Rectifier les cours d’eau, les endiguer de manière solide, voire même enterrer leur lit : c’est ainsi que pendant des décennies, pour ne pas dire des siècles, les hommes ont procédé pour se protéger contre les crues et pour tenter d’exploiter leur potentiel de navigation ou de production d’énergie et d’agrandir les terrains cultivables. Ce qui a pour effet d’interrompre la continuité des rivières et d’entraver leur dynamisme. Mais depuis qu’ils ont compris qu’elles remplissaient d’autres fonctions naturelles absolument vitales pour eux-mêmes et pour leur environnement, ils ont commencé à les renaturer et à leur redonner l’espace dont elles ont besoin.
L’étude publiée par l’OFEV fait le point sur la structure actuelle des petits et moyens cours d’eau de Suisse. Dans 24 cantons, les chercheurs ont appliqué une méthode standard pour relever l’état écomorphologique des ruisseaux et des rivières sur une longueur totale d’un peu moins de 29’000 kilomètres. Pour les instances fédérales et cantonales concernées par l’aménagement des cours d’eau et la protection des eaux, c’est une collaboration sans précédent et qui permet aujourd’hui de disposer d’un excellent travail de synthèse sur l’état écomorphologique des cours d’eau suisses.
La structure des cours d’eau suisses, en bref
En extrapolant les données des relevés de l’étude sur l’ensemble du réseau hydrographique suisse, long de quelque 65’000 km, on obtient les résultats suivants quant à l’état écomorphologique des cours d’eau suisses, classés par stades de qualité et en % des tronçons :
I. État naturel/semi-naturel : 54 % (35’000 km)
II. Peu atteint : 24 % (16’000 km)
III. Très atteint : 10 % (7’000 km)
IV. Non naturel/artificiel : 5 % (3’000 km)
V. Mis sous terre : 7 % (4’000 km)
– Cette répartition des cours d’eau selon leur état écomorphologique n’est pas homogène. La proportion des cours d’eau en mauvais état est par exemple plus forte sur le Plateau et dans l’arc jurassien que dans les Alpes, plus forte également dans les zones urbanisées que dans les zones agricoles.
– Alors qu’ils auraient besoin d’un espace total de quelque 86’000 ha, les cours d’eau suisses n’en disposent actuellement que de 64’000.
– À noter aussi que quelque 101’ 000 obstacles artificiels entravent la connectivité longitudinale des cours d’eau. La hauteur de ces seuils ou autres aménagements dépasse 50 cm, ce qui empêche la migration des poissons.
Un outil de travail appréciable
“Nous sommes désormais plus au clair, lit-on dans ce rapport, sur la situation actuelle et sur les améliorations nécessaires de notre réseau hydrographique en termes de diversité structurelle, d’espace disponible et d’obstacles au passage des poissons. Ces précieuses informations nous aideront à fixer des priorités pour les travaux de revitalisation et de protection contre les crues.”
Les données écomorphologiques rassemblées dans cette étude constituent en effet de précieux instruments de travail pour les services et offices spécialisés (aménagement du territoire et des eaux, pêche, protection de la nature et des eaux, agriculture, etc.), les bureaux d’études, les milieux scientifiques et les associations professionnelles. Il s’en dégage d’emblée quelques recommandations générales :
– Sauvegarder les cours d’eau naturels ou proches de l’état naturel, respecter autant que possible leur dynamique propre et leur éviter toute atteinte nuisible
– Maintenir en l’état les cours d’eau peu atteints ou leur réserver davantage d’espace pour stimuler leur dynamique et rendre leur état naturel ou semi-naturel
– Revaloriser les cours d’eau très atteints, dans un état artificiel ou non naturel de manière à ce qu’ils atteignent au moins le stade ‘peu atteint’
– Remettre à ciel ouvert et réaménager de façon naturelle les tronçons enterrés
– Remplacer les obstacles artificiels par des aménagements appropriés (élargissement du lit, rampe en enrochements, chenal de contournement ou passe à poissons) ou en tout cas les rendre franchissables.
(Source : Étude OFEV)