De mars à octobre 2017, des chercheurs de l’Eawag (Institut fédéral des sciences et technologies de l’eau) et du Centre Ecotox ont prélevé des échantillons en continu dans cinq petits cours d’eau [1] dont les bassins étaient occupés par différentes formes d’agriculture et en ont mesuré les teneurs en produits phytosanitaires. Ces cinq cours d’eau sont jugés représentatifs de nombreux ruisseaux suisses.
Des dépassements des critères de qualité environnementale ont été observés dans les cinq ruisseaux : au total, 145 substances actives ont été détectées à raison de 71 à 89 par site. Un risque d’effets chroniques a été identifié pour les organismes aquatiques pendant une durée allant, suivant les sites, de trois mois et demi à six mois et demi. Mais pendant une période moins longue (14 à 74 jours), le risque était si élevé que des effets aigus sur les communautés biotiques n’ont pu être exclus. Cette situation s’explique non seulement par la présence de certains polluants particulièrement problématiques mais aussi par le mélange (effet cocktail) d’herbicides, de fongicides, d’insecticides et d’autres produits.
Pour les chercheurs, il ne fait aucun doute que l’actuel seuil unique de 0,1 µg/l pour les pesticides organiques stipulé par l’Ordonnance fédérale sur la protection des eaux manque de pertinence : cette limite a été dépassée une ou plusieurs fois pour 66 substances, dont les deux herbicides glyphosate et mécoprop. Or, dans ces deux cas, le seuil unique ne reflète pas correctement le risque pour les organismes aquatiques car il ne tient pas compte des aspects écotoxicologiques.
Selon leurs auteurs, ces études mettent en tout cas deux choses en évidence : d’une part, la surveillance de la qualité de l’eau doit porter sur un large éventail de polluants (75 % des risques actuels dépendraient d’une bonne cinquantaine de produits) ; d’autre part, il est urgent de prendre toute une série de mesures pour réduire la pollution, à commencer par le remplacement des substances particulièrement critiques et la réduction des dosages. Il y va de la bonne santé de quelque 13’000 km de ruisseaux. (Source : Eawag / Centre Ecotox / Aqua & Gas)