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8 mars 2011.

La grogne contre les gaz de schistes marque des points

Au Québec, faisant suite à un rapport officiel qui lui demandait (...)

Au Québec, faisant suite à un rapport officiel qui lui demandait de faire place à davantage de concertation publique et de renforcer les procédures en vigueur, le gouvernement a décidé de procéder à une “évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste”. Des règles transitoires seront rapidement adoptées et de nouveaux forages ne seront autorisés que pour les besoins de développement des connaissances scientifiques en la matière.

Depuis plusieurs mois l’exploitation du gaz de schiste argileux faisait controverse au Québec et avait suscité de nombreuses protestations publiques de citoyens inquiets de la multiplication des incidents sur les sites de forage et des impacts environnementaux de ce type d’industrie. Une grogne qui avait alors amené le gouvernement à demander un rapport détaillé à son Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.

Parallèlement, un groupe de citoyens et écologistes avait rédigé son propre rapport en faveur d’un moratoire compte tenu du fait que “les activités proposées par l’industrie ne respectent pas les principes du développement durable tels qu’énoncés dans la Loi québécoise sur le développement durable, ne répondent à aucun besoin énergétique au Québec et vont même à l’encontre des orientations énergétiques annoncées par le Québec”.

Aux États-Unis …

Cet épisode québécois est le dernier en date d’une série d’événements qui depuis le début de l’année ponctuent régulièrement les chroniques sur l’exploration des réserves de gaz de schistes. Fin février, le New York Times a ainsi publié un très large dossier sur le sujet, révélant, notamment, les dangers sanitaires que fait peser sur la population américaine l’exploitation des gaz non conventionnels. Le quotidien allait encore plus loin en mettant en ligne quelque 30’000 pages de rapports secrets de l’Agence de protection de l’environnement, de l’industrie gazière et des régulateurs.

Le sujet n’a rien d’anodin puisqu’aux États-Unis la moitié de l’approvisionnement en gaz naturel provient de ces gisements non conventionnels. Un film documentaire, ‘Gasland’, avait déjà fait prendre conscience précédemment au grand public des dégâts causés par cette technique d’extraction. Et l’État de New York a d’ores et déjà décrété un moratoire pour protéger ses réserves d’eau potable.

… et en France

En France, fin février, des milliers de manifestants se sont mobilisés en Ardèche pour contester les permis d’exploration du sous-sol minier accordés par le gouvernement à des compagnies américaines. Même mouvement en Île-de-France, début mars, pour protester contre un projet d’extraction du pétrole de schiste dont une plate-forme est déjà visible en Seine-et-Marne. Ici et là des maires et des élus ont donné de la voix, suivis par les conseils généraux de plusieurs départements, jusqu’à quatre-vingt parlementaires de tous bords qui au niveau national ont cosigné une motion contre l’exploitation du gaz de schiste, estimant “inconcevable qu’une quelconque exploitation de ce gisement soit mise en œuvre sur l’ensemble des sites français”. Les responsables des Parcs naturels régionaux ont eux aussi pris position contre ce type d’exploitation qui, selon eux, va à l’encontre de leur mission de protection de l’environnement.

Fortement interpellé, le gouvernement français n’avait pas d’autre choix que de trouver réponse à toutes ces questions urgentes. Début février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie et du Développement durable, reconnaissait qu’il y aavait eu “sous-évaluation des inquiétudes environnementales”, annonçait la création d’une mission “chargée d’évaluer les enjeux environnementaux” des gaz de schiste et assurait qu’“aucune autorisation de travaux sur le gaz de schiste ne sera donnée ni même instruite avant le résultat de cette mission”.

Économie-écologie : un dilemme de plus

Pour les gouvernements, c’est un nouveau dilemme auquel ils doivent désormais et rapidement trouver réponse. D’une part, compte tenu de la conjoncture énergétique globale et de la hausse des prix du pétrole, il devient aujourd’hui intéressant, techniquement, commercialement et politiquement parlant, de procéder rapidement à l’exploitation des gaz (et des huiles) de schistes, ce qui aurait aussi l’avantage de garantir une certaine indépendance.

D’autre part, les enjeux sanitaires et environnementaux sont évidents et, comme disent les autorités québécoises, “le manque de connaissance requiert de la part du gouvernement un encadrement serré et une très grande prudence.” À défaut du moratoire réclamé par des mouvements citoyens et écologistes, on semble tout de même avoir choisi, à Paris comme à Montréal, de privilégier la recherche et l’expérience scientifique. Affaire à suivre donc. (Sources : presse et agences)


Pour en savoir plus
 Gaz de schiste - Les activités de l’industrie seront assujetties au développement de connaissances scientifiques (Ministère québécois du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs)
 Lancement d’une mission pour mieux appréhender les gaz de schiste (Ministère français du Développement durable)
 Regulation Lax as Gas Wells’ Tainted Water Hits Rivers (dossier special du New York Times)



Infos complémentaires

(© Alexandre - Fotolia.com)

:: Graves menaces sur les ressources en eau

C’est dans leur impact sur les ressources en eau qu’il faut chercher la principale raison de toutes ces interrogations concernant l’exploitation des gaz de schistes et des levées de boucliers qui contraignent les gouvernements concernés à s’interroger sur son bien-fondé.

Il faut savoir que pour extraire les gaz de schistes, emprisonnés dans des roches très compactes situées à de grandes profondeurs, on recourt la plupart du temps à une méthode de forage appelée fracturation hydraulique qui consiste à injecter des millions de litres d’eau, sous de très fortes pressions, ce qui permet d’ouvrir une à une les couches rocheuses imperméables. La plupart du temps, du sable et des produits chimiques corrosifs et toxiques sont mélangés à cette eau qui, elle-même, peut se retrouver au contact d’autres substances nocives, parfois radioactives.

Une partie de ces eaux usées va remonter à la surface avec les déchets de forage, une autre risque de s’infiltrer peu à peu les nappes phréatiques et de les contaminer. Le mal est fait et quasi irréparable. Les bassins de rétention et les stations d’épuration ne résoudront pas tous les problèmes et ne parviendront pas à éliminer la totalité des contaminants. Selon les milliers de documents internes obtenus par le New York Times, les risques pour la santé et pour les écosystèmes seraient bien plus importants qu’on ne l’imaginait jusqu’ici. Ajoutez à cela que la plupart des gisements sont relativement petits et que cela oblige les prospecteurs à multiplier les forages, et donc aussi les risques. (bw)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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