Les grands ouvrages hydroélectriques construits sur le Rhône en aval de Genève - à savoir les barrages de Verbois, de Chancy-Pougny et de Génissiat, respectivement gérés par les Services Industriels de Genève, la Société des Forces Motrices de Chancy-Pougny et la Compagnie Nationale du Rhône – sont fortement impactés par les quelque 300 à 400’000 mètres cubes de sédiments apportés chaque année au fleuve par l’Arve drainant le bassin versant du Mont-Blanc.
Cela a pour effet d’une part de diminuer fortement le volume d’eau utile de la retenue de Verbois et donc aussi le potentiel de production électrique du barrage, et d’autre part d’accroître ici et là les risques d’inondations, en particulier dans le quartier genevois de la Jonction. Pendant longtemps, c’est-à-dire depuis la mise en eau du barrage en 1942 jusqu’en 2003, l’élimination de ces dépôts sédimentaires a été menée par le biais d’une vidange complète des retenues des barrages suivie d’une chasse.
Mais cette façon de vidanger la retenue provoquait d’importants dégâts au milieu fluvial : effondrements de rives et de roselières, assèchement de plantes aquatiques habituellement submergées, disparition de nids de colverts, grèbes, foulques et autres oiseaux emportés par le courant, poissons irrémédiablement entraînés vers l’aval et disparition de leurs zones de reproduction, etc. Autant d’arguments qui avaient permis aux pêcheurs genevois d’obtenir dès 2003 un moratoire sur ces chasses dans l’espoir que cette pratique soit définitivement abandonnée.
Une gestion des sédiments
"moins dommageable" à l’environnement
En 2012, compte tenu de l’énorme quantité de sables, limons et autres sédiments accumulés pendant neuf ans, une nouvelle purge avait été jugée absolument nécessaire et les SIG avaient mis à profit cette vidange pour remplacer les grilles du barrage de Verbois. Mais l’opération, qui n’avait guère convaincu les défenseurs de l’environnement, eut aussi pour effet de susciter de part et d’autre de la frontière franco-suisse une large concertation des collectivités publiques, des exploitants, des riverains et des associations écologistes, qui déboucha en 2015 sur un protocole d’accord transfrontalier pour la gestion sédimentaire du Haut-Rhône.
Cet accord prévoit notamment le remplacement des vidanges complètes dommageables à l’environnement par une série de mesures complémentaires plus respectueuses de la faune et notamment des poissons : lors des crues de l’Arve tout d’abord, le transit des sédiments doit être favorisé grâce à des vitesses d’évacuation suffisantes dans le Rhône par des apports d’eau en provenance du lac Léman ; le niveau d’eau des barrages de Verbois et de Chancy-Pougny sera ensuite abaissé partiellement tous les trois ou quatre ans ; les éventuels matériaux restants devraient enfin être évacués ponctuellement par des dragages du fleuve.
La combinaison de ces trois mesures devrait en principe mettre un terme définitif aux chasses complètes. L’abaissement partiel de 2016 était une première occasion de vérifier la pertinence de cette nouvelle manière de gérer le Rhône genevois. Il est toutefois bien trop tôt pour tirer un bilan de l’opération : mesurer de façon précise la quantité de sédiments évacuée et l’importance des impacts de cette nouvelle vidange sur l’environnement va prendre plusieurs mois. (Sources : État de Genève, SIG)
– Le communiqué officiel concernant
l’abaissement partiel du Rhône.
– Suivre l’événement sur le site des
Services industriels de Genève
– Le site de la Fédération des sociétés
de pêche genevoises
– Le blog de Christophe Ebener :
La tête sous l’eau
– Voir aussi dans aqueduc.info : Vidange du Rhône 2012 : bilan technique positif, impact environnemental contesté (12 avril 2013), ainsi que le dossier/album photo : Vidange chasse au barrage de Verbois (18 juin 2012).