AccueilInfosAnnées précédentesAnnée 2015

4 février 2015.

Gouvernance de l’eau : l’Uni de Genève et l’UNESCO-IHE tissent des synergies

Les rectorats de l’Université de Genève et de l’Institut (...)

Les rectorats de l’Université de Genève et de l’Institut UNESCO-IHE de Delft (Pays-Bas) ont signé le 4 février 2015 un protocole d’accord en vue de créer des synergies et de développer en commun des activités de recherche et d’enseignement autour des thématiques liées à la gouvernance de l’eau. Qu’attendre d’un tel rapprochement entre ces deux académies ? Le point de vue de Géraldine Pflieger, Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université de Genève, qui a été en quelque sorte l’architecte de cet accord.

Géraldine Pflieger : « Cet accord porte prioritairement sur des thèmes liés à la gouvernance de l’eau. Mais il se veut suffisamment large pour qu’ensuite, au fil des opportunités, il ouvre des voies de collaboration avec d’autres programmes de recherche européens ou autres, et puisse répondre à des requêtes émanant d’acteurs politiques ou d’organisations internationales. L’enjeu principal de ce rapprochement, c’est de pouvoir travailler ensemble à la fois sur la recherche et sur l’enseignement. Par exemple en développant des modules communs de formation continue, voire des cours conjoints de master. Ce ne sont pas les pistes qui manquent.

Il n’est pas utopique d’espérer que progressivement d’autres unités de recherche bénéficient elles aussi de cet accord ou en reçoivent des stimulations pour mettre en place d’autres collaborations croisées. Ce pourrait être le cas, du côté de Genève, en matière d’hydrologie, de biologie aquatique, d’impacts des changements climatiques sur l’eau, et à Delft, dans les domaines des sciences naturelles ou de l’ingénierie. »

aqueduc.info : Comment ces deux partenaires comprennent-ils leurs complémentarités ? Que peuvent-ils s’offrir mutuellement qui soit vraiment original ?

 « Le premier atout de l’Université de Genève, c’est sa proximité avec des organisations internationales et des ONG installées dans l’espace genevois et actives d’une manière ou d’une autre dans le domaine de l’eau. Elle a donc la possibilité de développer des liens plus étroits avec ces institutions et d’amener ce réseau dans son partenariat académique. Son deuxième atout, c’est le fait qu’elle dispose de chercheurs travaillant sur l’eau avec des perspectives disciplinaires relativement larges, par exemple dans le domaine de la gouvernance ou dans celui du droit international, voire même en économie.

L’Unesco-IHE n’a pas de compétences particulières dans ces domaines-là, mais elle apporte dans le partenariat son propre et vaste réseau composé de chercheurs, de praticiens et d’acteurs politiques. C’est une institution originale qui tient lieu à la fois de centre de formation, de centre de recherche et de laboratoire d’idées. De plus, elle a une dimension mondiale que Genève aimerait aussi cultiver et emprunter pour rejoindre la planète eau. »

 Trois mots - synergies, interdisciplinarité, multiculturel - reviennent souvent dans vos propos. En quoi traduisent-ils des objectifs désormais essentiels au travail des chercheurs ?

 « À Genève, le groupe Politique, Environnement, Territoires de l’Institut des sciences de l’environnement a développé toute une série de synergies, entre autres le projet GouvRhône où pour la première fois une recherche a été menée en partenariat direct avec les acteurs franco-suisses de la gouvernance du fleuve, à savoir : des hydroélectriciens, des experts en écologie de l’eau, des élus et des administrateurs.

Ce projet a trouvé un prolongement dans divers partenariats, notamment avec la Commission économique de l’ONU pour l’Europe, pour mener une réflexion sur la méthodologie de la gouvernance et de la gestion intégrée de l’eau par bassins. Notre groupe s’est pour ainsi dire peu à peu spécialisé dans la recherche-action, c’est-à-dire la capacité de développer des recherches approfondies, reconnues aux plans théoriques et académiques, et qui en même temps font sens pour les praticiens.

L’interdisciplinarité consiste avant tout à ne pas mettre de frontières entre les sciences dites naturelles ou dures et les sciences dites sociales, même si ces univers sont complexes et qu’on n’en perçoit pas toujours exactement les limites. Il n’existe de par le monde que très peu de centres académiques capables de faire cohabiter dans une même institution et sur un même pied d’égalité les disciplines conjointes capables d’appréhender l’eau comme un phénomène complexe. Mais c’est une ambition que l’on partage à Genève comme à Delft.

Quant à l’approche multiculturelle, c’est le fait de pouvoir prendre en compte la diversité des relations que chaque individu entretient avec l’eau en fonction de sa religion, de son origine sociale ou de son environnement immédiat. La nature de ces rapports personnels avec l’eau, qui ne sont évidemment pas les mêmes en Afrique subsaharienne, au nord de l’Europe ou aux États-Unis, influe forcément sur la gouvernance et sur la manière de gérer les ressources hydriques.

Cultiver le goût pour la comparaison et l’ouverture multiculturelle, ce n’est pas viser à tout prix l’harmonisation des pratiques mais veiller à bien comprendre et à valoriser la diversité quasi biologique des liens entre les êtres humains et l’eau. Cela veut dire, concrètement, que nous ne voulons pas rester cantonnés dans notre région et que nous tenons à aller beaucoup plus loin que notre propre zone de vie. »


 La signature de ce protocole d’accord marque aussi une étape importante pour l’Université de Genève dans la perspective de sa candidature à l’obtention d’une Chaire UNESCO en hydropolitique. Où en est-on aujourd’hui ?

