Il explique qu’après moult lecture il doit conclure que "le lac n’est pas un thème contemporain en poésie, sauf à la marge, sauf en passant, sauf par éclats, comme par inadvertance, par mégarde, ou bien à la sauvette, comme si depuis la fin du symbolisme, c’était vraiment LE thème à éviter, LE piège où ne pas se fourrer pour l’extrême contemporain de la poésie française."
Le têtu chercheur qu’il est - ou plutôt "le pêcheur à la ligne", dit-il - s’en est toutefois parti taquiner le lac. Hélas, "c’était toujours du fretin de lac, à peine deux, trois vers, quelquefois tous seuls sur la page, quelquefois quasi noyés dans la masse des vers et des phrases. C’était peu c’était presque rien, c’était une pêche de misère, certes, mais c’était toujours quelque chose ; c’était ma pêche."
Citations de poètes contemporains
extraites d’une recherche de Jean-François Perrin,
professeur à l’Université Stendhal de Grenoble
(avec son aimable collaboration)
Le lac qu’on traverse avec un parapluie, l’irisation inquiétante de la terre, tout cela donne envie de disparaître. Un homme marche en cassant des noisettes et se replie par moments sur lui-même comme un éventail. Il se dirige vers les salons où l’ont précédé les furets. S’il arrive pour la fermeture, il verra des grilles sous-marines livrer passage à la barque de chèvrefeuille.
André Breton, Philippe Soupault, "Les champs magnétiques"
Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
_Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.Arthur Rimbaud, "Illuminations"
Le lac Achard
Parce que des pins le frangent, ses rives n’ont
pas ce crépi de vieil ivoire que le ciel déverse
crûment sur tous les autres lacs de l’entour.
Tout est bruissement dans ce haut jardin
marqueté de lapis et d’airelles. Oasis multiple
où la craie lasse du regard se repose d’écrire le
temps, sous la dure dictée des pas.
Dans sa mémoire éboulée, le Désir doit-il, lui
aussi, cesser de monter la gamme de tes os ?
Henri Bellanger, dans la revue Arpa
L’ombre du mur
Un oeil crevé par une plume
Larme qui tombe de la lune
Un lac
Le monde rentre dans un sac
La nuit
Les cyprès font le même signe
En blanc la route les souligne
Le paysage hivernal est bleu
Les doigts tremblent
...Pierre Reverdy, "Les ardoises du toit"
Peur
Je vois entre deux eaux des enfants mal couverts
d’étoffes d’autrefois
je vois une jeune femme courir vers un lac sombre
et de grands oiseaux noirs sur une pelouse blanche
Tristan Cabral, "Demain quand je serai petit"
Le plan d’eau
Un peu comme on tenait un petit miroir devant les lèvres de quelqu’un d’inanimé, savoir s’il vivait encore, je crois qu’ils se tiennent devant ce lac à absorber la buée de l’immense, et ces quelques hommes ou femmes rares avec leurs couleurs de cumin perdue semblent là comme des miettes de monde. D’ailleurs tous les monuments en Inde ont l’air à demi abandonnés, à demi ressuscités (...)
Le regard devient peu à peu le soir, je ne vois d’autre usage à ce soir qui descend que celui d’un hommage au plan d’eau ... rencontre de la terre et de l’eau à peine soulignée par le haussement de sourcils d’un vol d’oiseaux lointains ....Jacques Kober, Revue Poésie 85