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4 octobre 2022.

Comment se prémunir des pénuries d’eau dans les alpages ?

En Suisse jusqu’à présent, dans la plupart des régions de (...)

En Suisse jusqu’à présent, dans la plupart des régions de montagne, les alpages ne manquaient pas vraiment d’eau. Pour alimenter le bétail, mais aussi pour approvisionner les alpagistes, les fromageries, et les buvettes. Mais depuis quelques années, les estivages subissent les contrecoups des canicules et des sécheresses, et, comme cette année, les insuffisances de neige en hiver. Durant l’été dernier, de nombreux alpages ont manqué d’eau, ici et là il a fallu organiser en urgence des transports d’eau, parfois par hélicoptère. Que faire ? L’Aide suisse à la montagne et la centrale d’information agricole Agridea proposent différentes mesures pour répondre à cette question et relever ces nouveaux défis. [1]

Alors que l’eau est une ressource absolument indispensable pour les alpages, les régions de montagne, de la chaîne du Jura aux Alpes en passant par les Préalpes, ont été particulièrement touchées par le changement climatique. Au cours des dernières années, certains territoires montagnards qui jusqu’ici avaient presque toujours bénéficié de précipitations suffisantes ont connu des pénuries d’eau.

De ce point de vue et pour survivre, les alpages ont aujourd’hui un double impératif : d’une part, faire le meilleur usage possible de leurs ressources en eau avec un minimum de gaspillage et, d’autre part, assurer leur approvisionnement de manière ingénieuse et innovante. Selon Agridea et l’Aide suisse à la montagne, les réponses jugées les plus adaptées à la nouvelle situation vont de l’exploitation de nouvelles sources au creusement de bassins d’accumulation en passant par la construction de réservoirs ou l’installation de pompes solaires [2]. Deux exemples extraits des cinq projets présentés par ces deux organisations.

Que faire quand on ne dispose pas de sources ?

L’alpage du Suchet, dans le Jura vaudois, situé sur des terrains calcaires, ne possède pas de sources et dépend exclusivement de la collecte des eaux de pluie et de fonte. Il disposait jusqu’ici de quatre citernes d’une capacité totale de 250 m3 [3] et lorsque celles-ci ne sont pas suffisamment remplies, elles doivent être alimentées par des transports d’eau qui, au fil des ans, sont devenus de plus en plus fréquents et coûteux. D’où l’idée de construire un étang de stockage dans un endroit optimal adapté à la collecte des eaux de fonte (donc dans la zone supérieure des pâturages), mais aussi de préserver le paysage par le choix de toiles imperméables d’une qualité et d’une couleur adéquates.

Le projet a été mené dans le cadre d’un concept plus large incluant des alpages voisins : des conduites d’eau supplémentaires ont été posées pour optimiser l’utilisation des sources existantes, les abreuvoirs ont été équipés de flotteurs pour éviter les pertes d’eau et, ici et là, des pompes solaires ont été installées pour la distribution de l’eau. L’utilisation de pompes solaires est une solution écologique et économique intéressante qui a déjà fait ses preuves dans certains alpages du Jura. Certes la dépendance à l’égard des précipitations reste inchangée, mais les diverses solutions adoptées devraient permettre de combler les plus importantes fluctuations et de ne plus devoir recourir à des transports d’eau.

Voir et investir à long terme

Les alpages du Breccaschlund, proche du Lac Noir (canton de Fribourg), disposent de leurs propres sources mais certaines d’entre elles se tarissent rapidement en cas de sécheresse. L’eau peut être utilisée pour le bétail mais pas comme eau potable et cette insuffisance de qualité menace la production de fromage ainsi que l’approvisionnement de plusieurs buvettes très fréquentées par les randonneurs.

Suite à une étude de faisabilité, la Coopérative à buts multiples du Lac Noir a décidé de construire un nouveau réseau d’approvisionnement en eau pour les alpages qui sera alimenté par deux stations de pompage et un réservoir. Pour garantir la qualité de l’eau potable, l’eau de deux sources sera traitée dans des installations à rayons UV. Le projet prévoit également un réseau d’approvisionnement en électricité.

