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20 mars 2022.

Deux ou trois choses qu’il faut savoir sur les eaux souterraines en Suisse

Journée mondiale de l’eau 2022 - DOSSIER (2)

Trois types d’aquifères

Il existe en Suisse trois grands types d’aquifères selon leurs structures géologiques, les vitesses d’écoulement de leurs eaux et leur vulnérabilité aux potentielles pollutions et contaminations :
 aquifères en roches meubles (6 % du territoire national, principalement aux abords des grands cours d’eau du Plateau et au fond des grandes vallées alpines, 36 % de l’approvisionnement en eau potable du pays) : l’eau s’écoule lentement (tout au plus quelques mètres par jour) dans les strates spongieuses de sable et de gravier qui peuvent retenir de grands volumes d’eau et qui offrent souvent une bonne capacité de filtration naturelle des substances indésirables ;
 aquifères fissurés (78 % du territoire, très fréquents sur le Plateau et dans les Alpes, 30 % de l’approvisionnement en eau potable) : dans des roches poreuses comme la molasse ou dans les fractures de roches cristallines (granites ou gneiss par exemple), la vitesse d’écoulement de l’eau peut varier énormément (jusqu’à plusieurs centaines de mètres par jour) ;
 aquifères karstiques (16 % du territoire, très fréquents dans le Jura et les Alpes, 18 % de l’approvisionnement en eau potable) : l’eau circule très rapidement (jusqu’à plusieurs centaines de mètres par heure) dans les cavités résultant de la dissolution des roches calcaires ; comme ces aquifères sont directement reliés à la surface du sol, ils sont très vulnérables à l’apport de substances étrangères, en particulier aux pollutions microbiologiques.

La quantité d’eaux souterraines
est théoriquement suffisante

 On estime à quelque 150 milliards de mètres cubes le volume total des eaux disponibles dans le sous-sol de la Suisse. Cela équivaut grosso modo au volume total de tous les lacs du pays. Grâce au renouvellement régulier des aquifères, on peut dire que d’un point de vue quantitatif, les ressources aquatiques souterraines sont stables.
 Un bon dixième de cette masse d’eaux souterraines, soit environ 18 milliards de m3, pourrait théoriquement être exploitée chaque année durablement, c’est-à-dire sans risque d’abaisser à long terme le niveau des aquifères. Hormis de possibles pénuries locales et momentanées en périodes de sécheresse, les changements climatiques ne devraient pas modifier outre mesure la situation.
 Chaque année, 1,3 milliard de m3 sont prélevés dans le sous-sol pour l’approvisionnement en eau potable en Suisse, soit 80 % environ de l’eau distribuée dans les réseaux publics (les 20 % restants sont prélevés en surface, en particulier dans des lacs). À noter que 40 % des eaux souterraines prélevées peuvent être utilisées directement sans aucun traitement préalable.

Des pollutions sont de plus en plus souvent
décelées dans les aquifères

Dans son rapport de 2019 basé sur des données recueillies entre 2007 à 2016, le réseau d’observation nationale des eaux souterraines NAQUA [1] constate que les eaux souterraines sont toujours plus difficiles à exploiter car « des pollutions, provenant en majeure partie de l’agriculture et de la dégradation de produits phytosanitaires, sont de plus en plus souvent décelées dans les aquifères ». À commencer par les nitrates dont les concentrations dépassent trop souvent et trop fortement les normes légales.

Les eaux souterraines renferment aussi des micropolluants issus des eaux usées de l’industrie, de l’artisanat, des zones urbanisées et des ménages : ces éléments nocifs déversés dans les cours d’eau ou sortis de canalisations défectueuses finissent par pénétrer le sous-sol et rejoindre les nappes phréatiques. Les analyses ont également permis de détecter des résidus de produits phytosanitaires et des concentrations élevées et persistantes de substances provenant de leur dégradation (appelées "métabolites" dans le jargon des chimistes, à l’exemple du chlorothalonil qui pose bien des problèmes aux distributeurs d’eau potable).

On notera aussi que des actions extrêmement utiles pour l’environnement comme les travaux de renaturation et de protection contre les crues peuvent également mettre en danger les nappes phréatiques s’ils sont menés en amont des captages d’eau. Idem pour les aménagements de zones de loisirs au bord de l’eau.

