C’est en tout cas la conviction d’une Commission mondiale sur l’économie de l’eau dont la création a été officiellement annoncée à Davos, fin mai 2022, lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial. Composé de 17 experts - responsables politiques ou institutionnels et praticiens venus de diverses régions du globe et possédant un large éventail de compétences - ce groupe se donne deux ans pour proposer de nouvelles réflexions sur l’économie et la gouvernance de l’eau afin, dit-il, de "sortir le monde de l’impasse actuelle".
Alors même que les ressources en eau sont les premières à subir les conséquences du réchauffement climatique, il faut bien admettre qu’elles sont presque totalement absentes du débat politique mondial. Et faute de réponses urgentes et efficaces, les événements extrêmes (inondations, sécheresses, stress hydrique) qui affectent déjà des milliards de personnes vont encore s’aggraver du fait aussi de la surexploitation de l’eau, de la pollution et des injustices sociales dans l’accès à l’eau.
Pour Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et coprésidente de ce groupe de travail, "les conséquences de notre négligence collective et de la mauvaise gouvernance de nos ressources en eau toucheront surtout les populations pauvres du monde entier, qui souffriront de l’inégalité d’accès et des conflits liés à l’eau qui en découleront. C’est ce qui se passe déjà dans de nombreux pays, avec des pertes importantes de vies humaines et de moyens de subsistance".
La conviction de cette nouvelle commission, soutenue par les Pays-Bas et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est qu’il faut changer le modèle de gestion de ces ressources en eau non seulement pour atténuer la crise climatique , mais aussi pour éviter les désordres sociaux et économiques croissants, les migrations massives et les conflits potentiels.
"Les dysfonctionnements des marchés actuels ne sont pas un accident, affirme pour sa part une autre coprésidente de cette commission, Mariana Mazzucato, directrice de l’Institut pour l’innovation et l’utilité publique de l’Université de Californie du Sud. Ils sont le résultat de décisions prises par les entreprises et par les gouvernements. Si nous voulons que chaque personne sur la planète ait accès à une quantité suffisante d’eau potable à un coût abordable, nous devons gérer notre économie d’une manière radicalement différente".
Cette nouvelle Commission [1] aura pour tâche, durant les deux années à venir, d’analyser la logique du système économique actuel en matière de gestion de l’eau douce "en reconnaissant que l’économie et la société sont fermement ancrées dans la nature, et non pas séparées d’elle" et de montrer la voie à suivre pour valoriser cette ressource, réduire les inégalités dans sa répartition, l’utiliser de manière durable et comme un véritable bien commun. Il est d’ores et déjà prévu qu’elle présentera un premier rapport en 2023 lors de la Conférence des Nations unies sur l’eau. (Source : OCDE)