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7 mai 2022.

Pourquoi et comment recycler les eaux usées à la source ?

La dernière newsletter de l’Eawag, l’Institut fédéral suisse des (...)

La dernière newsletter de l’Eawag, l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau, est spécialement dédiée au "recyclage décentralisé des ressources issues des eaux usées" et à de nouvelles approches développées pour leur traitement. [1]
Il est aujourd’hui possible en effet de nettoyer et de réutiliser les eaux usées des cuisines et des salles de bain, et de séparer les urines et les matières fécales pour en recycler les nutriments et produire de l’engrais ou de l’énergie. Dans ce domaine, les technologies les plus efficaces postulent que la séparation du "solide et du liquide" se fasse non plus seulement dans les stations d’épuration mais de manière décentralisée et aussi près que possible des lieux d’usages de l’eau. Depuis plusieurs années, l’Eawag s’investit de manière interdisciplinaire dans des recherches sur des solutions appropriées à diverses situations.

Durant le siècle passé, rappellent les experts de l’Eawag, le traitement des eaux usées rendu possible grâce à la construction de réseaux d’évacuation et de stations d’épuration a permis de réaliser des progrès significatifs en matière d’hygiène. Ce système centralisé a fait ses preuves : au fil des décennies, les STEP ont été perfectionnées de telle sorte qu’elles parviennent à nettoyer efficacement les eaux usées et les reverser dans les rivières sans risques pour la santé publique et l’environnement. Elles peuvent aussi en récupérer certaines ressources comme l’azote, le phosphore ou le carbone organique.

Mais un tel système centralisé a ses limites. Il consomme de grandes quantités d’eau et la récupération des substances recyclables diluées dans les eaux usées nécessite des installations et des opérations parfois très complexes et onéreuses. On le voit notamment avec les efforts entrepris pour moderniser les STEP et les rendre aptes à éliminer les résidus de micropolluants en tous genres et de plus en plus nombreux. L’accroissement de population, mais aussi les changements climatiques et la perte massive de biodiversité, font qu’il est devenu impératif de repenser le système existant. D’une double façon.

 D’une part en décentralisant et relocalisant l’épuration des eaux usées : il s’agit en premier lieu de "boucler aussi localement que possible les cycles de l’eau, des nutriments et de l’énergie". Prenant exemple sur le fait qu’il existe des cycles de l’eau de tailles différentes, il est tout à fait possible de promouvoir un modèle novateur du traitement des eaux usées : décentralisé, sur place, dans un espace restreint adapté aux conditions locales. Ce changement de paradigme est applicable à de nombreuses situations : là où les installations et les infrastructures font défaut ou sont vétustes, lors d’événements ponctuels comme des pénuries d’eau passagères ou de grandes manifestations ponctuelles, ou dans les transports publics.

 D’autre part en séparant "à la source" le liquide et le solide : il existe déjà plusieurs moyens de nettoyer et de réutiliser les eaux grises, c’est-à-dire les eaux peu sales suite à leur usage pour la douche, la lessive ou la vaisselle, à condition que les normes d’hygiène soient garanties à tout moment. S’agissant des eaux noires, c’est-à-dire des eaux usées des toilettes qui contiennent des matières fécales, de l’eau de rinçage et du papier toilette, la solution passe par des toilettes dites "à séparation" dans lesquelles les déjections liquides et solides sont collectées séparément.

Les experts de l’Eawag notent qu’en fonction des conditions locales, il peut se révéler judicieux de combiner les traitements centralisé et décentralisé : "dans ces systèmes hybrides, l’urine peut par exemple être transformée en engrais de manière décentralisée tandis que l’eau grise (eau peu sale) et l’eau noire (matières fécales, papier toilette et eau de rinçage) continuent d’être déversées dans la station d’épuration des eaux usées (STEP). Ainsi, les nutriments sont séparés à la source et les processus au sein de la STEP sont moins lourds.

Chacun de ces trois systèmes – centralisé, décentralisé, hybride - présente des opportunités et rencontre des obstacles. Mais il est fort probable qu’à l’avenir ils seront utilisés tous les trois de manière complémentaire. D’autres critères, en plus de la qualité des eaux usées traitées, devront alors être pris en compte lorsqu’il faudra faire des choix entre l’un ou l’autre de ces dispositifs, comme les consommations d’énergie, les bilans carbone, les coûts et la stabilité des processus.
(Source : Eawag)



Notes

[1Focus : Recyclage décentralisé des ressources issues des eaux usées. De nouvelles approches pour le système de traitement des eaux usées.
Newsletter Eawag, Spécial No 01 2022.
Cette newsletter renvoie à plusieurs articles de l’Eawag traitant de manière détaillée des sujets comme le traitement des urines, le recyclage de leurs nutriments pour la production d’engrais ou la récupération d’énergie dans les eaux usées.

Sur la même thématique, voir aussi les articles aqueduc.info :
 Eaux usées, ressource sous-utilisée ? (10 mars 2017)
 Et si l’on faisait meilleur usage des eaux usées ? (26 septembre 2018).

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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