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Lyon 2019

25 septembre 2019.

Les doctoriales,
espace de dialogue entre générations de chercheurs

Échos des 4e Doctoriales en sciences sociales de l’eau
Lyon, 5-6 septembre 2019 - DOSSIER [2/6]

Cheville ouvrière de ces 4e Doctoriales en sciences sociales de l’eau, Anne Honegger, géographe et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique et active au sein de l’unité « Environnement Ville Société » CNRS-Université de Lyon, explique les objectifs et les ambitions de ce genre d’événement.

Anne Honegger : "Il s’agit avant tout de faire le lien entre des générations de chercheurs. La marque de fabrique de ces doctoriales francophones est de rassembler des doctorants dès leur première année comme des directeurs chevronnés de centres de recherche. C’est un brassage intéressant et un moment assez unique dans la vie d’étudiants d’avoir à leur écoute des chercheurs expérimentés qui leur consacrent deux journées de discussions, leur donnent des conseils, montrent d’autres pistes, infléchissent leurs travaux… mais aussi apprennent beaucoup de ces échanges.

Cela va un peu à contre-courant des grands événements d’excellence, organisés à l’internationale et en anglais. Car la recherche ne se résume pas à une présentation de travaux lorsqu’ils sont terminés et validés. Il importe également de montrer ce qu’on a sur son établi, d’oser exprimer ses doutes et ses difficultés. Trop souvent on montre les résultats et ce qui a bien marché, on oublie de dire que la recherche, c’est aussi du temps et du tâtonnement.

Ces journées offrent aussi aux directeurs de thèses l’opportunité de dialoguer entre eux sur les façons de diriger les travaux sur l’eau, sur les thématiques qui émergent aujourd’hui, car d’un organisme de recherche à un autre, les attendus académiques d’une thèse ne sont pas forcément les mêmes. Les doctoriales, c’est donc aussi un endroit où l’on réfléchit à ce qu’est une thèse et à ce qu’on attend des étudiants.
Ce n’est pas par hasard non plus que cet événement est organisé en septembre : il permet aux doctorants de repartir dans une nouvelle année universitaire avec plein de dynamisme. Leur travail est souvent un exercice solitaire et ils ont besoin de moments où ils sentent qu’ils ne sont pas seuls. Les précédentes éditions ont d’ailleurs montré que par la suite ils continuent d’échanger dans de petits groupes informels."

 aqueduc.info : comment faut-il comprendre l’appellation ’sciences sociales de l’eau’ ? où est le social dans une restauration de rivière, dans une station d’épuration des eaux usées, dans la gestion des eaux de pluie, etc. ?

 "Au-delà des réponses techniques des ingénieurs et des connaissances apportées par les sciences de l’environnement, il y a de l’humain, des individus, des sociétés. Comment le public des villes perçoit-il les solutions techniques mises en place pour lutter par exemple contre les micropolluants et pour mieux gérer les eaux pluviales ? Si elles ne sont pas comprises, les installations peuvent être détériorées. Voyez ce qui se passe quand une population ignore ce qu’est une rivière et la considère simplement comme un espace concave où jeter les déchets ! On mène donc des enquêtes auprès des usagers pour tenter de mieux cerner leur niveau de connaissances sur ce type de questions. On peut prendre aussi l’exemple des renaturations de rivières : il n’est pas anodin de savoir si elles répondent ou non à de véritables attentes des populations à qui elles sont destinées.

L’angle social, c’est aussi la compréhension de la gouvernance. On vit dans des sociétés où tout ce qui relève de la gestion est de plus en plus complexe. Les territoires d’intervention sont de plus en grands, les acteurs toujours plus nombreux, et ces structures vues de l’extérieur deviennent très peu lisibles. Il importe donc d’analyser les forces en présence et de savoir comment elles fonctionnent.
Le contexte européen explique également pourquoi les sciences sociales ont été de plus en plus associées à la recherche scientifique : la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE) adoptée en 2000 oblige les États membres à mener de larges consultations auprès du public en matière de gestion hydrographique. La mise en place de cette démarche a ouvert un véritable champ de recherche autour de la participation. C’est le thème que nous avons retenu pour les trois conférences en séance plénière. ."

 Ce qui frappe d’emblée dans ces doctoriales, c’est la grande diversité des sujets abordés autour de la thématique globale de l’eau. Qu’est-ce que cela nous dit de la façon qu’ont aujourd’hui les jeunes chercheurs d’étudier ce domaine de l’eau ?

 "Cet éclatement des thématiques ne nous dit pas grand-chose sur le plan scientifique, mais par contre nous en dit beaucoup sur l’ampleur des enjeux autour de l’eau et sur les priorités des bailleurs de fonds de la recherche, reflet d’une demande sociale, diverse, à l’image de l’eau."

L’interdisciplinarité en évidence

Dans ses propos de synthèse, Emmanuelle Hellier, professeure en aménagement de l’espace et urbanisme à l’Université de Rennes, note que ces Doctoriales répondent bien à l’aspiration au décloisonnement entre institutions, laboratoires, disciplines et statuts : "La présence massive de doctorants et doctorantes, jeunes chercheurs et jeunes chercheuses, témoigne de l’utilité de ce ’lieu unique’ pour mettre à l’épreuve, en toute bienveillance, les thèses développées."

De ces journées se dégage évidemment un certain nombre de questions transversales. À commencer par celles "qui relèvent pour beaucoup de l’usage des données et des connaissances scientifiques par l’action publique et par les chercheurs eux-mêmes" et qui posent donc aussi la question de "l’utilité sociale des travaux de recherche", à savoir : une contribution au débat public, une aide à la décision technique et politique, un accompagnement des projets, etc.

Sous l’angle de l’interdisciplinarité en sciences de l’eau, Emmanuelle Hellier relève que ces Doctoriales illustrent bien non seulement "la pluralité des ancrages disciplinaires en sciences humaines" [déjà évoquée plus haut dans la présentation générale de ce dossier] mais aussi que "depuis cet ancrage, il est possible de faire des emprunts à d’autres disciplines". Elle note par exemple que plusieurs des travaux présentés durant ces journées montraient des connexions avec des données issues notamment de l’hydrologie, de la géochimie des eaux ou de l’écologie.

Texte et interview : Bernard Weissbrodt
Photos : © UMR 56000–EVS/Thierry Egger



Infos complémentaires

VOIR SUR CE SITE LES AUTRES ARTICLES
DÉDIÉS À CES DOCTORALES 2019 :
L’eau crée du lien, dans la recherche aussi [1]
Quid des processus participatifs dans la gestion des rivières ? [3]
Quelques sujets de thèse, parmi d’autres [4]
Des canaux parisiens aux toits du Caire [5]
L’eau : poétique, politique, théâtrale, … [6]

Tous les textes de ce dossier sont intégralement repris
dans un Cahier aqueduc.info (12 pages) en format pdf
téléchargeable ici.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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