En Suisse jusqu’à présent, dans la plupart des régions de montagne, les alpages ne manquaient pas vraiment d’eau. Pour alimenter le bétail, mais aussi pour approvisionner les alpagistes, les fromageries, et les buvettes. Mais depuis quelques années, les estivages subissent les contrecoups des canicules et des sécheresses, et, comme cette année, les insuffisances de neige en hiver. Durant l’été dernier, de nombreux alpages ont manqué d’eau, ici et là il a fallu organiser en urgence des transports d’eau, parfois par hélicoptère. Que faire ? L’Aide suisse à la montagne et la centrale d’information agricole Agridea proposent différentes mesures pour répondre à cette question et relever ces nouveaux défis. [1]
Alors que l’eau est une ressource absolument indispensable pour les alpages, les régions de montagne, de la chaîne du Jura aux Alpes en passant par les Préalpes, ont été particulièrement touchées par le changement climatique. Au cours des dernières années, certains territoires montagnards qui jusqu’ici avaient presque toujours bénéficié de précipitations suffisantes ont connu des pénuries d’eau.
De ce point de vue et pour survivre, les alpages ont aujourd’hui un double impératif : d’une part, faire le meilleur usage possible de leurs ressources en eau avec un minimum de gaspillage et, d’autre part, assurer leur approvisionnement de manière ingénieuse et innovante. Selon Agridea et l’Aide suisse à la montagne, les réponses jugées les plus adaptées à la nouvelle situation vont de l’exploitation de nouvelles sources au creusement de bassins d’accumulation en passant par la construction de réservoirs ou l’installation de pompes solaires [2]. Deux exemples extraits des cinq projets présentés par ces deux organisations.
Que faire quand on ne dispose pas de sources ?
L’alpage du Suchet, dans le Jura vaudois, situé sur des terrains calcaires, ne possède pas de sources et dépend exclusivement de la collecte des eaux de pluie et de fonte. Il disposait jusqu’ici de quatre citernes d’une capacité totale de 250 m3 [3] et lorsque celles-ci ne sont pas suffisamment remplies, elles doivent être alimentées par des transports d’eau qui, au fil des ans, sont devenus de plus en plus fréquents et coûteux. D’où l’idée de construire un étang de stockage dans un endroit optimal adapté à la collecte des eaux de fonte (donc dans la zone supérieure des pâturages), mais aussi de préserver le paysage par le choix de toiles imperméables d’une qualité et d’une couleur adéquates.
Le projet a été mené dans le cadre d’un concept plus large incluant des alpages voisins : des conduites d’eau supplémentaires ont été posées pour optimiser l’utilisation des sources existantes, les abreuvoirs ont été équipés de flotteurs pour éviter les pertes d’eau et, ici et là, des pompes solaires ont été installées pour la distribution de l’eau. L’utilisation de pompes solaires est une solution écologique et économique intéressante qui a déjà fait ses preuves dans certains alpages du Jura. Certes la dépendance à l’égard des précipitations reste inchangée, mais les diverses solutions adoptées devraient permettre de combler les plus importantes fluctuations et de ne plus devoir recourir à des transports d’eau.
Voir et investir à long terme
Les alpages du Breccaschlund, proche du Lac Noir (canton de Fribourg), disposent de leurs propres sources mais certaines d’entre elles se tarissent rapidement en cas de sécheresse. L’eau peut être utilisée pour le bétail mais pas comme eau potable et cette insuffisance de qualité menace la production de fromage ainsi que l’approvisionnement de plusieurs buvettes très fréquentées par les randonneurs.
Suite à une étude de faisabilité, la Coopérative à buts multiples du Lac Noir a décidé de construire un nouveau réseau d’approvisionnement en eau pour les alpages qui sera alimenté par deux stations de pompage et un réservoir. Pour garantir la qualité de l’eau potable, l’eau de deux sources sera traitée dans des installations à rayons UV. Le projet prévoit également un réseau d’approvisionnement en électricité.
À long terme, cela contribuera à maintenir et développer dans cette région les trois principaux piliers économiques que sont l’estivage, la transformation du lait et le tourisme. D’autres extensions vers des alpages voisins sont d’ores et déjà prévues. Cet investissement a été jugé d’autant plus rentable que ce réseau sera également relié au réservoir existant de la commune (Val-de-Charmey) : le cas échéant, il sera possible d’utiliser l’excédent d’eau des alpages pendant l’estivage et tout le volume d’eau durant le reste de l’année.
(Sources : Agridea / Aide suisse à la montagne)
– Pour en savoir plus, voir les cinq portraits d’alpages publiés sous forme de brochures et disponibles sur le site agripedia.ch