"Le Valais doit l’eau à Dieu, et tout le reste à l’eau" : c’est en paraphrasant un adage anversois que Jacques Melly, président du gouvernement valaisan, concluait le 15 avril à Saillon sa préface à la présentation officielle de ces trois nouveaux guides publiés à l’initiative des responsables de l’Atlas hydrologique de la Suisse (HADES). Sa manière à lui de rappeler qu’on se doit de faire référence à l’élément eau si l’on veut comprendre ce canton, sa morphologie, son histoire et son essor agricole, industriel et touristique.
Pour s’en rendre compte et mesurer les divers enjeux hydrologiques de ce coin de terre, le meilleur moyen est peut-être de prendre le temps de le parcourir à pied, guide de poche à portée de main, de manière à remettre dans leur contexte visuel des informations scientifiques avérées qu’il n’est pas toujours aisé d’appréhender dans des articles ou des ouvrages destinés d’abord à des lecteurs initiés.
C’est l’ambition avouée du programme d’excursions "En route à travers le monde aquatique" lancé il y a une douzaine d’années déjà par l’HADES pour "contribuer à une meilleure compréhension des questions actuelles relatives à l’eau en transmettant et en approfondissant sur place des faits hydrologiques".
Après les régions de Zürich, Brig-Aletsch, Léman-Jura, Davos, Ticino et Bern – soit une bonne vingtaine de guides régulièrement remis à jour - voici donc le Valais central décliné en trois itinéraires qui peuvent être parcourus indépendamment les uns des autres, mais qu’il peut être utile de combiner pour mieux percevoir leur continuité hydrologique.
1. « L’eau dans les régions de montagne »,
de la Plaine Morte au Lac de Tseuzier
Comment la région de Montana, connue comme particulièrement sèche et touristique, fait-elle pour assurer son approvisionnement en eau (80 millions de mètres cubes en 2010) et répondre aux besoins et usages locaux de cette ressource (eau potable, irrigation, hydro électricité, enneigement artificiel) ? Il faut avoir le pied montagnard pour suivre ce premier itinéraire tracé par Bruno Schädler de l’Institut de géographie de l’Université de Berne. Il part en effet du glacier de la Plaine Morte, situé sur territoire bernois à près de 3000 mètres d’altitude et rejoint par téléphérique.
Emmenant ses lecteurs-marcheurs dans un cadre paysager assez exceptionnel, ce guide explique l’importance de la neige et de la glace comme réservoirs d’eau mais aussi les dangers qu’elles peuvent représenter, ainsi que leurs modifications dans un contexte de changements climatiques. Il décrit également le chemin de l’eau au travers des roches calcaires jusqu’aux sources karstiques et aux petits lacs alpins. L’arrivée au barrage de Tseuzier permet de s’intéresser de plus près aux enjeux on ne peut plus actuels de l’énergie hydroélectrique (parcours de 14 km, durée approximative de 4h30 sans les pauses).
2. « Approvisionnement en eau »
à travers la commune de Savièse
Natif des lieux et "régional de l’étape", Emmanuel Reynard, directeur de l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, est incollable sur Savièse, une commune assez représentative de celles qui occupent l’adret de la rive droite du Rhône dans le Valais central, sur la topographie et la géologie de la région, sur les différents modes de gestion des ressources hydriques qu’on y a pratiqué au fil de l’histoire et sur les enjeux liés à la diversité des usages actuels de l’eau.
La randonnée qu’il propose entre deux plans d’eau, de l’Étang des Rochers sur les hauts de la commune jusqu’au lac du Mont d’Orge proche de Sion, en passant par l’ancien bisse de Torrent-Neuf et celui de Lentine toujours actuel, fournit une bonne opportunité de comprendre un peu mieux les problèmes d’approvisionnement en eau et de son partage équitable, des organisations sociales et des systèmes techniques complexes mis en place pour y répondre et de l’adaptation des infrastructures pour faire face à de nouveaux besoins et des contextes socio-économiques changeants (parcours de 11 km environ, durée approximative : 2h30).
3. « Aménagement des cours d’eau »
autour de Saillon
Retour dans la plaine du Rhône avec un troisième parcours dédié plus particulièrement aux crues et dangers liés au fleuve. "Avec le Rhône, il faut être poli et ne le point contrarier", affirmait, dit-on, un ancien inspecteur fédéral. À voir sur les cartes anciennes comment ce cours d’eau changeait de tracé au gré des crues et des étiages, des épisodes torrentiels ou au contraire méandreux, on comprend pourquoi les habitants de sa vallée, à l’instar des Saillonins, ont dû pendant des siècles s’adapter à ses mouvances, s’installer sur les hauteurs voisines pour se protéger des inondations tout en cherchant pour leur survie à profiter tant bien que mal des terrains alluvionnaires disponibles.
Dans leur état des lieux, Hélène Maret et Emmanuel Reynard, de l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, mettent en évidence le pourquoi et le comment des efforts menés depuis le milieu du 19e siècle pour maîtriser le fleuve, coloniser la plaine et la transformer en un vaste verger. Non sans risques puisque plusieurs grandes crues, comme celle qui a touché Saillon en octobre 2000, ont plus tard reposé une question absolument vitale : faut-il à nouveau corriger le fleuve ou lui laisser davantage de liberté ? (parcours de 9 km, durée approximative : 2h15)
– En route à travers le monde aquatique
Excursions hydrologiques en Suisse
Région du Valais central
sur le site Atlas hydrologique de la Suisse