Les personnes auxquelles il est fait ici référence sont des instituteurs ayant enseigné pendant au moins dix ans et participant à un stage de formation en vue de devenir inspecteurs ou conseillers pédagogiques de l’enseignement primaire. Au nombre de quatre-vingts, ils viennent des différentes régions du Bénin. Sollicité pour intervenir dans leur cursus de formation, j’ai profité de la rencontre avec ce groupe de personnes-ressources assez représentatif de l’opinion nationale pour faire avec elles, et en cinq chapitres, une sorte de tour du Bénin sur les questions de l’eau.
Un pays mieux loti que d’autres
Pour ce qui est de la disponibilité de la ressource, le Bénin est mieux loti que plusieurs pays de la sous-région, notamment en zone sahélienne. Son eau est généralement bien appréciée pour ses qualités organoleptiques, la saveur et le goût. Dans toutes les langues du pays, on reconnaît que l’eau, c’est la vie (« sin wè gni gbè », en langue fon) et que nul ne peut s’en passer (« sin ma do kinto »).
Les eaux souterraines constituent la principale source d’approvisionnement en eau de boisson : eau courante dans les villes fournie par la Société nationale des eaux du Bénin, forages à motricité manuelle en zones rurales, puits artisanaux à domicile dans tout le pays. L’eau du Bénin (du Nord au Sud) présente toutes les gammes de saveurs, de l’eau douce acidulée propre aux usages domestiques et industriels à l’eau dure alcaline aux usages limités. Le Bénin possède également une vingtaine de sources d’eau douce naturelles minérales et thermales, les plus connues étant les eaux thermales de Hêtin-Sota dans le sud et les cascades de Tanougou et Kota dans le nord.
L’eau est donc disponible toute l’année même si quelques localités en manquent parfois pendant les mois de sécheresse (novembre à mars) et doivent se contenter de l’eau insalubre du marigot. « L’eau est rare, très rare dans mon village Agbédoumè, explique Victorin Kpochai. Les femmes sont obligées de faire 4 à 5 km pour chercher de l’eau dans la commune voisine. Les puits qu’on a tenté de forer à 100 ou 120 mètres de profondeur n’offrent que de l’eau fortement minéralisée impropre aux usages domestiques. Aucun savon ne mousse avec cette eau-là ! Tous ceux qui ont tenté de forer un puits ont dû abandonner, même les ONG venues à la rescousse ont échoué. Une solution serait d’importer de l’eau d’une autre région par camions-citernes. »
Qui gère l’eau ?
En ville, on l’a dit, c’est le fait de la Société nationale des eaux du Bénin. Elle dispose d’usines de traitement et d’un réseau de distribution qui sont sans grand reproche. L’eau qu’elle fournit est la denrée la plus contrôlée au Bénin. En milieu rural, la gestion des forages est confiée à un comité qui s’en sort avec plus ou moins de succès. Quant aux puits artisanaux, citernes ou châteaux réservoirs, ce sont autant d’initiatives privées qui pallient à la pénurie d’eau. Malheureusement, personne ne se soucie de la qualité de l’eau vendue. Les puits publics à grand diamètre et les cours d’eau sont laissés à la merci des intempéries (tempêtes de sable, eaux pluviales) et des vandales qui peuvent y jeter tout et n’importe quoi.
En réalité, nulle part sur le territoire national les captages ne font l’objet de protections sûres contre les pollutions ; les contrôles et suivis de la qualité de l’eau des forages, des puits et des cours d’eau ne sont pas menés de façon systématique. Les laboratoires de contrôle requis sont très peu nombreux et se trouvent en ville loin des zones rurales. Et en cas d’intoxication ou de contamination de l’eau, les populations concernées sont abandonnées à leur sort, les autorités n’interviennent que pour dresser le constat des dégâts.
L’eau potable pour tous ?
Pour Zéphirin Ahouandjinou, « l’idéal serait que chaque Béninois dispose d’eau potable. Les différents gouvernements qui se sont succédés ont fait des efforts dans ce sens, mais nous sommes encore bien loin de la réalité. Nombreux sont les Béninoises et les Béninois qui utilisent de nos jours encore l’eau des puits ou celle des cours d’eau, non traitée, comme eau de boisson. Entre autres dans les villages lacustres ».
L’eau à l’école
Si l’eau potable pour tous doit devenir réalité, il faudrait commencer par les écoles, lieux de formation et de tous les bons apprentissages. Mais que disent les maîtres des infrastructures sanitaires de leurs anciennes écoles ?
« Dans les villes, de façon générale, toutes les écoles possèdent de l’eau courante et des latrines .Le hic est que ces latrines ne sont pas toujours bien entretenues et sont des repoussoirs aussi bien pour les élèves que pour les maîtres » (Sagbohan).
« Il existe des latrines pour les élèves et les enseignants. Elles sont bien entretenues par les élèves qui les nettoient les vendredi après-midi » (Barnor).
« Dans les écoles, il n’y a généralement pas d’eau potable. Les infrastructures de toilette ne sont pas toujours une réalité. Là où elles existent, l’entretien laisse à désirer. » (Kpochai).
En résumé, on retiendra que les écoles des villes sont relativement mieux pourvues en installations sanitaires que celles des milieux ruraux. Et que le mauvais entretien des latrines est la règle générale.
Proverbes et interdits
L’eau se trouve au cœur de toutes les civilisations, cultes et cultures. Elle est entourée de rites, de croyances et de mythes. Elle donne du relief aux adages et aux proverbes, aux interdits et aux gestes rituels :
- L’eau et le feu ne font pas bon ménage (éléments irréconciliables)
- De l’eau versée sur le dos du canard (efforts faits en vain)
- Nul ne peut se passer de l’eau
- La rivière ne remonte pas à la source (position définitive)
- L’eau ne devient pas acide toute seule (il y a anguille sous roche)
- On n’a pas nécessairement besoin d’eau propre pour éteindre un incendie (on peut se sortir d’une situation difficile avec ce qui tombe sous la main)
- La parole est comme de l’eau (qu’on jette), une fois jetée on ne peut la reprendre
- Qui ose souiller l’eau de quelque façon que ce soit, mérite une sanction divine
- On ne doit jamais refuser d’offrir de l’eau (à boire) à quelqu’un qui en demande, fût-il pauvre, riche, malade ou bien portant
- On doit goûter au préalable l’eau destinée au visiteur avant de la lui remettre
- On mesure la qualité et la quantité d’un repas à la quantité de l’eau réservée pour le lavage des mains.
Enquête réalisée par Bernard Capo-Chichi