Une requête émanant de sept pays a été déposée auprès de l’UNESCO pour que l’irrigation traditionnelle en Europe - sa connaissance, sa technique et son organisation - soit inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. En Suisse, les Wässermatten (prés inondés) de Haute-Argovie, le paysage de prairies irriguées par les bisses des Sonnenberge (coteaux ensoleillés), dans le Haut-Valais, ainsi que cinq autres consortages valaisans sont concernés par cette candidature. Cette reconnaissance internationale ne devrait pas être décidée avant décembre 2023.
L’irrigation traditionnelle est une pratique agricole basée sur l’écoulement de l’eau par gravitation dans des systèmes aménagés manuellement, comme des canaux et des fossés, acheminant la ressource vers des prés, vignes ou jardins. La gestion de ce type d’irrigation obéit à un certain nombre de règles spécifiques et fait appel à des formes originales d’organisation communautaire, tels les consortages.
Aujourd’hui, en Europe, que ce soit en plaine ou dans les régions de montagne, cette tradition millénaire est menacée d’abandon. En de nombreux endroits, les installations techniques d’aspersion ont en effet pris la place de l’irrigation par ruissellement. Mais de nombreuses actions sont initiées ici et là pour préserver, voir réactiver cette pratique qui trouve de nouveaux arguments avec l’adaptation au changement climatique, la promotion de la biodiversité et l’intégration sociale.
Patrimoine immatériel
Selon la Convention adoptée en 2003 par l’UNESCO, le "patrimoine culturel immatériel", appelé parfois "patrimoine culturel vivant", désigne les pratiques, représentations et expressions, les connaissances et les savoir-faire que des communautés et des groupes et, dans certains cas des individus, reconnaissent comme partie intégrante de leur patrimoine culturel. Ce concept inclut par exemple les traditions orales et les langues menacées, les musiques traditionnelles et les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques relatives à l’environnement et à l’univers, ou encore les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel [1].
Une candidature multinationale
La demande déposée le 30 mars 2022 auprès de l’UNESCO pour l’inscription de "l’irrigation traditionnelle en Europe : connaissance, technique et organisation" sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité a été rédigée par l’Autriche en collaboration avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse.
L’objectif de cette proposition est de redonner un maximum de visibilité internationale à cette pratique ancestrale : la sauvegarde de ses structures communautaires et la transmission des savoirs et des techniques qui y sont associés impliquent la collaboration de tous les acteurs concernés. Les échanges et la coopération sont des stratégies primordiales pour la préservation de ce patrimoine culturel immatériel.
Traditions argoviennes et valaisannes
La Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (SL-FP) et un conseil consultatif dirigé par Christian Leibundgut, professeur émérite d’hydrologie, militent depuis plusieurs années pour la sauvegarde de ces pratiques agricoles traditionnelles. En 1983 déjà, les prairies irriguées (Wässermatten) de Haute-Argovie ont été inscrites à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels [2].
Plus récemment, les communes qui entretiennent des pentes irriguées par ruissellement dans les coteaux ensoleillés (Sonnenberge) du Haut-Valais ont reçu le prix "Paysage de l’année 2020" [3]. Ces deux éléments du patrimoine agricole suisse figurent dans le dossier international soumis à l’UNESCO, de même que cinq autres consortages de bisses valaisans (bisse Eggeri de Grächen, Grand Bisse de Lens, Grand Bisse d’Ayent, Bisse du Trient et Bisse Vieux de Nendaz) [4]. (Source : SL-FP)