Le rapport publié par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse sur les impacts du réchauffement climatique dans le domaine de l’eau confirme les projections mises en évidence par de nombreuses études, à savoir que le climat n’est plus stationnaire : "il n’évolue pas vers un nouvel équilibre mais vers des changements qui se poursuivent à très long terme". S’y adapter consiste à aller plus loin qu’un simple ajustement à cette évolution, mais à faire le choix d’une manière différente de gérer les ressources en eau. Il y a urgence en la matière, car l’une des caractéristiques de ces mutations météorologiques est qu’elles s’opèrent de manière beaucoup plus rapide que les précédentes évolutions connues du monde scientifique.
Concrètement, cette évolution climatique se traduira non seulement par une montée généralisée des températures, mais aussi par une baisse des précipitations estivales, par des sécheresses plus fréquentes et plus intenses et par un allongement des périodes de canicule. En tout cas, l’analyse des paramètres de température, d’évapotranspiration et de neige montrent déjà des signes très nets d’une tendance vers la raréfaction de la ressource en eau sur le bassin du Rhône et de la Méditerranée.
La baisse nette d’enneigement en altitude aura un impact marqué sur les régimes des cours d’eau, y compris sur le Rhône. Les déséquilibres entre ressources disponibles et demandes en eau iront croissant. Des bassins versants ou des aquifères considérés comme non déficitaires pourraient le devenir.
Probable augmentation des conflits entre usagers
Pendant les périodes d’étiage - plus intenses, plus longues et commençant plus tôt dans l’année - il faut s’attendre à une probable augmentation des conflits entre usagers (au premier rang desquels figurent les agriculteurs et leurs besoins d’irrigation, mais aussi les industries, les centrales de production électrique, les zones de loisirs, etc.) : "la tension risque de s’aggraver fortement là où elle existe déjà, voire d’apparaître sur des territoires aujourd’hui en situation de confort hydrique".
D’où l’importance et la nécessité politique de se donner entre autres les moyens de mieux connaître les quantités de prélèvements et de consommation, d’améliorer les capacités de stockage naturel (dans les nappes souterraines et dans les zones humides), et de disposer de structures de gouvernance particulièrement adaptées à la gestion des crises. Se posera aussi, de manière croissante, la question du maintien de la qualité de l’eau et de la maîtrise des rejets polluants, car qui dit moins d’eau dans les rivières, dit aussi dilution plus faible des contaminants et moindre capacité d’autoépuration.
Cette étude met également en évidence les impacts du changement climatique sur les zones humides, indispensables à la biodiversité, mais en même temps très vulnérables aux élévations de température et aux phénomènes d’évapotranspiration. Les côtes méditerranéennes ne sont pas non plus à l’abri puisque l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir pour conséquence la formation de nouveaux écosystèmes aussitôt menacés par l’aménagement et l’urbanisation du littoral.
La conclusion des experts est limpide : "les connaissances actuelles permettent dès à présent d’entamer la réflexion sur une politique d’adaptation". Même si l’amplitude des changements à venir n’est pas connue, l’incertitude n’est plus un motif suffisant pour ne rien faire. Bien au contraire, elle fait désormais partie des risques inhérents aux prises de décision et à la définition des risques acceptables ou non. Cela n’exclut cependant pas la prudence, car de mauvaises adaptations au réchauffement climatique pourraient avoir des effets contraires et accroître encore la vulnérabilité des populations et des écosystèmes.
– "Impacts du changement climatique dans le domaine de l’eau sur les bassins Rhône-Méditerranée et Corse - Bilan des connaissances", Septembre 2012, document disponible sur le site de cette Agence de l’eau
(*) L’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse est l’une des six agences de la France métropolitaine. Établissements publics placés sous la tutelle du Ministère chargé du développement durable, les agences ont pour missions de contribuer à améliorer la gestion de l’eau, de lutter contre sa pollution et de protéger les milieux aquatiques.