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27 novembre 2009.

Eau et climat : impacts en Suisse

Face aux changements climatiques, la Suisse est à la même (...)

Face aux changements climatiques, la Suisse est à la même enseigne que les autres pays de l’arc alpin : elle devra faire face aux modifications de son système hydrologique en même temps qu’à une demande croissante d’eau des secteurs agricoles et touristiques. Résumé sommaire de quelques probables impacts sur le cycle de l’eau et en termes de développement durable.

IMPACTS SUR LE CYCLE DE L’EAU

En Suisse, à l’image de ce qui se passe dans d’autres régions continentales, le réchauffement a été plus marqué que la moyenne mondiale. Durant le 20e siècle, la température a augmenté de 1,0 °C à 1,6 °C selon les régions. Si l’on en croit les experts, les changements climatiques devraient s’accélérer. En fonction d’une meilleure maîtrise ou non des émissions de gaz à effet de serre, il faudra compter d’ici à la moitié du siècle avec une hausse moyenne des températures de 1,8 °C en hiver et de 2.7 °C en été, avec un réchauffement pratiquement identique sur les versants nord et sud des Alpes. Ce qui aura évidemment des impacts sur le cycle de l’eau.

- Modifications du régime hydrologique : les précipitations augmenteront d’environ 10% en hiver et diminueront de près de 20% en été. Le débit des cours d’eau en sera modifié : plus d’eau en hiver et au printemps, beaucoup moins en été et en automne. Avec une augmentation des périodes de crues et d’étiage, et une recharge des aquifères plus difficile en seconde partie d’année.

 Élévation du niveau des chutes de neige : la limite de l’isotherme zéro degré continuera de s’élever (une soixantaine de mètres par décennie durant les 50 dernières années), la neige ne tombera en abondance qu’à haute altitude et fondra plus tôt.

 Augmentation des événements extrêmes : probabilité d’une augmentation d’épisodes à fortes précipitations (ceux qui en moyenne ne se produisaient jusqu’ici qu’une fois par mois). Faut-il rappeler que les événements météorologiques extrêmes sont responsables des dégâts les plus importants et les plus coûteux en Suisse ?

 Recul des glaciers : les glaciers réagissent fortement aux changements de température. En 10 ans, en Suisse, ils ont perdu 12% de leur volume et leur superficie diminuera des trois quarts dans les Alpes d’ici 2050 dans le cas d’un réchauffement moyen. Sans le régime de fonte de ces glaciers qui alimente les rivières à la fin de l’été et au début de l’automne, certains cours d’eau risquent de s’assécher et l’humidité du sol pourra être réduite durant de longues périodes.

 Recul du pergélisol (permafrost ) : au-dessus de 2’400 m., une bonne partie du sol suisse reste gelée en permanence sur une épaisseur variant de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Le réchauffement climatique fait que ce niveau d’altitude est en train de s’élever, ce qui risque de provoquer chutes de pierres, éboulements, glissements de terrain ou coulées de boues.

 Réchauffement des lacs : depuis plusieurs années, même de grands lacs se sont réchauffés de façon continue à différentes profondeurs. Ce réchauffement favorise la prolifération des microorganismes ainsi que le développement par exemple de cyanobactéries (algues bleues) dont certaines libèrent des produits toxiques ou capables d’altérer le goût ou l’odeur de l’eau. Par ailleurs, les eaux des lacs seront moins fortement brassées en raison de l’uniformité croissante de leur température verticale, ce qui aura pour effet de réduire la teneur en oxygène des eaux profondes et de freiner leur régénération.

 Réchauffement des cours d’eau : depuis un demi-siècle, les températures de tous les grands cours d’eau de Suisse affichent une nette tendance à la hausse, parallèlement à l’élévation de la température de l’air. Avec des conséquences évidentes sur la faune et la flore (voir plus loin).

 Réchauffement des nappes phréatiques ? : on ne possède que peu de données sur les effets des changements climatiques sur la qualité des eaux souterraines, mais les premiers résultats d’études en cours démontrent que certaines nappes d’eau présentent une réaction très nette et étonnamment forte à ces modifications environnementales.


