Pour produire de l’électricité, une centrale nucléaire n’a pas seulement besoin de combustible, donc d’uranium, de plutonium et autres matières fissiles, mais aussi de grandes quantités d’eau. Très schématiquement dit, le réacteur dégage de la chaleur ; celle-ci est utilisée pour chauffer l’eau et la transformer en vapeur, laquelle, mise sous pression, actionne une turbine qui à son tour entraîne un alternateur qui produit de l’électricité.
En suite de quoi, cette vapeur passe par un circuit de refroidissement où elle se condense, redevient liquide, repart dans le circuit de génération de vapeur, et ainsi de suite. L’eau qui a servi à la condensation et a subi du coup un certain réchauffement est rejetée directement dans les cours d’eau voisins ou dans les célèbres tours de refroidissement qui caractérisent l’environnement des centrales.
Des centrales très gourmandes en eau
Toutes les centrales de production d’énergie sont extrêmement gourmandes en eau, et les centrales nucléaires encore plus que les autres, ce qui explique pourquoi nombre de pays, pour préserver leurs ressources en eau douce, font le choix de les installer en bordure de mer. “La France aime à se vanter de son parc nucléaire, qui fournit près de 78 % de l’électricité du pays, écrit dans Le Temps (1) Brhama Chellaney, professeur d’études stratégiques au Centre de recherche politique de New Delhi. Mais les besoins en eau de l’industrie nucléaire l’obligent à prélever jusqu’à 19 milliards de mètres cubes d’eau par an dans les rivières et les lacs, soit près de la moitié de la consommation totale d’eau douce de la France”.
Rappelant aussi que plusieurs centrales avaient dû être mises à l’arrêt lors de récentes canicules, l’expert indien note aussi que les changements climatiques constituent un nouveau défi pour le nucléaire : “Il est assez paradoxal de constater que ces conditions climatiques qui ont limité la production d’électricité des centrales nucléaires en 2003 et 2006 en Europe sont les mêmes qui ont provoqué un pic de consommation en raison de l’utilisation accrue des climatiseurs.”
Que faire de l’eau contaminée ?
La catastrophe de Fukushima est la démonstration que les centrales nucléaires ne sont pas non plus à l’abri de catastrophes naturelles, surtout quand leurs impacts s’accumulent brutalement. De l’eau, il s’en est déversé massivement dans les installations japonaises lors du tsunami du 11 mars, provoquant une panne des systèmes de refroidissement. Et il a fallu en projeter d’énormes quantités sur la centrale, et de toute urgence, pour refroidir les réacteurs qui, de surcroît, semblent eux aussi avoir été endommagés. Il faut savoir aussi que lorsqu’on l’arrête, un réacteur garde une forte puissance thermique qui ne diminue que très lentement.
Ces masses d’eau - sans doute plusieurs milliers de mètres cubes, sans oublier non plus l’eau des piscines préexistantes et qui servent à l’entreposage des combustibles usés - ont été contaminées au contact de divers équipements, notamment des enceintes de confinement qui paraissent avoir perdu de leur étanchéité. Elles ont ensuite ruisselé vers les autres bâtiments en les inondant, vers les terres avoisinantes ou vers les côtes de l’océan. Le défi qui se pose désormais aux exploitants de la centrale comme aux autorités japonaises est de récupérer cette eau, de la stocker en lieu sûr et de la traiter.
On peut certes pomper cette eau contaminée, mais, ensuite, où la mettre ? Dans une interview donnée à la Radio suisse romande (2), Thierry Charles, directeur de la sûreté des centrales à l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire, avance diverses hypothèses, entre autres celles qui consistent à utiliser des cuves existant dans l’installation ou à recourir à un tanker ou tout autre contenant flottant. Voire, en toute extrémité et selon le degré de contamination des eaux, à les rejeter en mer.
De toute façon, il faudra ensuite la traiter. Plusieurs techniques sont envisageables selon Thierry Charles : “On peut faire de la filtration, évacuer les particules grossières et réduire la radioactivité. Mais cela ne suffira pas. Une deuxième possibilité est de la traiter sur des résines qui épurent l’eau comme on le fait avec des échangeurs d’ions pour les piscines. La troisième solution, plus efficace mais plus compliquée à mettre en œuvre, c’est de chauffer l’eau contaminée et de la faire s’évaporer. On va ainsi récupérer une eau relativement propre et, dans le contenant, ne restera qu’un volume d’eau beaucoup plus faible, très chargé en radioactivité, mais plus facilement maîtrisable.” (Sources : agences et références citées)
(1) “Le changement climatique défie le nucléaire”, Le Temps, 17 mars 2011
(2) Radio suisse romande, La Première, Le 12h30, 30 mars 2011