On sait maintenant depuis quelques années ce que canicule veut dire et ce que les grandes vagues de chaleur représentent en termes de risques pour la santé des populations, l’approvisionnement en eau, la production agricole, la préservation des forêts, la production hydroélectrique, etc. On en sait beaucoup moins sur les impacts que les périodes de fortes températures peuvent avoir sur les lacs. Une équipe de chercheurs emmenée par Iestyn Woolway, membre du Bureau du climat de l’Agence spatiale européenne, apporte dans la revue Nature quelques éléments de réponse sur ce sujet. [1]
Selon les données historiques étudiées par l’équipe de Iestyn Woolway concernant pas moins de 702 lacs de par le monde, on comptait en moyenne, durant le 20e siècle, une quinzaine de jours de canicule par an et la plupart de ces événements climatiques étaient classés comme relativement modérés (une canicule lacustre se définit comme une période d’au moins cinq jours affichant des températures extrêmement chaudes à la surface de l’eau).
Mais depuis l’an 2000 et dans trois des quatre scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), on voit que les lacs deviennent de plus en plus sensibles aux variations climatiques et que les vagues de chaleur qu’ils subissent seront à l’avenir plus intenses et plus longues.
Entre 1970 et 1999, l’intensité moyenne des vagues de chaleur lacustres pouvait atteindre des pics de 3,7 degrés Celsius supérieurs à la norme et durer 7,7 jours de plus. Sur la même base de calcul et dans la pire des projections (fortes émissions de gaz à effet de serre), les thermomètres pourraient à la fin du siècle afficher 1,7 degrés de plus (5,4) et les épisodes caniculaires se prolonger jusqu’à près d’une centaine de jours par an. Il n’est pas exclu que certains lacs atteignent alors un état de canicule permanente. Dans l’hypothèse la plus basse (faibles émissions), ces chiffres seraient respectivement de 4,0 degrés et de 27 jours.
Selon les chercheurs, cela pourrait avoir de graves impacts non seulement sur les écosystèmes aquatiques mais également sur les avantages économiques des espaces lacustres. Entre autres éventuels effets néfastes du réchauffement des lacs, on pense d’abord au manque de brassage de leurs eaux et par conséquent à la diminution d’apport d’oxygène dans les profondeurs. Sans cet d’oxygène, certaines populations de poissons seraient alors vouées à la disparition. Les vagues de chaleur lacustres peuvent également favoriser la prolifération de certains organismes aquatiques toxiques, telles les fameuses « algues bleues » (cyanobactéries) nuisibles à la santé des hommes et des animaux. [2]
Reste la seule prévention possible à ces multiples risques et la seule riposte imaginable : combattre et réduire à tout prix le réchauffement climatique. (Source : nature.com).
En Suisse, les menaces concernent surtout
les lacs de moyenne altitudeUne autre recherche menée par l’Institut fédéral des sciences et technologies de l’eau (Eawag) et publiée le 16 février 2021 [3] montre que les cycles saisonniers des lacs suisses sont profondément impactés par le changement climatique. Une équipe de scientifiques a étudié 29 lacs situés à différentes altitudes, du Lac Majeur (193 m) au Lac de Sils (1797 m), et simulé leurs processus dynamiques en fonction de différents scénarios d’augmentation des gaz à effet de serre.
Le résultat de ces simulations est sans équivoque : si le climat se réchauffe de plus de 2°C, de nombreux lacs de moyenne altitude sont menacés de perdre leur couverture de glace au cours du 21e siècle, comme le Lac de Joux ou le lac du Klöntal. Comme la diminution de la glace entraîne un échange vertical plus intense entre les eaux de surface et les couches profondes des lacs, cela empêche la formation d’une stratification stable et raccourcit sa durée. Par contre, en été, la durée de la stratification stable s’allonge, accroît le risque d’un manque d’oxygène dans les eaux profondes et peut favoriser la croissance des cyanobactéries toxiques (algues bleues).
On peut penser que de nombreux lacs de moyenne altitude pourraient ne connaître qu’un seul brassage annuel de leurs eaux au lieu de deux comme c’est normalement le cas au printemps et en automne. De telles transformations seraient alors lourdes de conséquences sur l’accumulation de chaleur des lacs et la répartition de l’oxygène et des nutriments. Vu que l’eau se réchauffe par la surface et que l’oxygène reste peu présent en profondeur, les habitats de nombreux animaux aquatiques pourraient s’en trouver profondément modifiés. (Source : Eawag).