IMPACTS EN TERMES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE


Les changements du régime hydrologique dus au réchauffement peuvent avoir de nombreuses retombées : la flore et la faune voient leurs habitats subir d’importantes modifications, l’agriculture et la sylviculture sont confrontées à de nouveaux défis de même que les autres secteurs économiques qui dépendent de la météo et des précipitations.

Impacts environnementaux

Nombre de plantes, d’animaux et d’écosystèmes, confrontés à des changements de température et d’humidité, ont la plupart du temps réussi à s’y adapter. Le problème, aujourd’hui, vient de l’extrême rapidité de ces modifications qui peuvent parfois dépasser leur capacité d’adaptation. Les modifications du régime hydrologique affectent particulièrement la flore et la faune vivant dans les eaux, le long des cours d’eau et dans les zones humides. Les changements dans la disponibilité de l’eau peuvent modifier la répartition des espèces.

L’augmentation de la température de l’eau a des impacts négatifs sur les populations de poissons : la truite de rivière, par exemple, a besoin d’eau fraîche pour se reproduire et grandir. Si l’eau est plus chaude, elle devra migrer vers l’amont, là où les cours d’eau comptent d’innombrables obstacles naturels ou artificiels difficilement franchissables.

Le manque de précipitations, associé à de longues périodes de chaleur, affaiblit les forêts qui deviennent plus vulnérables aux bostryches et autres ravageurs. Un climat plus sec, à quoi s’ajoutent la pollution atmosphérique et l’acidification des sols, signifie moins de résistance aux tempêtes et plus de risques d’incendies.

Impacts économiques et sociaux

 Sur la production d’énergie hydraulique : vu que les précipitations se feront moins sous forme de neige et de glace en haute montagne, les barrages seront plus vite remplis au printemps mais risquent de manquer d’eau en été du fait d’une fonte des neiges moins conséquente. La production d’énergie, à partir des barrages comme au fil de l’eau, s’en ressentira. On a vu, pendant la canicule de 2003, que la hausse des températures de l’eau dans les rivières conjointe à la baisse de leur niveau rendait problématique le refroidissement des centrales nucléaires. Il n’est pas exclu non plus que la multiplication d’événements extrêmes accroisse le risque de coupure d’exploitation ou d’alimentation dans le domaine hydroélectrique.

 Sur la production agricole : en principe, un réchauffement de l’ordre de 2 à 3 degrés devrait avoir des conséquences positives sur le secteur agricole puisque la période de végétation sera plus longue. Mais encore faut-il que l’offre en eau soit suffisante. Aujourd’hui, un quart des terres agricoles suisses risque régulièrement la sécheresse, les grandes cultures sont les plus touchées et le manque d’eau peut entraîner des pertes allant jusqu’à près de la moitié des récoltes. À cela s’ajoute le fait que la plus grande fréquence de fortes précipitations provoquera encore plus de dégâts aux cultures et aux sols.

- Sur le tourisme : nombre de stations de sports d’hiver sises à basse ou moyenne altitude seront confrontées à des difficultés croissantes causées par le manque d’enneigement qui ne permet pas une exploitation rentable à long terme. Les chutes de neige non seulement se font plus rares à basse altitude, mais elles interviennent plus tard dans l’hiver. Dès lors certaines régions pourraient perdre de leur attrait si leurs paysages sont privés de neige au moment où le calendrier est propice au tourisme hivernal. En été, le recul des glaciers entraînera lui aussi une forte évolution des paysages de montagne et les rendra moins attractifs.

 Sur les infrastructures : une augmentation du nombre d’événements climatiques extrêmes impliquera une hausse des coûts liés, d’une part aux dégâts aux infrastructures, notamment celles du secteur de l’eau qui représente à lui seul plus des deux tiers de toutes les infrastructures environnementales, et d’autre part à la prévention des dangers et à l’aménagement d’ouvrages de protection des personnes et des biens.

