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17 mai 2018.

Sur le Seyon neuchâtelois, un bel exemple de renaturation

Écho des 7e Rencontres de l’eau, Lausanne

Pourquoi et comment renaturer une rivière ? En Suisse, la question est d’une grande actualité depuis la révision, en 2011, de la loi sur la protection des eaux. Rien d’étonnant donc à ce que ce thème soit régulièrement inscrit au programme des Rencontres de l’eau organisées chaque printemps par l’Université de Lausanne et la Fondation La Maison de la Rivière. Le 20 avril 2018, les participants de leur 7ème édition ont eu l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le premier grand projet de revitalisation entrepris dans le canton de Neuchâtel, plus précisément sur une portion du Seyon qui draine les eaux du Val-de-Ruz sur une vingtaine de kilomètres.

Durant les deux derniers siècles, et plus particulièrement dans l’entre-deux-guerres, aux alentours des années 1930, et comme nombre de cours d’eau corsetés en Suisse à cette époque, le Seyon avait été corrigé pour récupérer des terres que l’on pouvait alors dédier à la production agricole. Ici et là des ouvrages avaient également été construits pour stabiliser les rives. Mais la rivière, privée de l’espace où elle pouvait s’étendre lors des crues, a dès lors de plus en plus fortement incisé le fond de son lit et s’est enfoncée dans le terrain. Avec au moins deux conséquences successives : d’une part la baisse de niveau de la nappe alluviale et l’assèchement progressif des zones marécageuses voisines, d’autre part la perte de biodiversité ainsi que la raréfaction des milieux naturels rivulaires typiques.

L’obligation faite aux cantons, depuis 2011, d’établir un programme de renaturation de cours d’eau a poussé les autorités neuchâteloises à s’intéresser de plus près au cas du Seyon, et plus particulièrement à un secteur – les Prés Maréchaux (ce lieu-dit tire son nom de la même racine que marais, maraîcher, marécageux, etc.) – où la rivière menaçait dangereusement de rejoindre une nappe phréatique sous-jacente à la nappe alluviale du cours d’eau.

Si le premier grand projet neuchâtelois de revitalisation a finalement porté sur le Seyon, explique Gabriel Gerber, ingénieur en environnement et responsable du secteur Nature et Paysage dans l’entreprise Prona SA mandatée par le canton, c’est parce que l’enjeu écologique y était très important et les contraintes techniques assez facilement surmontables : "L’idée première était de restaurer la dynamique naturelle et les fonctions écologiques de la rivière."

L’ambition affichée dans ce projet visait donc à rétablir la dynamique alluviale des Prés Maréchaux et à réhabiliter les terrains inondables [1]. Cela impliquait à la fois de réactiver les anciens méandres, dont les tracés étaient encore plus ou moins visibles, de rehausser le lit de la rivière pour la reconnecter avec la plaine alluviale et de redonner vie aux milieux humides adjacents. Tout cela dans le respect d’un postulat selon lequel il revient au Seyon de façonner lui-même son lit dans les prochaines années.

Les travaux [2] ont été réalisés en six mois vers la fin de l’année 2016, avant que ne débute la période de reproduction des poissons. Près d’un kilomètre du Seyon à nouveau très sinueux a pu être revitalisé et l’ancien lit a pu être comblé par l’apport d’environ 12’000 mètres cubes de remblais. Cela pour un coût total de quelque 800’000 francs suisses (dont plus de 90% de subventions fédérales). On notera aussi que la réussite du projet reposait sur la coordination entre ses divers et multiples partenaires : agriculteurs, pêcheurs, forestiers, gardes-faune, associations écologistes, etc.

Plus d’une année après la fin des travaux, deux constats positifs ont déjà pu être notés. D’abord, le milieu naturel reprend vie, peu à peu ; certaines des espèces dont la sauvegarde avait été ciblée sont en voie de recoloniser les lieux ; certaines, telles le Jonc fleuri et la libellule Cordulégastre annelé, dont l’arrivée n’avait pas été prévue, ont même été repérées sur le site.

Par ailleurs, on ne savait pas comment la rivière se comporterait lors des crues. Une première réponse est venue fin janvier 2018 après les fortes précipitations du début de l’année. On a vu alors que l’eau pouvait à nouveau s’étendre latéralement en toute sécurité [3], que de nouveaux bras et mares temporaires se formaient rapidement, et que des oiseaux d’eau, comme les bécassines des marais et les pipits spioncelles, y avaient trouvé leurs marques.

Un bémol tout de même. Certains riverains ont pu être désagréablement surpris par le débordement de leur rivière car la notion d’inondation n’entrait pas dans leur vision de la revitalisation des cours d’eau. Comme dit Gabriel Gerber, "le grand public est davantage sensible à la reconfiguration des paysages qu’au rétablissement des processus dynamiques et qu’aux succès biologiques". D’où l’importance de l’information et de la communication dans ce genre de projets.

Bernard Weissbrodt

 Les illustrations de cet article sont extraites de la présentation de ce projet par M.Gabriel Gerber lors des 7e Rencontres de l’Eau, le 20 avril 2018 à Lausanne. Merci au bureau Prona SA d’avoir autorisé leur utilisation sur aqueduc.info.




Notes

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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