« En Océanie, l’eau de coco est la boisson quotidienne et de survie des hommes. Sur un atoll polynésien, fragile anneau de terre au milieu de l’océan, doté d’une maigre végétation et fréquemment exposé à la sécheresse, dépourvu de nappe phréatique, le manque d’eau douce peut conduire à la mort sans la présence des cocotiers et de cette eau de nature. Dans le passé,on allait jusqu’à ramasser la rosée du petit matin sur les plantes pour étancher la soif. Dans ces contextes extrêmes, l’eau de coco est symbole de vie. Sur les îles surélevées, aujourd’hui, quand s’installe une période de sécheresse et que le niveau des citernes qui récupèrent l’eau des toitures baisse, les visages ne traduisent pas d’inquiétude (…) »
Boisson des dieux…
(…) En Inde, la noix de coco, narikela, a surtout une forte valeur symbolique. Elle fait partie des fruits et légumes que le dieu Ganesa à tête d’éléphant (également appelé Ganapati ou Vinayaka, « celui qui enlève les obstacles » ou bien encore Vighnesvara, « le maître des obstacles »), fils de Shiva et Parvati, tient dans la main pour signifier qu’il est le maître de toutes les plantes et le créateur des plantes médicinales. Elle fait partie des emblèmes du dieu et représente le fruit par excellence, le karmaphala.
Chaque élément constitutif de la noix correspond à une image : la coque représente l’illusion du monde, sa chair blanche toutes nos actions accumulées et son eau à l’intérieur, notre égoïsme. En la brisant, on offre son cœur à Ganesa. Chaque année au mois de septembre à Paris, la communauté indienne rend hommage à son dieu Ganesa, l’un des plus populaires, au cours d’une gigantesque procession. Musiciens, danseuses et danseurs torses nus célèbrent Ganesa et brisent à grand bruit des centaines de noix de coco sur le sol. L’eau éclabousse et inonde la chaussée, tel un bain sacré offert à la divinité, un rite de purification ou une manière de faire revenir la pureté dans l’ordre du cosmos et chez les hommes. Sacrifice ou offrande, les hommes avec l’eau de ces noix éclatées lui offrent leur ego et Ganesa leur garantit en échange un avenir sans nuage. »
… et des sportifs
« On sait depuis longtemps qu’un homme soumis à un effort physique important et continu dans une épreuve sportive ou dans certaines circonstances de la vie quotidienne perd en une heure une grande partie de l’eau contenue dans son corps avec la transpiration ; cette eau draine également des sucres et des minéraux et peut le conduire à un état de fatigue irréversible si ces éléments ne sont pas renouvelés d’une manière ou d’une autre.
Jusqu’à une époque récente, ces manques étaient compensés par des boissons énergétiques de synthèse dites « boissons de l’effort » qui constituent un secteur important des boissons non alcoolisées ou tout simplement par l’absorption d’eau. La FAO ayant constaté les effets de la consommation d’eau de coco dans les pays qui cultivent les cocotiers et les qualités intrinsèques de cette boisson naturelle, l’eau de coco est devenue récemment un sérieux concurrent sur le marché de ce type de boissons, à condition de trouver un moyen de ne pas détruire sa saveur et ses nutriments par des procédés thermiques (…) »
Marie-Claire Bataille-Benguigui,
ethnologue, chargée pendant de nombreuses années des collections d’Océanie du Musée de l’Homme à Paris.
Extraits de « l’eau de coco, boisson des hommes, des dieux et des sportifs », dans « l’eau à la bouche »,
Fondation Alimentarium, Vevey, 2005, pp.89-94.