 « Le souhait de l’Université de Genève est d’obtenir une Chaire UNESCO non seulement pour la gouvernance de l’eau, mais aussi pour la globalité des relations politiques - locales, internationales, régionales - autour des ressources en eau. Une telle initiative serait tout à fait novatrice car actuellement aucune Chaire UNESCO ne se consacre spécifiquement à la géopolitique de l‘eau. C’est pourtant un sujet d’une grande actualité : certes les conflits entre États autour de l’eau sont très médiatisés, mais il existe aussi de nombreux micro-conflits entre des individus, des collectivités ou des régions. On a sans doute beaucoup de leçons à tirer des analyses des situations à petite échelle pour comprendre ce qui se passe sur des zones plus vastes, et réciproquement.

Une Chaire UNESCO, c’est un label d’excellence qui peut nous apporter beaucoup en termes de visibilité et de reconnaissance, mais qui nous stimulera et nous obligera aussi à travailler toujours mieux et à trouver les ressources humaines et financières qui nous permettront de lancer de nouveaux projets de recherche. La décision finale appartient à l’UNESCO. L’Université de Genève déposera son dossier de candidature en avril prochain et comme la procédure prévoit une année d’instruction, il faudra attendre 2016 pour connaître une réponse que chacun ici souhaite évidemment positive. »

Propos recueillis
par Bernard Weissbrodt




Infos complémentaires

Séance inaugurale du Certificat de formation continue en gestion et politique de l’eau, Université de Genève, 23 octobre 2014 (J.Erard / genevawaterhub.org)

:: L’Université de Genève et l’eau

Parmi les activités académiques liées au domaine de l’eau et développées au sein de l’Université de Genève, on peut mentionner, entre autres exemples,

 les recherches menées par le Groupe Politique, Environnement, Territoires au sein de l’Institut des sciences de l’environnement, notamment le projet « GOUVRHÔNE, gouvernance transfrontalière du Rhône du Léman à Lyon » (2012-2015) consacré aux questions relatives à la régulation du fleuve et à la production hydroélectrique dans un contexte de libéralisation de l’électricité et de changement climatique ;
 les travaux de la Plateforme pour le droit international de l’eau douce, au sein de la Faculté de droit, notamment sa très récente publication : « La participation du public et la gestion des ressources en eau : où en est le droit international ? » qui rassemble les actes d’un colloque international organisé en décembre 2013 à Genève ;
 les cours et les travaux de recherche menés au sein de l’Institut F.-A. Forel sur les environnements aquatiques et ceux du Laboratoire d’Ecologie et de Biologie Aquatique sur la diversité biologique dans les écosystèmes aquatiques continentaux ;
 le projet européen ACQWA (Assessing climate impacts on the quantity and quality of water), initié et coordonné par l’Université de Genève de 2008 à 2013, concernant la gestion des ressources en eau et de ses impacts climatiques potentiels dans les régions de montagne ;
 le Certificat de formation continue en gestion et politique de l’eau, initié en 2014 par l’Institut des sciences de l’environnement, destiné à des professionnels souhaitant développer des compétences en termes de gestion des ressources en eau ;
 ainsi que le lancement en mars 2015 d’une plateforme internet dédiée à la gouvernance de l’eau et proposant diverses ressources scientifiques et pédagogiques sous l’égide de la composante Recherche et Éducation du Geneva Water Hub.

 www.unige.ch


Entrée du bâtiment de l’UNESCO-IHE à Delft, Pays-Bas (photo Unesco-IHE)

:: L’UNESCO-IHE Institute for Water Education

L’UNESCO-IHE (Institute for Hydraulic and Environmental Engineering) est le plus important institut au monde dédié à l’enseignement supérieur dans le domaine de l’eau. Basé à Delft (Pays-Bas) et créé en 1957, il a jusqu’à ce jour formé plus de 14 500 professionnels en provenance de quelque 160 pays, dont une majorité de pays en développement.

Cet Institut mène parallèlement des activités de recherche scientifique et des projets de développement de compétences dans les grands secteurs de l’ingénierie et de la gestion de l’eau, de l’assainissement, de l’environnement et de la gouvernance, et collabore pour cela avec d’autres universités et centres de recherche.

En 2003, l’IHE a été intégré à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour constituer l’un des piliers majeurs de son engagement dans le domaine de l’eau avec le Programme hydrologique international, les Chaires UNESCO dans le domaine de l’eau et le Programme Mondial pour l’Évaluation des Ressources en Eau.

 www.unesco-ihe.org


:: Les Chaires UNESCO

Le label Chaire UNESCO désigne des espaces d’enseignement supérieur reconnus par cette agence onusienne comme des « pôles d’excellence » regroupant dans un espace défini diverses entités de type universitaire travaillant en synergie autour de « projets communs au caractère innovant » dans les domaines de compétence de l’organisation internationale, à savoir : l’éducation, la science, la culture, la communication et l’information.

Bon nombre de ces pôles d’excellence sont également associés à l’un ou l’autre de la cinquantaine de réseaux UNITWIN mis en place par l’UNESCO pour promouvoir la coopération internationale et le partage des savoirs entre universités.

Début 2015, 653 institutions bénéficiaient du label Chaire UNESCO dans 120 pays, dont 35 dans le domaine de l’eau, notamment en matière d’hydrologie et d’hydrogéologie, de protection et de gestion durable des ressources aquatiques, de participation des femmes aux décisions pour l’accès à l’eau potable, etc.

En Suisse, quatre établissements universitaires se sont vu attribuer jusqu’à présent le label Chaire UNESCO dans les domaines des droits de l’homme et de la démocratie (Fribourg), des technologies en faveur du développement (EPF Lausanne), du droit international de la protection des biens culturels (Genève), du développement et de la promotion du tourisme durable dans les sites du patrimoine mondial (Lugano).

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


Contact Lettre d'information