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10 décembre 2010.

Le Rhône, remplissages sédimentaires et valeurs biologiques

Pour l’édition 2010 de son Colloque annuel organisé cette (...)

Pour l’édition 2010 de son Colloque annuel organisé cette fois-ci à Saint-Maurice, le Groupe "Mémoires du Rhône" avait choisi comme thématique principale les remplissages sédimentaires du fleuve et ses valeurs biologiques. Réparties sur une journée, les contributions des différents intervenants ont porté sur l’évaluation de la qualité des eaux du Rhône à partir de la macrofaune benthique et des diatomées, sur l’avenir piscicole du fleuve et plus particulièrement de la sauvegarde de la truite lacustre, et sur des recherches hydrogéologiques concernant le remplissage sédimentaire de la vallée du Rhône, sa nappe phréatique et son delta dans le Léman. Ses participants ont également entendu des exposés sur la Loire aval et sur le Rhône en images.

La mémoire n’est pas un territoire réservé aux archivistes, aux historiens ou aux archéologues. Les chercheurs regroupés sous le label “Mémoires du Rhône” le savent bien, eux qui dès le départ ont cherché à ouvrir leur cercle à la pluridisciplinarité des points de vue. Le rendez-vous 2010 à Saint-Maurice, auquel une bonne cinquantaine de personnes ont répondu présent, a même fait un pas de plus en proposant des approches où c’est la nature elle-même qui ouvre sa propre mémoire et nous révèle quelques pans de l’histoire du fleuve. On trouvera ici le résumé de deux des contributions entendues au cours de cette journée.

Y a-t-il une mémoire dans le fleuve ?

François Straub, biologiste et directeur du bureau d’analyses ’PhycoEco’ à La Chaux-de-Fonds, n’a aucun doute sur la réponse, lui qui a mené des études, dans de très nombreux cours d’eau en Suisse et de par le monde, pour tenter de comprendre ce que des microalgues comme les diatomées peuvent révéler non seulement de la qualité des eaux actuelles d’un fleuve mais aussi de ses événements passés.

Les diatomées (il en existe un nombre invraisemblable d’espèces et on peut parfois trouver plusieurs millions d’individus sur une surface d’un centimètre carré) sont des planctons unicellulaires microscopiques, longues d’à peine quelques microns ou dizaines de microns, capables de photosynthèse et totalement dépendantes de ce qu’elles trouvent dans l’eau. Elles vont de ce fait littéralement mémoriser les événements chimiques de l’eau et font partie de ces organismes régulièrement utilisés en hydrobiologie pour analyser les modifications de la qualité des eaux, perturbées par des apports d’eaux usées agricoles ou industrielles, des décharges de gravières, ou à l’inverse en voie d’amélioration dans des processus d’autoépuration.

De 2007 à 2009, à la demande du canton du Valais, le Rhône a été étudié entre Brigue et Martigny. Malgré la monotonie du fleuve, raconte François Straub, les diatomées analysées ont montré que les eaux présentaient de fort bonnes qualités chimiques avec, toutefois, d’amont en aval, une légère augmentation des taux d’engrais et de matières organiques. Mais il est également apparu que le fleuve est trop chargé en limons, d’origine glaciaire ou provenant des nombreuses gravières, lesquels présentent une capacité d’érosion trop élevée et néfaste au bon fonctionnement de l’écosystème. La mauvaise nouvelle pour le biologiste, c’est que les particules fines composant ces limons sont extrêmement nuisibles aux diatomées, qu’elles entraînent leur destruction et ont pour résultat d’effacer leur mémoire.

Ne restait plus à François Straub qu’à se mettre en quête d’éventuelles diatomées rhodaniennes parmi les 20’000 échantillons que renferment les collections des musées suisses d’histoire naturelle. Il en a trouvé deux, datant de 1877 et 1916, qui lui ont permis d’établir quelques instructives comparaisons.

La morale de l’histoire, c’est qu’il vaut vraiment la peine de collectionner les diatomées : ce sont de précieux témoins des conditions écologiques passées. Et le biologiste neuchâtelois de joindre le geste à la parole en offrant au Musée valaisan de la nature un premier lot d’une centaine d’échantillons de diatomées qu’il a recueillies dans le Rhône.

Glacier, lac et sédiments

Pour comprendre la forme actuelle de la vallée du Rhône valaisan, explique pour sa part Mario Sartori, géologue et chargé de cours à l’Université de Genève, il faut remonter à la dernière grande période glaciaire, il y a environ 22’000 ans, lorsqu’une langue de glace de près d’un kilomètre d’épaisseur recouvrait toute la région, depuis le haut de la vallée de Conches, là où le Rhône a aujourd’hui sa source, jusqu’au-delà de la chaîne du Jura.

