Que signifie l’eau pour nous ? quelle valeur lui donnons-nous pour notre bien-être quotidien ? dans notre vie familiale et sociale ? dans notre travail et nos loisirs ? dans notre environnement et nos activités culturelles ? Bref : quel sens donnons-nous à nos usages individuels et collectifs de l’eau et comment pouvons-nous valoriser davantage cette ressource absolument nécessaire à toute existence ? Voilà les questions que les organisateurs de la traditionnelle Journée annuelle mondiale de l’eau du 22 mars ont décidé de poser cette année à un public le plus large possible. Et d’encourager chacune et chacun à partager avec son entourage ses impressions et ses souvenirs, ses opinions et ses expériences, et pourquoi pas ses envies et ses projets à propos des différentes significations de l’eau. [1]
La façon de protéger l’eau, de la gérer, de la partager et de l’utiliser dépend de toute évidence de la valeur qu’on lui donne et cette valeur va bien au-delà des prix fixés par les distributeurs et par les marchés. Ne regarder cette ressource que sous l’angle des calculs économiques et monétaires sans prendre en compte le rôle primordial et irremplaçable qu’elle joue dans l’environnement (à travers les écosystèmes) et dans les sociétés (en termes de santé physique et spirituelle, de lien communautaire, de dignité humaine, etc.) ne peut mener qu’à sa dégradation.
« De nombreuses valeurs sont en jeu sous des priorités éthiques bien différentes », fait remarquer Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement [2]. Peut-on en effet comparer la valeur de l’eau qui sert à remplir une piscine à celle du minimum vital estimé comme un droit humain fondamental ? quelle valeur donner au nom du progrès à des activités productives qui recourent à toutes sortes de substances qui empoisonnent la santé publique ? va-t-on un jour comprendre que les rivières ne sont pas de simples canaux d’eau et que les forêts sont bien plus que des entrepôts de bois ? et que dire des aquifères, ces poumons hydrologiques de la nature, qui sont souvent gérés de manière irresponsable ? Le message de cet ancien professeur de l’université espagnole de Saragosse est on ne peut plus clair : rien ne changera sans l’éducation et la mobilisation sociale. Seules la force et l’intelligence collectives peuvent mener à des solutions justes et durables « qui sont possibles parce qu’elles sont nécessaires ».
QUELQUES PISTES
> Valoriser les ressources naturelles en eau et les écosystèmes
Le cycle naturel de l’eau est le « service écosystémique » le plus important de la planète. Toute l’eau qu’on prélève dans l’environnement pour toutes sortes d’usages finit par y retourner chargée de quantités plus ou moins grandes de polluants. Mieux protéger ces écosystèmes aquatiques et l’environnement en général est un moyen de garantir un approvisionnement en eau de bonne qualité et de renforcer la résilience face aux aléas des changements climatiques, inondations et sécheresses.
> Valoriser les infrastructures hydrauliques
Les infrastructures hydrauliques pour le captage de l’eau, son traitement, son stockage, sa distribution et son assainissement sont des éléments-clés du cycle des usages de l’eau. Il importe donc d’en prendre soin : mal entretenues ou dégradées (on pense ici notamment aux canalisations), elles peuvent nuire à la fois à la santé et au développement des populations, ainsi qu’aux écosystèmes. Le risque existe de sous-estimer leurs coûts sociaux et environnementaux.
> Valoriser les services et les métiers de l’eau
À la maison, à l’école ou au travail, dans les centres de soins ou dans les lieux de loisirs, l’eau joue un rôle vital. Mais on ne s’intéresse en général que très peu aux services qui fournissent ce bien de première nécessité et en assurent la meilleure qualité possible. Les métiers de l’eau, qui comportent toute une palette de compétences, sont la plupart du temps méconnus alors même qu’ils sont essentiels pour l’approvisionnement en eau et pour la préservation de sa qualité.
> Valoriser l’eau dans tous ses usages
De l’eau, il en faut dans tous les domaines d’activités humaines : dans l’agriculture pour produire de la nourriture ; dans l’industrie pour fabriquer toutes sortes de biens, qu’ils soient de première nécessité ou non ; dans le secteur des services, comme l’enseignement, les transports, l’hôtellerie et la restauration, le tourisme, etc. De l’eau, il en faut pour produire de l’énergie et pour garantir des emplois. Mais aucun de ces domaines n’échappe aux risques de mauvaise gestion des ressources en eau, de gaspillage et de pollution. Et cela parce que trop souvent encore on ne prend en compte que la valeur pratique et économique de l’eau et on néglige ses composantes sociales et environnementales.
> Valoriser les aspects socio-culturels de l’eau
L’eau est un bien universel non seulement parce qu’aucun être ne peut vivre sans elle, mais aussi parce que sa force symbolique est l’une des mieux partagées de l’humanité, toutes sociétés confondues. Mais les façons de percevoir, d’utiliser et de célébrer cet élément sont fort diverses : elles suscitent une multitude de représentations collectives de l’eau, de mythes et de croyances populaires, de rites sacrés et de traditions religieuses ; elles génèrent d’innombrables œuvres dans tous les domaines de la création artistique ; elles montrent aussi la capacité qu’ont les groupes humains de développer des savoir-faire qui répondent de manière originale aux défis de leur gestion de l’eau. Se demander ce que l’eau signifie, c’est aussi faire appel aux valeurs de l’imaginaire et de la spiritualité. (bw)