À long terme, cela contribuera à maintenir et développer dans cette région les trois principaux piliers économiques que sont l’estivage, la transformation du lait et le tourisme. D’autres extensions vers des alpages voisins sont d’ores et déjà prévues. Cet investissement a été jugé d’autant plus rentable que ce réseau sera également relié au réservoir existant de la commune (Val-de-Charmey) : le cas échéant, il sera possible d’utiliser l’excédent d’eau des alpages pendant l’estivage et tout le volume d’eau durant le reste de l’année.
(Sources : Agridea / Aide suisse à la montagne)

 Pour en savoir plus, voir les cinq portraits d’alpages publiés sous forme de brochures et disponibles sur le site agripedia.ch




Notes

[1L’Aide suisse à la montagne est une fondation d’utilité publique, basée à Adliswil (ZH) et financée exclusivement par des dons. Depuis 1943, elle soutient des projets susceptibles d’améliorer les conditions de vie et de travail des populations des régions de montagne, de contribuer à la lutte contre le dépeuplement et de pérenniser leur vitalité. Elle s’engage également à trouver des solutions innovantes et durables pour la gestion de l’eau.
 AGRIDEA est la centrale de vulgarisation agricole des services cantonaux actifs dans l’agriculture et l’économie familiale. Grâce à son expertise, cette association fondée en 1958 et présente sur trois sites (Lindau, Lausanne et Cadenazzo) a pour ambition de créer des synergies entre les actrices et acteurs du secteur agricole et alimentaire suisse.

[2À noter que certaines des solutions envisagées pour faire face au changement climatique nécessitent parfois de gros investissements, souvent hors de portée des propriétaires d’alpages. Dans de tels cas, l’Aide suisse à la montagne est en mesure de prendre en charge une partie du financement sous forme de contributions à fonds perdus.

[3Pour un bovin, le niveau de consommation quotidienne d’eau en été se mesure en plusieurs dizaines de litres et peut largement dépasser l’hectolitre au gré de sa production laitière.

Infos complémentaires

De quelques solutions techniques

Pompes solaires
Dans les pâturages qui présentent de faibles différences d’altitude, les pompes solaires semblent tout à fait adaptées à la distribution et l’alimentation en eau des abreuvoirs. Il est en effet plus simple et moins onéreux de stocker de l’eau pompée que de stocker de l’énergie électrique. Les modèles les plus fréquemment utilisés dans les pâturages d‘alpage ont une capacité de 5 à 10 litres par minute.

Etangs et gouilles
Dans les zones calcaires, le ruissellement de surface est généralement très faible. Mais lorsque les dépressions de terrain bénéficient de sols imperméables, elles représentent souvent des réservoirs naturels, gouilles et étangs, dont l’eau peut être utilement acheminée vers un abreuvoir.

Traitement aux rayons UV
Si l’eau doit être purifiée, il est alors possible de recourir à un système de traitement par rayons UV (ultraviolet), une méthode écologique qui a depuis longtemps fait ses preuves. Mais ce genre d’installation a besoin d’alimentation électrique (éventuellement solaire) et son lieu d’implantation doit être soigneusement choisi, proche de la source, pour résister à la pression de l’eau.

Flotteurs
Lorsque les abreuvoirs d’alpages sont alimentés par de l’eau courante, de grandes quantités peuvent être économisées grâce à l’utilisation de flotteurs : quand l’abreuvoir est plein, ce dispositif ferme l’arrivée d’eau. Il importe alors que ces flotteurs, étanches de préférence, soient couverts et protégés de toute intrusion du bétail.

Bélier hydraulique
Le bélier hydraulique est une technique qui permet, par intermittence, de pomper de l’eau jusqu’à un niveau plus haut que la source : ce dispositif mécanique, qui ne demande que très peu d’entretien, fonctionne sans apport d’énergie extérieure car il utilise une partie de l’eau comme force motrice. Il fonctionne relativement bien pour des dénivelés allant jusqu’à 150 m.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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