Les eaux souterraines doivent donc
être beaucoup mieux protégées

Il faut savoir que les aquifères ne se renouvellent que lentement, que les mesures de protection mettent du temps à produire leurs effets et que l’on peut y retrouver des substances polluantes plusieurs années après leur interdiction. Cela signifie qu’il faut donc agir fortement et sans tarder pour éviter de mettre davantage en péril la qualité des eaux souterraines qui constituent la principale ressource d’eau potable du pays.

Les principales mesures à prendre sont connues, à savoir : délimiter de manière plus contraignante les zones de protection et de captage des eaux souterraines, réduire drastiquement les apports de substances indésirables provenant de l’agriculture, améliorer l’efficience des stations d’épuration des eaux usées, assainir les terres contaminées. [2]

En juin 2021, une votation fédérale avait rejeté deux initiatives populaires dites anti-pesticides. Une nouvelle loi, adoptée peu auparavant par le Parlement fédéral comme une sorte de « contre-projet », stipule que les règlements concernant l’autorisation et l’utilisation de pesticides seront plus sévères, que les contrôles seront renforcés là où la qualité des eaux souterraines pourrait être menacée, et que les risques que les produits phytosanitaires font courir aux eaux de surface, aux milieux naturels et aux eaux souterraines utilisées comme eau potable devront être réduits de 50 % d’ici 2027 par rapport à la valeur moyenne des années 2012 à 2015.

CH-GNet, un nouveau réseau dédié
aux eaux souterraines de Suisse

À l’initiative de l’Eawag, l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau, une plateforme inédite d’échange, d’information et de mise en réseau a récemment vu le jour afin de donner davantage de visibilité aux thématiques liées aux eaux souterraines. Ce nouveau portail internet CH-GNet (en allemand et en anglais) s’adresse en priorité aux spécialistes en hydrogéologie, chercheurs, praticiens et autorités concernées, ainsi qu’au public intéressé par ce domaine.

Au fil du temps on trouvera sur le site swissgroundwaternetwork.ch des informations de base, des résultats de recherche et des données qui n’existaient pas jusqu’à présent en Suisse sous cette forme et qui seront constamment complétées par de nouveaux développements. Différentes activités y seront répertoriées abordant des problématiques particulières comme la présence de microplastiques dans les nappes phréatiques, les impacts de l’agriculture sur les eaux souterraines ou autres thèmes d’actualité. Il est également prévu de proposer des outils pratiques et des compétences relatives à la connaissance et à la gestion des eaux souterraines ainsi que différents moyens de formation continue.


Pour en savoir plus :

 « L’eau souterraine ». Cette brochure de 32 pages publiée en 2003 par l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (ancienne appellation de l’actuel Office fédéral de l’environnement) accompagnait à l’époque une exposition itinérante intitulée « Grundwasser - ein Schatz auf Reisen ». Publication disponible sur le site de l’OFEV.
 « Gestion des eaux souterraines en Suisse », Directives de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV 2008, 40 pp.). Publication disponible sur le site de l’OFEV.
 « Instructions pratiques pour la protection des eaux souterraines ». Publiées par l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), 2004, 143 pp. Publication disponible sur le site de l’OFEV.

Les autres articles de ce dossier :

 Les eaux souterraines : gros plan sur une ressource invisible
 Trois exemples d’eaux souterraines en Suisse romande
 Petit glossaire des eaux souterraines
 Eaux souterraines, un monde à découvrir (en images)
 Rendre visible l’invisible




Notes

[1« État et évolution des eaux souterraines en Suisse. Résultats de l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA, état 2016 ». Publication de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), 2019, 142 pages. Disponible sur son site.

[2Les zones de protection autour d’une source ou d’un puits sont réparties en trois secteurs (S1, S2, S3) plus ou moins concentriques et délimités en fonction du temps (de quelques heures à plusieurs jours) que met une bactérie ou une substance polluante pour atteindre un captage souterrain :
 S1 (ligne rouge sur le graphique), zone de protection à proximité immédiate : aucune activité agricole, aucune construction ;
 S2 (ligne bleue), zone de protection rapprochée : aucune construction nouvelle, aucun épandage d’engrais ni de produits phytosanitaires ;
 S3 (ligne verte), zone de protection éloignée : pas de site artisanal ou industriel, pas d’exploitation de matériaux, certaines activités agricoles autorisées.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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