97 géosites valaisans
liés à l’eau
Une grande partie des paysages du Valais doivent leur existence à l’eau qui en a façonné des reliefs variés et remarquables. Les glaciers en ont modelé les vallées et, après la dernière grande glaciation d’il y a 25’000 ans, les matériaux qu’ils ont laissés ont été emportés par l’érosion, remplissant la vallée centrale d’alluvions en tous genres et donnant naissance ici et là à des plans d’eau naturels et des marais, dont la plupart ont disparu lors de l’assèchement de la plaine. Les affluents du Rhône ont également creusé des gorges et formé des cascades au débouché de leurs vallées latérales.
Toutes ces formes liées à l’eau font partie du patrimoine géologique, elles peuvent faire l’objet d’une valorisation touristique et offrir ainsi une alternative intéressante au tourisme alpin. Force est toutefois de constater que jusqu’ici le Valais n’a guère mis en valeur son patrimoine géologique.
Souhaitant combler quelque peu ce vide et encourager les initiatives en la matière, un groupe de chercheurs de l’Université de Lausanne s’est attelé à réaliser un outil de découverte sous forme de carte géotouristique. Après un processus de sélection basé sur divers critères d’évaluation qualitative, il a établi une liste des 119 sites remarquables, dont une grande majorité (97 sites) est liée à l’eau, sous sa forme liquide (gorges, zones alluviales, cônes de déjection, karsts, lacs, marais) ou solide (glaciers, blocs erratiques, moraines, marmites glaciaires, etc.). Cette carte des sites décrits et documentés, sous format papier et numérique, sera disponible en 2018.
Le bisse, symbole
d’identité culturelle
Qui, en Valais, dit eau et tourisme, pense forcément aux bisses, ces canaux d’irrigation d’altitude aménagés dès le Moyen-Âge pour irriguer prairies, vignes et vergers. À l’origine, rappelle Gaëtan Morard, directeur du Musée valaisan des bisses, ils ont été réalisés dans un but agricole, mais au fil du temps, dès le début du 20e siècle, ils se sont vu attribuer également d’autres fonctions - touristiques, environnementales, patrimoniales, sécuritaires - qui se sont pour ainsi dire superposées aux premiers usages. Au point qu’on peut dire qu’aujourd’hui le bisse est devenu un symbole de l’identité culturelle et un témoin de la riche histoire agraire des Alpes et de la gestion de la ressource eau.
Avec le développement du tourisme estival alpin à la fin du 19e siècle, les bisses ont vécu une première phase de mise en tourisme qui a coïncidé avec la période de modernisation de l’irrigation et de l’abandon progressif de certains canaux. Plus tard, dans les années 1980, cette valorisation touristique est entrée dans une seconde phase favorisée d’abord par le développement de la randonnée en moyenne montagne, puis par l’intérêt croissant du grand public pour le tourisme culturel et patrimonial.
Mais, fait remarquer Emmanuel Reynard, professeur à l’IGD, la mise en tourisme de ce type d’infrastructure hydraulique agricole amène aussi son lot de questions notamment sur la cohabitation entre usages agricoles et touristiques, sur les rivalités entre différents usagers touristiques (randonnée et pratique du VTT par exemple), sur les enjeux financiers de l’entretien des canaux et sur les problèmes de sécurité, ou encore sur la difficulté de développer un tourisme culturel de qualité sans tomber dans les travers de la "disneylandisation". [2]
Ferdinand Hodler
et les lacs de Montana
Le Haut-Plateau occupé aujourd’hui par la station touristique de Crans-Montana, à quelque 1500 mètres d’altitude, était jadis une région de mayens, ces habitats relativement rudimentaires construits dans les prairies pour servir, au printemps et en automne, d’étape intermédiaire aux transhumances entre les villages et les alpages d’altitude. Géologiquement parlant, cet étage alpin modelé par le glacier du Rhône alternait les collines et les dépressions accueillant des plans d’eau naturels ou artificiellement aménagés pour répondre à des impératifs d’irrigation.
Si cet espace a été choisi pour y installer le premier hôtel de la station à la fin du 19e siècle, raconte l’historienne de l’art Sylvie Doriot Galofaro, c’est "à cause des lacs" qui d’emblée ont été perçus comme une attraction touristique et qui représentent aujourd’hui pour cette destination montagnarde un atout identitaire et patrimonial.
Culturel aussi. Le panorama des lacs de Montana, et leur pourtour montagneux, a en tout cas inspiré plusieurs peintres, dont le plus célèbre, Ferdinand Hodler, y séjourna à plusieurs reprises entre 1912 et 1916, laissant plusieurs esquisses et une quinzaine de toiles. Celles-ci sont peu connues du grand public, contrairement aux paysages que l’artiste bernois a peints du côté du Lac de Thoune ou du Lac Léman.
Ces tableaux, explique Sylvie Doriot Galofaro, représentent des "paysages planétaires" qui conduisent vers l’abstraction alors que les sites peints sont bien réels, comme en témoigne ci-dessus la représentation du lac d’Ycoor : "Ce tableau est particulièrement appréciable, par ses teintes automnales notamment : les bleus, froids et sombres du lac se retrouvent dans les montagnes. Les couleurs audacieuses entrecoupées de jaunes, suggèrent le soleil – qui nous rappelle aussi pourquoi Hodler séjournait à Montana : rendant visite à son fils Hector, malade, il venait se ressourcer lui-même." [3] (bw)