Pour Alain Guyot, maître de conférences à l’Université Stendhal de Grenoble, le Lac de Chède est plus qu’un site : "c’est le lieu d’une rencontre entre deux gammes de paysages qui ont tour à tour séduit le public à la fois éclairé et sensible de la fin du 18e siècle : le pittoresque et le sublime, réunis ici en une esthétique du contraste elle aussi bien caractéristique du tournant des Lumières".
Et d’expliquer combien on le considérait à l’époque comme l’un de ces rares endroits véritablement propices à la rêverie bucolique. C’est qu’on y trouvait pâtres et troupeaux, et même des moulins. Et que le Mont-Blanc tout proche se mirait de manière quasi parfaite dans ce lac dont Jean-Antoine Linck, par exemple, a bien su rendre dans sa "Vue du Lac de Chède et du Mont-Blanc" (ci-contre "le jeu du reflet et de la transparence".
Alain Guyot note cependant que nombre d’autres artistes, peintres ou écrivains, tels Bleuler ou Bérenger, "ont préféré souligner le contraste qui se dessine entre ce ’ton de paysage, si calme, si gracieux, si suave’ et ’tout ce que les Alpes peuvent offrir de plus colossal, de plus fier et de plus fracassé’".
Tout se passe, dit-il, "comme si ces paysages de terreur, en se reflétant dans les eaux du lac, voyaient s’atténuer leur caractère menaçant, comme à travers un filtre. Le voyageur, à l’abri de leurs dangers, peut alors pleinement en apprécier les délices puisqu’ils n’ont plus rien de redoutable".
Rien d’étonnant alors, conclut-il, à ce qu’un chantre des Alpes comme le peintre et poète Marc-Théodore Bourrit se félicite de n’avoir "jamais trompé l’attente des voyageurs" en leur indiquant le lac de Chède : "tous l’ont peint à leur manière ; tous en ont fait un portrait fidèle".