactéries (algues bleues) dont certaines libèrent des produits toxiques ou capables d’altérer le goût ou l’odeur de l’eau. Par ailleurs, les eaux des lacs seront moins fortement brassées en raison de l’uniformité croissante de leur température verticale, ce qui aura pour effet de réduire la teneur en oxygène des eaux profondes et de freiner leur régénération.
– Réchauffement des cours d’eau : depuis un demi-siècle, les températures de tous les grands cours d’eau de Suisse affichent une nette tendance à la hausse, parallèlement à l’élévation de la température de l’air. Avec des conséquences évidentes sur la faune et la flore (voir plus loin).
– Réchauffement des nappes phréatiques ? : on ne possède que peu de données sur les effets des changements climatiques sur la qualité des eaux souterraines, mais les premiers résultats d’études en cours démontrent que certaines nappes d’eau présentent une réaction très nette et étonnamment forte à ces modifications environnementales.
IMPACTS EN TERMES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Les changements du régime hydrologique dus au réchauffement peuvent avoir de nombreuses retombées : la flore et la faune voient leurs habitats subir d’importantes modifications, l’agriculture et la sylviculture sont confrontées à de nouveaux défis de même que les autres secteurs économiques qui dépendent de la météo et des précipitations.
Impacts environnementaux
Nombre de plantes, d’animaux et d’écosystèmes, confrontés à des changements de température et d’humidité, ont la plupart du temps réussi à s’y adapter. Le problème, aujourd’hui, vient de l’extrême rapidité de ces modifications qui peuvent parfois dépasser leur capacité d’adaptation. Les modifications du régime hydrologique affectent particulièrement la flore et la faune vivant dans les eaux, le long des cours d’eau et dans les zones humides. Les changements dans la disponibilité de l’eau peuvent modifier la répartition des espèces.
L’augmentation de la température de l’eau a des impacts négatifs sur les populations de poissons : la truite de rivière, par exemple, a besoin d’eau fraîche pour se reproduire et grandir. Si l’eau est plus chaude, elle devra migrer vers l’amont, là où les cours d’eau comptent d’innombrables obstacles naturels ou artificiels difficilement franchissables.
Le manque de précipitations, associé à de longues périodes de chaleur, affaiblit les forêts qui deviennent plus vulnérables aux bostryches et autres ravageurs. Un climat plus sec, à quoi s’ajoutent la pollution atmosphérique et l’acidification des sols, signifie moins de résistance aux tempêtes et plus de risques d’incendies.
Impacts économiques et sociaux
– Sur la production d’énergie hydraulique : vu que les précipitations se feront moins sous forme de neige et de glace en haute montagne, les barrages seront plus vite remplis au printemps mais risquent de manquer d’eau en été du fait d’une fonte des neiges moins conséquente. La production d’énergie, à partir des barrages comme au fil de l’eau, s’en ressentira. On a vu, pendant la canicule de 2003, que la hausse des températures de l’eau dans les rivières conjointe à la baisse de leur niveau rendait problématique le refroidissement des centrales nucléaires. Il n’est pas exclu non plus que la multiplication d’événements extrêmes accroisse le risque de coupure d’exploitation ou d’alimentation dans le domaine hydroélectrique.
– Sur la production agricole : en principe, un réchauffement de l’ordre de 2 à 3 degrés devrait avoir des conséquences positives sur le secteur agricole puisque la période de végétation sera plus longue. Mais encore faut-il que l’offre en eau soit suffisante. Aujourd’hui, un quart des terres agricoles suisses risque régulièrement la sécheresse, les grandes cultures sont les plus touchées et le manque d’eau peut entraîner des pertes allant jusqu’à près de la moitié des récoltes. À cela s’ajoute le fait que la plus grande fréquence de fortes précipitations provoquera encore plus de dégâts aux cultures et aux sols.
- Sur le tourisme : nombre de stations de sports d’hiver sises à basse ou moyenne altitude seront confrontées à des difficultés croissantes causées par le manque d’enneigement qui ne permet pas une exploitation rentable à long terme. Les chutes de neige non seulement se font plus rares à basse altitude, mais elles interviennent plus tard dans l’hiver. Dès lors certaines régions pourraient perdre de leur attrait si leurs paysages sont privés de neige au moment où le calendrier est propice au tourisme hivernal. En été, le recul des glaciers entraînera lui aussi une forte évolution des paysages de montagne et les rendra moins attractifs.
– Sur les infrastructures : une augmentation du nombre d’événements climatiques extrêmes impliquera une hausse des coûts liés, d’une part aux dégâts aux infrastructures, notamment celles du secteur de l’eau qui représente à lui seul plus des deux tiers de toutes les infrastructures environnementales, et d’autre part à la prévention des dangers et à l’aménagement d’ouvrages de protection des personnes et des biens.
– Sur la prévention de la santé : le réchauffement des eaux nuit à leur qualité, quand bien même il n’y a semble-t-il pas d’inquiétude à avoir quant à l’approvisionnement quantitatif en eau potable. On a aussi découvert que les glaciers, lorsqu’ils fondent, libèrent des substances chimiques indésirables et interdites depuis longtemps. Autrement dit, il faudra sans doute faire appel à des techniques de potabilisation de plus en plus sophistiquées là même où, jusqu’à présent, l’eau pouvait être distribuée sans traitement ou après un traitement sommaire. (bw)