L’eau souterraine qui provient de bassins versants boisés peut très souvent être consommée sans aucun traitement. Et l’on comprend pourquoi les distributeurs d’eau tiennent tant à ce que cette exceptionnelle capacité de filtre de la forêt soit préservée le mieux possible, car cela leur permet de faire de substantielles économies de moyens techniques et financiers.
Le projet Interreg ALPEAU (*), porté conjointement par le Centre d’hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel et l’Office national français des forêts, entendait précisément, sur une durée de trois ans, non seulement étudier de plus près le degré de vulnérabilité des eaux souterraines face aux différentes activités pratiquées en forêts, mais aussi explorer et proposer de nouvelles idées pour renforcer la collaboration entre propriétaires forestiers et gestionnaires de l’eau. Ses recommandations et principes de bonne gestion forestière font aujourd’hui l’objet d’un guide pratique (voir la référence en fond de page)
Un filtre naturel dont il faut prendre soin
Dans le sol forestier, bactéries, champignons et invertébrés participent activement par leur activité biologique au recyclage des composés organiques et des minéraux apportés par les pluies elles-mêmes chargées de toutes sortes de substances, utiles, inoffensives ou polluantes, récoltées dans l’atmosphère et lors de leur ruissellement sur la végétation. Autrement dit, les terrains forestiers fonctionnent comme des filtres et contribuent à l’épuration de l’eau.
De par leur configuration, les forêts restreignent fortement les activités humaines qui pourraient mettre en danger la qualité de l’eau et il n’est généralement pas nécessaire, pour leur développement, de leur fournir les fertilisants ou autres intrants chimiques en usage dans l’agriculture.
Mais les risques de pollution ou de perturbation de l’eau existent pourtant puisque, par exemple, les engins d’exploitation forestière utilisent des hydrocarbures comme carburants et lubrifiants, et que les bois coupés et stockés en forêt sont souvent traités aux insecticides (comme la cyperméthrine). Les infrastructures de captage et les conduites d’eau ne sont par ailleurs pas toujours à l’abri de dommages lors de travaux forestiers. Mieux vaut donc, là aussi, prévenir que guérir. Les acteurs de l’eau et ceux de la forêt ont tout à gagner à améliorer la coordination entre leurs tâches respectives.
photo aqueduc.info
Les messages du Projet ALPEAU
– Les eaux souterraines des forêts sont potentiellement des sources d’eau potable, il convient donc de les protéger.
– Le milieu forestier est considéré le moins risqué pour l’eau souterraine comparativement aux autres usages du sol (agricole et urbain) : le rôle de protection passive de la forêt est à préserver.
– Le sol forestier a une influence positive sur la qualité des eaux souterraines (protection active).
– L’exploitation forestière est compatible avec la protection des eaux souterraines moyennant le respect de certaines précautions. À court et moyen terme, une intensification de l’exploitation forestière représente cependant un risque pour la qualité de l’eau.
– Un couvert forestier continu composé majoritairement de feuillus est à privilégier dans les zones de protection des eaux souterraines.
– La coopération entre les professionnels de l’eau et de la forêt est primordiale pour une optimisation de la gestion technique et financière de la protection des eaux souterraines.
(Source : ALPEAU)
"Protection des eaux souterraines en forêt - Guide Alpeau dans l’arc alpin et jurassien", (2012)
– Ce guide est disponible sur le site alpeau.org
(*) Le terme Interreg - pour inter-régionalité - s’applique à différents projets européens visant à promouvoir le développement des régions frontalières