« Inventorier, conserver et valoriser les milieux fontinaux » : c’est le titre d’un document d’une quarantaine de pages publié par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) qui décrit les buts et les procédures visant à protéger et valoriser les sources et leurs biotopes, leur richesse et leur diversité. Car, il faut bien le reconnaître, pendant longtemps, on ne s’est que trop peu intéressé à ces milieux naturels, à leur importance écologique et à leur sauvegarde. Au point que durant le siècle passé, de nombreuses sources ont disparu du fait de l’urbanisation croissante et de l’intensification de l’agriculture. Entre temps, on a mieux compris qu’elles servent d’interface entre le monde souterrain et la surface terrestre et que de ce point de vue elles représentent un maillon essentiel dans le cycle de l’eau.
De tout temps, rappelle l’avant-propos de cette nouvelle publication de l’OFEV [1], les sources ont été pour différentes cultures bien plus qu’un simple point d’eau : elles ont aussi été vénérées en tant qu’interface avec le monde souterrain, lieu sacré de pouvoir divin et symbole de vie. On leur attribue depuis des milliers d’années des vertus positives et curatives. Ce n’est donc pas un hasard si nombre de légendes, mythes et traditions y sont associés.
Ces considérations paraissent fort lointaines car depuis quelques décennies, en particulier dans les zones ouvertes de basse et de moyenne altitude et à proximité des zones urbanisées, on n’a cessé de capter les sources et d’assécher leurs biotopes, pour assurer l’approvisionnement de la population en eau potable ou pour intensifier l’utilisation des terrains pour toutes sortes d’usages. La situation de ces « milieux fontinaux », c’est-à-dire les lieux où émergent des eaux souterraines et leur environnement immédiat, est à l’image de la biodiversité en Suisse : en mauvais état et gravement menacée.
La stratégie à long terme de l’OFEV pour conserver ces biotopes se décline en trois types d’intervention : inventorier, protéger, valoriser les milieux fontinaux. Dans un premier temps, pour disposer d’une indispensable vue d’ensemble, l’Office a fait élaborer un système spécifique d’évaluation et d’information afin de garantir une méthode d’inventaire homogène applicable dans tous les cantons et un recensement cohérent dans une base de données à l’échelle nationale.
La conservation et la pérennisation des sources passent par différentes mesures visant le long terme. En forêt ou dans les alpages, une mise sous protection ne sera sans doute pas systématiquement nécessaire. Dans les pâturages par exemple, il suffira d’installer de simples clôtures. Ailleurs il faudra peut-être réglementer l’affectation des zones et des périmètres de protection, voire parfois créer des réserves naturelles.
En termes de valorisation des milieux fontinaux, on sait par exemple que de nombreuses sources d’eau potable captées ont été retirées du réseau parce qu’elles étaient de moins bonne qualité ou parce que leur débit était insuffisant. Le démantèlement des chambres de captage abandonnées ou l’activation d’un trop-plein là où un captage complet n’est pas nécessaire de manière permanente permettent de redonner vie à des milieux fontinaux. Autre exemple : l’installation d’abreuvoirs dans les pâturages en dehors des milieux fontinaux sensibles au piétinement favorise le développement d’une biodiversité végétale et animale.
Mais tout cela ne sera vraiment possible que si l’on fait en même temps l’effort d’informer le public sur l’importance écologique des sources et de la multitude d’espèces qu’elles font vivre : pour l’OFEV, il s’agit aussi de « sensibiliser la population aux enjeux dont font partie intégrante les milieux de vie mystérieux qui n’apparaissent au spectateur qu’au second regard ».
– Sur le même thème, voir aussi l’article aqueduc.info : Les sources naturelles,
milieux méconnus et menacés (30 septembre 2020).