Les zones humides constituent le plus précieux des écosystèmes de la planète, elles jouent un rôle crucial pour la vie des hommes et pour la biodiversité animale et végétale, elles fournissent pratiquement toute l’eau douce consommée dans le monde. Mais depuis des décennies leur nombre ne cesse de diminuer : 35% d’entre elles ont été rayées des cartes entre 1970 et 2015 et le rythme de leurs disparitions s’est accéléré depuis l’an 2000.
Ce n’est pas la première fois que les instances de la Convention de Ramsar sur les zones humides [1] lancent ce genre de cri d’alarme et d’appel aux actions urgentes. Mais le rapport 2018 sur les Perspectives mondiales des zones humides montre que leur disparition progressive est encore et toujours dangereusement sous-évaluée voire passée sous silence par les décideurs politiques et économiques. C’est une omission jugée "inexplicable" quand on sait le rôle pivot que jouent ces écosystèmes dans des domaines où pourtant les gouvernements, aux Nations Unies ou en d’autres enceintes, ont ensemble décidé de s’engager résolument, qu’il s’agisse de promouvoir le développement durable, de protéger la biodiversité, de lutter contre les changements climatiques ou de réduire les risques de catastrophes.
La liste est longue des activités humaines qui entraînent la disparition et la détérioration des zones humides : extractions minières, drainages en tous genres et changements dans les usages des terres ; aménagements qui modifient les volumes d’eau et le rythme des périodes d’inondation et d’assèchement ; introductions d’espèces envahissantes ; etc. Mais d’autres facteurs provoquent aussi indirectement la perte et la dégradation des milieux aquatiques : pensons aux infrastructures liées à l’hydroélectricité, à la production alimentaire, aux loisirs et au tourisme, etc. Les grandes tendances mondiales sont également à prendre en compte, comme la croissance démographique, la globalisation des échanges, l’urbanisation et l’évolution des modes de consommation, sans oublier les changements climatiques.
Plus de 12 millions de km2
- Les zones humides (lacs, cours d’eau, marais et tourbières, estuaires, lagunes, mangroves et récifs coralliens) représentent actuellement une superficie mondiale de plus de 12,1 millions de km², soit à peu près l’étendue du Groenland. Un peu plus de la moitié d’entre elles est inondée en permanence, les autres de façon saisonnière.
- La surface des zones humides naturelles est en déclin constant sur tous les continents : elle aurait régressé de près de 35%, c’est-à-dire trois fois plus que le taux de disparition des forêts.
- Par contre, la surface des zones humides artificielles, essentiellement composées de rizières et de réservoirs, a pratiquement doublé sur la même période et représente aujourd’hui 12% des zones humides. Mais cette hausse ne compense pas la perte des zones humides naturelles.
- Un quart des espèces dépendantes des zones humides est menacé d’extinction, notamment dans les régions tropicales : depuis 1970, les experts ont noté un déclin de 81% des populations de poissons d’eau douce dans les zones humides intérieures et de 36% des espèces marines et côtières.
- L’évolution de la qualité de l’eau est, elle aussi, globalement négative. Depuis les années 1990, la pollution de l’eau s’est aggravée dans presque tous les cours d’eau d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie et il est fort probable que cette détérioration ira en s’intensifiant. En cause : les eaux usées non traitées (plus de 80% des eaux usées sont déversées dans les zones humides sans traitement adéquat), les rejets industriels, le ruissellement agricole, l’érosion et la modification du régime de sédimentation.
« Il faut, de toute urgence, une action collective pour renverser les tendances de la perte et de la dégradation des zones humides et assurer aussi bien l’avenir des zones humides que le nôtre. » (Martha Rojas Urrego, Secrétaire générale de la Convention de Ramsar)
Les pays membres de la Convention de Ramsar se sont engagés à conserver toutes les zones humides et à les utiliser de façon rationnelle. 2326 sites d’importance internationale (couvrant quelque 2,5 millions de km2, soit environ un cinquième de la surface totale des écosystèmes actuels de la planète) ont été inscrits jusqu’à ce jour sur la liste des aires protégées par ce traité, mais inscrire de nouveaux sites n’est de loin pas suffisant. Il faut aussi, souligne le rapport sur les perspectives mondiales, que les États se dotent de plans de gestion efficaces de ces zones humides et les intègrent dans les plans nationaux de développement durable ou d’adaptation aux changements climatiques.
Le rapport insiste également, entre autres, sur l’importance de la bonne gouvernance et d’institutions efficaces aux niveaux local, national et régional, sur la valorisation des savoirs autochtones et locaux, sur la recherche de solutions visant à l’utilisation rationnelle des zones humides, sur la nécessité de proposer des incitations économiques et financières aux communautés et aux entreprises mais aussi de mettre fin par exemple aux subventions agricoles qui encouragent la transformation, voire la pollution des zones humides. (Source : Convention de Ramsar)