Objectif zéro fuite. C’est sur cette ambition – utopie et/ou réalité ? - que le Salon Aqua Pro de Bulle, dans le canton de Fribourg, a ouvert son édition 2008, la quatrième de sa jeune histoire. Pour l’occasion, la Société des distributeurs d’eau de Suisse romande avait même réussi à rassembler fièrement pas moins de 270 de ses membres. C’est que traquer les fuites des réseaux de distribution d’eau potable n’est pas le moindre souci des fontainiers. Il y va aussi de leur image de marque, quand bien même les usagers leur portent encore et toujours une très grande estime.
Il n’est pas trop difficile, théoriquement, d’expliquer les fuites d’un réseau d’eau. Bien souvent, c’est un problème dû au vieillissement des conduites dont on dit, généralement, qu’elles ont une espérance de vie tournant autour des 60 à 80 ans. Mais ce n’est pas seulement une question d’âge, explique Aitor Ibarrola, responsable de la distribution au Service des eaux de la Ville de Lausanne. Dans les années 70, on a recouru par exemple à de nouveaux équipements en fonte ductile, qui certes « encaissaient » mieux les mouvements de terrain, mais qui se sont rapidement révélés plus fragiles. Et qui ont posé ou posent encore de gros problèmes.
Il y a d’abord les ruptures de canalisations, souvent spectaculaires, qui peuvent causer de gros dégâts. Les réparations doivent alors être entreprises immédiatement. Il y a les fuites subtiles, celles que l’on présume ou pressent : les retrouver suppose des compétences de détective. Et il y a aussi, aujourd’hui, tout un travail de contrôle préventif et de diagnostic permanent en train de prendre forme.
Méthodes comptables…
La méthode classique, à froid, consiste à calculer les bilans d’eau : on compare les volumes d’eau produits avec les volumes d’eau vendus. La différence permet de déterminer les quantités d’eau non comptabilisées et/ou perdues. Le principe paraît simple, mais chacun sait que les célèbres calculs de robinets peuvent se révéler très ardus. Pas facile en tout cas de faire un bilan qui tienne compte de tous les paramètres. Genève s’y est essayé très méthodiquement, avec des résultats estimatifs assez intéressants quant à la quantité d’eau non vendue : 7,2 millions de mètres cubes sur une production totale de 65,8 millions (soit près de 11%), qui se traduisent par une perte financière annuelle d’environ 3,8 millions de francs suisses.
… ou acoustiques
L’eau qui fuit d’une canalisation sous pression fait du bruit et peut provoquer des vibrations sur de longs tronçons de tuyaux et dans le sol alentour. La technique la plus souvent utilisée consiste à quadriller le réseau de distribution jusqu’à repérer les zones les plus bruyantes. Mais attention ! tempère tout de suite Aitor Ibarrola : si les fuites étaient toujours là où il y a le plus de bruit, ça se saurait ! On croit avoir trouvé, et parfois on tombe sur des « fuites sèches » !
Il est à peu près révolu, du moins dans les villes, le temps où l’on utilisait des stéthoscopes manuels pour des écoutes au sol. Désormais, les services des eaux disposent de capteurs acoustiques très sensibles, et de micros émetteurs et autres hydrophones très performants qui, placés sur des vannes ou des bornes fontaines, peuvent envoyer des informations ponctuelles vers un véhicule patrouilleur ou en continu et en temps réel vers un ordinateur central. Une analyse attentive des données ainsi recueillies permet, secteur par secteur, de quantifier les débits et de localiser les pertes éventuelles avec une assez grande précision.
Les fuites coûtent cher
Les factures sont même très salées lorsque les fuites surviennent à l’improviste. Bonjour les dégâts ! Mieux vaut donc les rechercher de manière préventive et systématique plutôt que d’avoir à les colmater d’urgence. À Lausanne, par exemple une personne, à elle seule, est en mesure actuellement d’ausculter chaque année entre 350 et 450 kilomètres de conduites ! On comprend aussi pourquoi les services de distribution d’eau ont tout intérêt à se concerter avec les autres entreprises responsables de réseaux parallèles (gaz, électricité, télécommunications, etc.) pour ne manquer aucune occasion de vérifier l’état des canalisations.
Bernard Weissbrodt
(Informations recueillies lors de la Journée technique de la Société des distributeurs d’eau de Suisse romande, SDESR, www.sdesr.ch – Bulle, 16 janvier 2008)