La plupart du temps, seule une petite part de cette eau venue d’en-haut est mise à profit pour faire croître la plante. Le gros de la pluie part en ruissellement, dégrade les sols et remplit de sables, de boues et de détritus les rivières et les plans d’eau. Ce qui non seulement représente un important gâchis d’eau, mais réduit aussi le rendement des cultures.
Le moindre déficit pluviométrique ou dérèglement de saison - pluies précoces ou tardives, insuffisantes ou abondantes, etc. - et bien vite l’insécurité alimentaire s’installe, avec son lot de conséquences fâcheuses : spéculations sur les prix des denrées alimentaires, mouvements de populations à l’intérieur des pays et vers des pays voisins, disette, malnutrition et famine. C’est évident : une telle agriculture, à petite échelle, de type familial et précaire, est incapable de satisfaire les besoins d’une population jeune et en croissance rapide.
La première réponse à l’insécurité alimentaire, c’est la maîtrise de l’eau. Avec des outils plus efficaces, la population pourrait produire des vivres en grande quantité pour sa propre consommation, pour la constitution de réserves et même pour l’exportation.
L’eau est omniprésente à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. Elle fait germer le grain et croître la plante, participe à la transformation des produits agricoles en aliments, accompagne les repas. Mais voici que les temps changent. Il faut désormais prendre en compte les changements climatiques qui rendent les pluies encore plus aléatoires et la sécurité alimentaire davantage fragile. Il faudrait agir, et vite, pour éviter l’impasse.
Il faudrait reboiser, à très grande échelle, car quantité de forêts, ces indispensables réservoirs d’eau, sont déjà parties en charbons de bois et en fumées. “Autrefois, les forestiers étaient vigilants”, raconte Dagba, 78 ans, exploitant agricole du côté de Savalou. “Attentifs, ils réagissaient aux feux de brousse sauvages, aux bruits de cognées, aux coups de fusil. Aujourd’hui, ils sont devenus sourds et aveugles, indifférents à toutes les agressions à l’environnement”. Le résultat ne s’est pas fait attendre : “toutes les espèces d’arbres et d’herbes propres à la couverture végétale des sols ont également disparu”.
Il faudrait rendre les recherches agronomiques et climatiques plus efficaces en y associant étroitement les agriculteurs. La maîtrise de l’eau sous toutes ses formes devrait être inscrite en priorité dans les programmes des écoles et des instituts agronomiques. Une fois les paysans mieux formés et l’eau disponible, celle-ci pourrait alors être utilisée pour des cultures de saison et de contre-saison.
Sans la maitrise de l’eau, la sécurité alimentaire n’est qu’un leurre. Un leurre également si les autorités, à tous les niveaux de responsabilité, n’affichent pas une claire volonté politique de mettre leurs concitoyens à l’abri de la famine.
Bernard Capo-Chichi,
Porto Novo, mars 2012