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12 septembre 2011.

Colombie : aqueducs communautaires menacés de privatisation

Dosquebradas. Sans aqueduc municipal mais vivant sur un (...)

Dosquebradas. Sans aqueduc municipal mais vivant sur un territoire d’une grande richesse hydrique, la population de cette agglomération de 190’000 habitants dans le département de Risaralda, dans le centre-ouest de la Colombie, s’est depuis longtemps dotée de ses propres réseaux d’eau qu’elle gère par le biais d’associations communautaires. Mais cette gestion collective est aujourd’hui sous la menace d’une mainmise du secteur privé, encouragé en cela par la politique nationale de commercialisation des services de l’eau.

Les paysans qui se sont jadis installés à Dosquebradas assuraient leur approvisionnement en eau par leurs propres moyens. C’est encore le cas des habitants de la plupart des quartiers périurbains pauvres. Dès 1920, ils ont construit leurs propres aqueducs et infrastructures de distribution d’eau.

Pour gérer leurs réseaux, ils se sont organisés en associations communautaires (on en compte aujourd’hui 57), ce qui, pour près d’un tiers de la population pauvre de l’agglomération, constitue le seul et unique moyen d’accès durable à l’eau potable. Ces associations détiennent la propriété collective des infrastructures qui comprennent le captage, le traitement et la distribution de l’eau. Ce modèle technologique à petite échelle réduit le risque de pénurie et augmente les chances de durabilité de l’économie locale.

Gestion bénévole et participative

À Dosquebradas, la gestion collective des aqueducs communautaires repose principalement sur la composition et la coopération des associations : leurs dirigeants s’engagent bénévolement et doivent être disponibles en permanence pour la coordination des travaux de construction et d’entretien ; les usagers, quant à eux, recherchent les fonds nécessaires à l’achat du matériel, notamment par le biais de ventes de produits alimentaires ou de tombolas, mais ils prêtent également main-forte aux tâches communautaires via la pratique dite du convite (voir ci-contre).

Côté revenus, les systèmes d’aqueducs communautaires peuvent compter sur les montants d’adhésion, les taxes mensuelles de consommation, les cotisations extraordinaires, les aides et les dons éventuels. Grâce aux travaux effectués bénévolement et bien que la politique de tarification ne corresponde pas à une véritable étude des coûts et des investissements, les usagers ne paient qu’une faible facture de consommation d’eau. Comparées aux entreprises étatiques et privées de distribution d’eau, les associations d’aqueducs communautaires proposent le tarif le meilleur marché pour une consommation de base. Par ailleurs, ces associations, qui ne perçoivent aucune subvention de la municipalité, n’offrent leurs services qu’à la population appartenant aux couches sociales les plus défavorisées.

Refus étatique des modèles alternatifs

Contre toute attente, l’État colombien a ignoré ce modèle de gestion communautaire de l’eau. Il a, dans ce secteur, opté pour une politique de privatisation à tous les niveaux, du local au national. Dans un contexte de marchandisation des services, il considère les modèles alternatifs comme une concurrence et un obstacle à la rentabilité économique. Depuis 1936, et surtout à partir des années 1990, il a justifié la nécessité de changer les structures institutionnelles en raison des exigences des organismes internationaux de financement, en contrepartie des dettes qu’il a contractées.

Depuis 2007, avec l’entrée en vigueur des Plans départementaux de l’eau (Planes Departamentales del Agua) financés par des crédits de la Banque mondiale, l’objectif du gouvernement colombien dans le secteur de la distribution d’eau et de l’assainissement est de promouvoir la gestion d’entreprise. Et il entend élargir la participation du secteur privé dans les villes moyennes, comme Dosquebradas, par la conclusion d’accords de gestion avec des opérateurs disposant de ressources économiques appropriées. Avec pour conséquence de marginaliser totalement les modèles alternatifs de gestion de l’eau par des associations d’aqueducs communautaires.

Texte et photos :
Ana Patricia Quintana Ramírez


(*) Ana Patricia Quintana Ramírez, originaire de Colombie, docteur en anthropologie sociale et culturelle, membre du Groupe d’investigation en gestion culturelle et en éducation environnementale de l’Université technologique de Pereira (Colombie), chercheure post-doctorante en écologie politique à l’Université de Fribourg (Suisse).





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Infos complémentaires

L’aqueduc Playarrica
à Dosquebradas


:: Une organisation communautaire

Le convite (ndlr : mot espagnol qui renvoie au vocable français de la ‘corvée’ ou à celui du ‘coumbite’ haïtien pour désigner l’une ou l’autre forme de travail collectif) est une pratique basée sur le volontariat : des groupes de personnes se réunissent pour effectuer des tâches concrètes au bénéfice de la collectivité. Personne ne reçoit ni salaire ni compensation financière pour le travail accompli puisqu’au bout du compte les volontaires profitent du service mis à leur disposition par le système d’approvisionnement en eau. Chaque famille délègue au minimum un de ses membres à raison d’un jour par semaine, généralement le samedi, le dimanche ou les jours fériés, ou selon une fréquence bimensuelle ou mensuelle en fonction des travaux nécessaires.


:: En savoir plus

 La thèse de Ana Patricia Quintana Ramírez - “Conflicto por la gestión del servicio de acueducto en Dosquebradas (Risaralda-Colombia). Un estudio desde la ecología política” - est disponible (en espagnol) sur le site tdx.cat

 Voir aussi : “La gestión del acueducto en Dosquebradas Risaralda. Una historia de autogestión y privatización”, article (en espagnol) paru dans la revue ‘Luna Azul’, No. 30, enero-junio 2010 (à télécharger ci-dessous)

La gestión del acueducto en Dosquebradas
(343 Ko)

© R.Olinchuk - Fotolia.com


Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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