 Sur la prévention de la santé : le réchauffement des eaux nuit à leur qualité, quand bien même il n’y a semble-t-il pas d’inquiétude à avoir quant à l’approvisionnement quantitatif en eau potable. On a aussi découvert que les glaciers, lorsqu’ils fondent, libèrent des substances chimiques indésirables et interdites depuis longtemps. Autrement dit, il faudra sans doute faire appel à des techniques de potabilisation de plus en plus sophistiquées là même où, jusqu’à présent, l’eau pouvait être distribuée sans traitement ou après un traitement sommaire. (bw)




Infos complémentaires

En 10 ans, les glaciers suisses ont perdu 12% de leur volume.
Photo © aqueduc.info


:: Le diagnostic

« Les changements climatiques et environnementaux se produisent bel et bien et leurs effets sur les eaux et les ressources en eau potable sont d’ores et déjà mesurables. Ces faits doivent être pris en compte dans nos décisions actuelles si nous souhaitons mettre en place une gestion durable de la ressource en eau de façon à garantir pour les générations futures la pérennité de ce patrimoine essentiel. Il importe dans ce contexte de se préoccuper des aspects qualitatifs de la ressource tout autant que des questions quantitatives peut-être plus évidentes. »
(Rolf Kipfer et David M. Livingstone, EAWAG)


:: Une concurrence toujours plus grande entre les usages de l’eau

L’une des conclusions de cet inventaire sommaire des impacts des changements climatiques en Suisse sur le régime des eaux et sur leur gestion est que si les besoins en eau augmentent en même temps dans différents secteurs de la vie économique et sociale, on assistera peut-être à d’inévitables conflits d’usages entre agriculteurs, producteurs d’électricité, responsables de stations touristiques, adeptes de sports aquatiques, défenseurs de l’environnement, etc.

Il reviendra alors à tous les usagers ainsi mis en concurrence, publics et privés, locaux et régionaux, de se donner les moyens d’un partage équitable des ressources en eau et d’une coordination efficace des usages qu’ils en font.


:: Faits et chiffres

 L’eau est la seule ressource naturelle importante de la Suisse : chaque année, ce pays reçoit sous forme de précipitations environ 60 milliards de mètres cubes d’eau, soit en moyenne une colonne d’eau de 1,5 mètre.

 Si l’on y ajoute les apports d’affluents étrangers et qu’on en retranche les pertes par évaporation, le bilan hydrologique suisse se traduit par un écoulement hors frontières de 53 milliards de mètres cubes, soit près de 1’700 mètres cubes par seconde.

 Quant aux réserves d’eau, elles se chiffrent à quelque 260 milliards de mètres cubes. Reportées à la superficie de la Suisse, cela représente une couverture d’eau de 6,35 mètres d’épaisseur.
(Sources : OFEV /SSIGE)


:: Liens et documents de référence

 CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES
SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
COPENHAGUE 2009

Site web du pays hôte, le Danemark)

 Positions suisses
Le mandat du Conseil fédéral à la délégation suisse de Copenhague

 Office fédéral de l’environnement, OFEV
Pages du site OFEV sur les changements climatiques

 Les changements climatiques et la Suisse en 2050
Impacts attendus sur l’environnement, la société et l’économie
Rapport de l’OcCC, Organe consultatif sur les changements climatiques
Berne, juin 2007
Disponible sur www.proclim.ch

 Ressources en eau et changement climatique
Rolf Kipfer et David M. Livingstone
Eawag, Institut de Recherche de l’Eau du Domaine des EPF
Eawag News 65, décembre 2008
Disponible sur www.eawag.ch


:: Bibliographie

 Martin Beniston
Changements climatiques et impacts – De l’échelle globale à l’échelle locale
Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2009, 247 p.

 Martine Rebetez
La Suisse se réchauffe - Effet de serre et changement climatique
Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2002, 142 p.


:: Copenhague, eau et climat
dossier aqueduc.info

 Éditorial : Copenhague, l’eau évaporée
 Eau et climat : scénarios pour bientôt
 “L’eau doit figurer à l’ordre du jour de Copenhague”
 Eau et climat : un guide européen pour des stratégies d’adaptation

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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