Dans le centre de recherche Agroscope de Pully, en bordure du Léman, les réponses de la vigne aux fluctuations du climat sont suivies de manière méthodique depuis près d’un siècle. Résistante à la sécheresse et au manque d’eau du fait de son système de racines profondes très développé, elle intéresse aussi tout particulièrement les climatologues qui voient en elle une sorte d’indicateur bioclimatique de premier ordre.
Durant des décennies, les chercheurs ont noté que les principaux stades du développement des cépages de chasselas se succédaient selon un calendrier plus ou moins régulier : éclosion des bourgeons (débourrement) vers la mi-avril, début de la floraison à mi-juin, début de la maturation du raisin (véraison et changement de couleur des grains) à mi-août et début des vendanges aux alentours du 8 octobre.
En 2015, quand bien même le débourrement est intervenu avec un léger retard, les chaleurs de juin ont fait que cette même vigne de chasselas a fleuri avec une avance de 10 à 15 jours par rapport à la moyenne, avance qui s’est encore accentuée suite à la période de canicule de juillet et a propulsé le millésime 2015 parmi la dizaine d’années record où le raison est arrivé à maturité avant la fin juillet (22 juillet en 2011).
À noter à ce propos que des études menées notamment en France et en Allemagne montrent que la plupart des stades du développement de la vigne interviennent actuellement en moyenne 15 jours plus tôt que durant les décennies 1960 et 1970 qui étaient particulièrement fraîches.
La vigne à l’épreuve des canicules
L’institut Agroscope ne se contente pas d’observer les calendriers viticoles. Il étudie aussi de près les impacts du manque d’eau et des canicules sur le comportement et la capacité d’adaptation des cépages, sur leur potentiel de rendement et sur la qualité des raisins et des vins.
Certes les besoins de la vigne en eau sont relativement modestes comparés à ceux d’autres cultures. La maîtrise des rendements et l’obtention de vins de qualité réclament toutefois une gestion attentive des apports hydriques : l’excès d’eau peut porter préjudice au vignoble autant que son insuffisance. Face à la sécheresse et aux trop grandes chaleurs, la vigne cherche à s’adapter, réduit rapidement sa croissance, diminue la transpiration de son feuillage et lutte contre la déshydratation qui aurait alors des conséquences désastreuses.
On comprend que les viticulteurs aient alors à cœur de veiller à ce que leurs vignes, à toutes les étapes de leur développement, de la floraison à la véraison, bénéficient des meilleures conditions hydriques possibles, faute de quoi les grappes comme les grains n’atteindront pas le volume idéal et les résultats de la vendange ne seront pas ceux espérés.
Autrement dit, il importe de garantir un minimum d’irrigation pour à la fois compenser les pertes en eau du sol et de la végétation et soutenir la croissance de la vigne en cas de sécheresse prolongée, mais aussi, à l’approche de la maturation, d’exercer en temps voulu une certaine contrainte hydrique progressive et équilibrée de manière à favoriser la production de raisins plus riches en sucres.
La viticulture, de toute évidence, est un art, y compris dans la manière de maîtriser le degré d’humidité des terrains, mais un art qui dépend aussi d’aléas météorologiques pouvant fortement varier d’une région viticole à une autre. Le réchauffement climatique et les nouvelles contraintes qu’il entraîne dans la gestion des ressources en eau représentent un défi supplémentaire pour ce secteur particulier de la production agricole. D’autant, comme le pensent les experts, que toute sécheresse a aussi des effets sur le millésime suivant et que la succession rapprochée et le cumul de tels épisodes risquent de devenir problématiques.
(Source : Agroscope)