On connaît depuis longtemps diverses applications pratiques des rideaux de bulles notamment pour oxygéner l’eau des aquariums ou des bassins d’épuration d’eaux usées, ou empêcher l’expansion d’espèces aquatiques invasives ou l’intrusion d’eau salée dans les ports. La recherche publiée dans le Journal for Hydraulic Engineering (*) est l’une des premières à s’intéresser à leur utilisation dans les rivières et les canaux ouverts.
Si l’on prend l’exemple du Rhin – une artère vitale pour le transport fluvial entre la Mer du Nord et la Suisse – les chalands, porte-conteneurs et autres bateaux de transport ne peuvent passer que dans des chenaux profonds. Mais dans les courbes du fleuve, des courants secondaires peuvent provoquer la formation de bancs de sables lorsque des sédiments sont chassés depuis la rive opposée et créer des obstacles à la navigation.
A première vue, explique Anton Schleiss, du Laboratoire des constructions hydrauliques de l’EPFL, des rideaux de bulles d’air pourraient paraître trop faibles pour contrarier ces courants, mais il faut savoir qu’ils libèrent une force beaucoup plus importante : "en faisant bouillonner de l’air sous pression à travers un tube perforé dans le lit de la rivière, nous sommes capables de susciter un courant contraire dans la courbe du cours d’eau, créé par la montée des bulles d’air qui entraînent l’eau environnante".
Les expériences faites en laboratoire ont en effet montré que la force et la taille de la circulation en spirale créée dans ces zones en courbes ne dépendent pas de la vitesse d’écoulement de l’eau, mais de la morphologie du cours d’eau. Si son lit est malléable, cette circulation fait plus que doubler par rapport à des rivières dont le lit est immobile et dur et, selon les chercheurs, elle serait assez forte pour empêcher le dépôt de sédiments dans des rivières à déplacement d’eau relativement lent, comme c’est le cas dans le Rhin.
Activer un rideau de bulles par le biais d’un tube d’acier perforé implique l’injection d’air comprimé en plusieurs points de la conduite, de manière à maintenir une pression suffisante sur toute sa longueur. Ce système, dont le compresseur pourrait être mu par une énergie renouvelable (éolienne par exemple), devrait fonctionner de manière quasi permanente durant les périodes de hautes eaux, lorsque le transport de sédiments est le plus important. (Source : EPFL, Mediacom)
(*) Dugué, V., Blanckaert, K., Chen, Q., and Schleiss, A. (2015). Influencing Flow Patterns and Bed Morphology in Open Channels and Rivers by Means of an Air-Bubble Screen. Journal for Hydraulic Engineering, February 2015, Reston, Virginia, USA.