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métiers de l’eau

5 juin 2019.

Élue municipale et responsable du secteur de l’eau :

"je peux compter sur les professionnels
qui m’entourent"

DOSSIER - FEMMES ET MÉTIERS DE L’EAU - 3/7

"Ce département n’est pas forcément celui dans lequel je me serais d’emblée lancée toute seule, car je n’avais guère de connaissances ni de compétences techniques dans ce secteur-là. Mais dix-huit mois après la répartition des fonctions dans notre exécutif communal, j’avoue que j’y prends beaucoup de plaisir."

Venue des sciences sociales mais pas novice en politique puisqu’elle siège également au Parlement cantonal jurassien, Rosalie Beuret Siess est depuis 2018 conseillère municipale à Porrentruy, en charge du Département de l’Équipement. Un domaine où il est question d’énergie et de génie civil, mais également d’approvisionnement en eau potable, d’épuration des eaux usées et de protection des eaux de surface.

Cette fonction, au sein d’un exécutif communal d’une ville qui compte un peu moins de sept mille habitants, est un travail de milice et à temps partiel. Autrement dit, on ne compte pas vraiment le temps qu’on y consacre et il n’est pas toujours aisé de combiner engagement politique, activité professionnelle (Rosalie Beuret Siess œuvre également au sein d’un musée) et vie familiale. De plus, gérer, entre autres, des problèmes de réseaux et de canalisations dont on ne parle guère tout simplement parce qu’on ne les voit pas, ce n’est pas forcément gratifiant. "Mais c’est un très beau défi !" objecte la responsable communale. "Dès qu’on rentre chez soi, on prend un verre d’eau et on se lave les mains, mais on ne se demande jamais si l’eau du robinet est bonne ou pas. C’est une chance de disposer d’une telle ressource et c’est aussi une chance que de pouvoir veiller personnellement à ce que chacun y ait accès."

Autant dire que son intérêt pour le domaine de l’eau va grandissant au fil des mois même si elle n’a pas de formation particulière en la matière : "je fais un peu mon apprentissage sur le tas". La thématique lui paraît importante et d’une grande actualité avec les interrogations autour de la disponibilité des ressources naturelles. Derrière les aspects techniques de ces problématiques, explique-t-elle, "il y a toute une approche globale autour de l’eau qu’on prélève, comment on va s’en occuper à l’heure des changements climatiques et comment on pourra ensuite la restituer à la nature pour avoir la meilleure biodiversité possible. C’est un domaine vraiment très riche et très varié".

Sa compétence, insiste-t-elle, est d’abord politique. "Quand on est élue, on ne l’est pas forcément sur la base d’un métier ou d’un autre. Ce que les gens attendent d’abord de moi, c’est que je donne des orientations pour aller de l’avant et que je prenne des décisions en connaissance de cause. Je n’ai pas de connaissances particulières par exemple en chimie alors même que je dois me pencher sur des dossiers aussi compliqués que ceux de l’élimination des micropolluants dans les stations d’épuration. Quand j’ai à me pencher sur une question technique, je peux compter sur les professionnels qui m’entourent et qui ont à cœur de transmettre leur passion et leur savoir-faire."

Son entourage de travail, parlons-en. C’est un monde d’hommes. Dans le conseil municipal (sept membres), Rosalie Beuret Siess n’a qu’une collègue femme, ce qui est aussi le cas au sein de la commission des eaux usées (14 membres) du syndicat intercommunal ; mais elle est seule dans celle des distributeurs d’eau potable qui elle ne compte cependant que quatre membres. Les postes de travail du côté des fontainiers, des réseaux d’eau et de la station d’épuration sont tous occupés par des hommes. La situation est quelque peu différente dans les bureaux d’études avec lesquels la municipale collabore régulièrement notamment pour la gestion des rivières et des crues : là on trouve davantage de femmes, biologistes par exemple. "Quand on évolue en politique, commente-t-elle, on participe à des séances où les femmes sont souvent mal représentées, mais fonctionner dans cet univers masculin est quelque chose qui s’apprend. En ce qui me concerne, je n’en fais pas un problème personnel. Je sens au contraire beaucoup de bienveillance autour de moi, les gens paraissent contents d’avoir une femme qui s’intéresse au domaine de l’eau."

"Dans mon département où l’on parle beaucoup de génie civil, j’ai la chance de pouvoir compter sur des services techniques très compétents qui prennent le temps de m’accompagner et de m’aider à prendre les bonnes décisions. Et la chance également de travailler dans une commune qui a juste la bonne taille. On est loin des vastes services de l’eau des grandes villes, mais loin aussi des petites communes qui ont des effectifs limités à deux ou trois personnes. On peut vraiment préparer ensemble les dossiers."

Les femmes auraient-elles, dans le domaine de l’eau, une compétence particulière qui ferait défaut aux hommes ? C’est le genre de question qu’il faut plutôt poser aux hommes, répond Rosalie Beuret Siess. Elle qui a d’abord travaillé plusieurs années dans les sciences sociales explique que son intérêt personnel pour l’eau lui vient probablement de sa sensibilité aux questions d’écologie et de développement durable.

Et de donner un exemple concret. "Dans le développement durable, on met beaucoup l’accent sur la promotion de la santé et l’accès à l’eau potable. J’aimerais donc par exemple que Porrentruy développe des points d’eau en ville pour que tout un chacun puisse à tout moment avoir accès à l’eau s’il en a besoin. Alors est-ce l’expression d’une sensibilité féminine ? Je ne le pense pas. C’est probablement lié au fait que je viens d’un horizon différent."

C’est ici que la conseillère municipale paraît afficher sa principale conviction. Certes il saute aux yeux que les femmes sont peu présentes dans les métiers de l’eau, peut-être parce qu’elles n’ont pas encore réussi à s’y intégrer, parce c’est un domaine qu’elles ne connaissent pas suffisamment ou qu’il est prioritairement réservé aux hommes à cause de raisons liées à la pénibilité du travail.

"Mais il est certain que si on avait autour de la table des profils féminins avec des expériences de vie, des formations ou des trajectoires professionnelles différentes de celles des hommes, cette richesse permettrait d’aborder les problèmes autrement, de les appréhender dans leur complexité et de proposer des solutions mieux équilibrées. En tout cas, ça changerait les dynamiques. Et c’est ce vers quoi on devrait essayer de se projeter."

Propos recueillis
par Bernard Weissbrodt



Infos complémentaires

LES ARTICLES DU DOSSIER

 En guise d’introduction :
"Si l’eau est véritablement un bien commun …" (Bernard Weissbrodt)
 Fontainière et gestionnaire de réseau d’eau potable :
"l’important c’est d’aimer ce que l’on fait" (Inma Junco).
 Élue municipale et responsable du secteur de l’eau :
"je peux compter sur les professionnels qui m’entourent" (Rosalie Beuret Siess).
 Hydrobiologiste attachée à la surveillance des rivières :
"le plus important, c’est d’avoir un milieu vivant" (Arielle Cordonier).
 Chercheure en hydrologie et gestion de l’eau :
"étudier l’eau, c’est d’abord une question de conviction" (Marianne Milano).
 Un Réseau des femmes ingénieures de l’eau
pour encourager le partage d’expériences.
 Reportages au Bénin :
"Donne de l’eau à la femme, elle saura quoi en faire" (Bernard Capo-Chichi).



L’intégrale du dossier en PDF

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Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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