Les petits agriculteurs, gardiens de troupeaux et ouvriers agricoles représentent la grande majorité des quelque 830 millions de personnes souffrant de malnutrition dans le monde. Qui plus est, l’eau et la terre constituent deux biens fondamentaux dont ils sont totalement tributaires pour leur subsistance. Le danger, explique le Rapport mondial sur le développement humain, est que les métropoles et les industries en rapide expansion, qui ont besoin de toujours plus d’eau, n’étendent leur emprise hydrologique dans les régions rurales et restreignent du même coup l’accès des plus démunis à cette ressource primordiale.
Concurrence et changements climatiques
L’augmentation de la demande industrielle, l’urbanisation, la croissance démographique et la pollution exercent aujourd’hui en effet une pression sans précédent sur les systèmes hydrologiques et par voie de conséquence sur les activités agricoles. Plus cette concurrence sera forte, plus le risque sera grand que les conflits sociaux ne s’aggravent et que les populations les plus faibles en droit - petits paysans et, parmi eux, les femmes surtout – en soient les grands perdants. Ils ne pourront plus produire leur propre alimentation de façon sûre et encore moins rivaliser avec leurs concurrents commerciaux.
Les changements climatiques menacent eux aussi d’accentuer leur insécurité. Certaines régions d’Afrique subsaharienne risquent des pertes de cultures pouvant atteindre 25 % en raison de nouvelles conditions météorologiques, du bouleversement des régimes de pluie et de la disponibilité en eau. Avec, au bout du compte, une diminution des rendements et un regain de la malnutrition.
Un triple plan d’action
Pour prévenir au mieux la crise qui menace les agriculteurs pauvres de la planète, les rédacteurs du Rapport mondial sur le développement humain recommandent des actions dans trois domaines précis :
- Défendre les droits des agriculteurs. Lorsque l’eau vient à manquer, les puissants se servent tandis que les faibles en sont privés. Des droits sûrs d’accès à l’eau peuvent donner aux plus démunis la possibilité d’échapper à la pauvreté, alors que, privés de ces droits, ils se voient incapables de rivaliser à quelque niveau que ce soit. Cet argument s’applique d’autant plus aux femmes qu’elle souffrent aussi, la plupart du temps, d’un manque de droits sur les terres.
- Promouvoir davantage d’équité dans l’accès à l’irrigation. Dans les systèmes d’irrigation, l’inégalité de l’accès à l’eau est copie conforme de l’inégalité de l’accès à la terre. Comme l’attribution de l’eau est proportionnelle à la superficie des propriétés foncières, les plus grandes exploitations reçoivent davantage d’eau et aux points névralgiques. Les petits agriculteurs, recalés en fin de ligne d’irrigation, héritent donc d’un approvisionnement en eau moins important, ce qui les oblige à investir dans des moyens supplémentaires de pompage d’eaux souterraines. Et comme les coûts d’irrigation sont calculés sur la base des surfaces irriguées et non pas en fonction du volume d’eau reçue, les plus pauvres finissent par payer leur eau plus cher que les grands propriétaires.
- Aider concrètement les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques. Ces changements sont déjà en train de se produire et les pauvres ont besoin d’être mieux et davantage soutenus pour y faire face. L’aide internationale en faveur de cette adaptation devrait constituer une pierre angulaire de l’action multilatérale, mais elle est actuellement inadéquate. Depuis le début des années 90, l’aide à l’agriculture des pays en développement a en effet chuté de 12 % à 3,5 %. Renverser ces tendances est un impératif. (bw)
Ces informations sont toutes extraites du Rapport mondial sur le développement humain 2006 (PNUD)
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