« Boire de l’eau n’est pas aussi simple qu’on peut le croire. L’eau n’est pas toujours bonne à avaler et elle est loin d’être universellement appréciée comme boisson. L’eau est indispensable, certes, mais elle peut être aussi menaçante. Souvent insaisissable, elle s’avère toujours ambivalente. Une même eau relie tous les êtres vivants et les eaux les plus diverses s’inscrivent chacune dans un lieu, avec des qualités propres et des vertus contrastées. »
L’exposition « l’eau à la bouche » et le livre qui l’accompagne s’articulent autour de quelques idées-clefs :
- l’eau réputée inodore et incolore se goûte et se déguste
- l’eau que nous consommons est souvent déguisée, elle se cache aussi dans les aliments et à l’intérieur de notre corps
- l’eau, toujours ambivalente, suscite la méfiance ou se pare de vertus
- visible ou invisible, l’eau a des pouvoirs
- l’eau rare ou abondante est diversement utilisée au quotidien
- l’eau circule, dans le corps, dans la ville et dans l’imaginaire.
Un litre à lire… par le petit bout de la paille
« L’eau à l’état liquide prend la forme du récipient qu’on lui consacre ». Les auteurs du livre de l’exposition « l’eau à la bouche » l’ont donc imaginé comme un emballage de boisson, et son volume (aux deux sens du mot) fait près d’un litre. Et la paille qui est astucieusement insérée dans ses pages est une claire invitation à le déguster « à petits traits ».
À propos de paille – celle qui fait la trame de l’affiche de l’exposition et qui traduit bien son propos – il est intéressant de noter que son histoire est intimement liée à celle des boissons : « En Asie du Sud-Est depuis fort longtemps, de longues tiges creuses permettent d’aspirer la bière traditionnelle du fond des jarres de riz fermenté. Au 19ème siècle, dans certaines villes d’eaux européennes, de précieux tubes en verre ou en argent sont utilisés par les curistes pour éviter que les minéraux ne tachent leurs dents. Vers 1920, les bars et les fabricants de boissons commencent à utiliser le chalumeau comme support publicitaire. Le tube en carton spiralé venu des États-Unis et la tige naturelle de seigle sont définitivement remplacés par le plastique vers 1960, la paille se joint dès lors à l’emballage de toutes sortes de boissons conditionnées en portions. Elle confère un côté ludique et gai à un jus comme à un cocktail et une paille colorée rend le sirop plus attractif aux yeux des enfants. »
« Même si la paille n’est pas très utilisée pour l’eau, elle exprime néanmoins parfaitement les points essentiels de l’exposition : l’eau que l’on porte effectivement à sa bouche pour l’ingérer, l’eau comme élément précieux et ludique, enfin, l’individualisme du consommateur moderne suçotant les boissons de son choix. »
Citations extraites de l’introduction de « l’eau à la bouche »,
Fondation Alimentarium, Vevey, 2005, pp. 17-20.