De manière très simplifiée, il faut à partir de là distinguer deux grandes phases, encore assez mal connues dans le détail : dans un premier temps, le glacier, en se retirant d’aval vers l’amont, a peu à peu donné naissance à deux lacs dont on peut penser qu’ils s’étendaient de Genève à Bex et de St-Maurice jusqu’en amont de Sierre. Les débris que le glacier a abandonnés dans ces cuvettes n’ont pas suffi à les combler. La vallée du Rhône, à ce moment-là, ressemblait sans doute à un fjord norvégien. La profondeur de ce bassin variait beaucoup d’un endroit à l’autre, atteignant 800 m dans la région de Martigny.

Commence alors la seconde phase de la construction de la vallée, c’est-à-dire son remplissage par des sédiments qui s’accumulent dans les fonds lacustres avec des quantités de dépôts variant considérablement d’un endroit à l’autre. Certains systèmes torrentiels des bassins versants latéraux créent également ici et là des deltas qui contribuent fortement au remplissage. Le domaine lacustre dans la vallée du Rhône s’est peu à peu rétréci avec l’avancement du delta du Rhône de Sierre à St-Maurice. Il est certain que ce lac a été complètement comblé il y a plus de 10’000 ans. Depuis, le Rhône a déposé une couche de graviers de plusieurs dizaines de mètres sur les sédiments lacustres. Le delta du Rhône à pour sa part continué sa progression vers le nord jusqu’à sa position actuelle en comblant peu à peu le lac Léman.

Malgré le perfectionnement des différentes techniques de recherche - notamment en matière de forages, de sédimentologie ou de méthodes géophysiques - les informations sur l’évolution du delta du Rhône du Haut-Valais jusqu’aux rives orientales actuelles du Léman sont encore fragmentaires. Même si le scénario de base de cette succession d’événements hydrogéologiques paraît aujourd’hui quasi certain, il reste beaucoup à faire pour déterminer leur chronologie précise. En attendant, dit Mario Sartori, “il est déjà permis de fantasmer sur la variabilité, la mobilité et la majesté de ces paysages postglaciaires !

Bernard Weissbrodt


 Ce 7e Colloque était organisé par le Groupe “Mémoires du Rhône” en collaboration avec la Fondation du Château de St-Maurice, le Musée historique du Chablais, l’Institut de Géographie de l’Université de Lausanne et la Direction de la 3ème Correction du Rhône, avec le soutien du Service de la culture du Canton du Valais.





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Infos complémentaires

Affiche du Colloque ’Mémoires du Rhône’ 2010 - Vue du défilé et du pont de Saint-Maurice dans le Bas Valais, peinte d’après nature par Bacler d’Albe (fin 18e s.)

:: MÉMOIRES
DU RHÔNE

Ce groupe de chercheurs, créé en 2002, s’engage bénévolement dans le développement des recherches pluridisciplinaires sur le Rhône, son environnement et ses relations avec les riverains, dans la longue durée. Ses principaux objectifs sont de :
 Repérer, dans tous les domaines, les chercheurs dont l’activité concerne le Rhône dans son environnement naturel et humain.
 Mettre ces chercheurs en contact dans un réseau efficace.
 Faire connaître les moyens de recherche disponibles, en Valais et ailleurs, sur le Rhône dans son environnement naturel et humain.
 Susciter des travaux qui exploitent, dans une perspective pluridisciplinaire, les résultats des divers domaines de recherche sur le Rhône.

Colloques annuels


Le Groupe "Mémoires du Rhône" a depuis 2004 organisé six colloques annuels sur différents thèmes :
 Milieux et sociétés (2004)
 Actualités de la recherche autour du Rhône (2005)
 Aménagements des cours d’eau alpins : dynamiques et histoire (2006)
 Le Rhône : Histoires naturelle et sociale (2007)
 Enjeux sécuritaires et biodiversité (2008)
 Le Rhône : hydrologie, géoarchéologie et sciences naturelles (2009)


"Le Rhône : dynamique, histoire et société" : sous ce titre ont été réunis une dizaine d’articles concernant le Rhône et qui rendent compte des interventions les plus significatives des colloques 2004-2008.
En savoir plus >


Articles parus dans aqueduc.info sur les récentes activités du Groupe "Mémoires du Rhône" :
 Le Rhône : dynamique, histoire et société
 Le Rhône : hydrologie, géoarchéologie et sciences naturelles
 Le Rhône a connu des essais de correction aux 18e et 19e s.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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