« Ce qui se passe dans de nombreux cours d’eau suisses est une véritable tragédie, dont le public est trop peu conscient » déclare Tobias Winzeler, le secrétaire général de la Fédération suisse de pêche, cité par le WWF dans son magazine du début de l’année. L’organisation écologiste explique que chaque jour à midi, les centrales électriques produisent une quantité maximale de courant et libèrent donc de grandes quantités d’eau.
« Ces crues artificielles ou éclusées amènent de nombreuses substances qui troublent l’eau et emportent non seulement des petits animaux et des alevins, mais aussi de plus gros poissons. Dès que les turbines s’arrêtent, le niveau de l’eau baisse rapidement. Alors, de grandes surfaces s’assèchent, entraînant la mort de nombreux animaux incapables de regagner rapidement ce qui subsiste du cours d’eau. Prisonniers de flaques d’eau, de gros poissons meurent eux aussi, lamentablement. »
Inquiétudes écologiques et politiques
Du coup, on comprend mieux les doléances des pêcheurs : la qualité de l’eau est bien souvent insuffisante ; dans les cantons de montagne, la plupart des rivières et des ruisseaux ne sont plus que des filets d’eau ; dans les grandes rivières du moyen pays, les matières à charrier manquent en raison de prélèvements massifs de gravier ; dans les bassins de retenue, les matières en suspensions se déposent, ce qui amène un colmatage dangereux du lit des cours d’eau ; les effets d’éclusées empêchent la reproduction naturelle des poissons indigènes.
À quoi s’ajoutent des inquiétudes d’ordre politique : le manque de sensibilité des autorités pour la protection des eaux et de l’environnement ; le non respect des prescriptions en matière de débits résiduels et d’assainissement ; le lobby des exploitants d’usines hydro-électriques ; l’affaiblissement du droit de recours des associations, etc. Bref, les arguments ne manquaient pas du côté de la Fédération suisse de pêche pour lancer l’initiative populaire « Eaux vivantes » (le délai de récolte des signatures arrive à échéance le 4 juillet prochain).
Libérez nos rivières ! clame Pro Natura qui se bat elle aussi résolument pour un résidu d’eau dans les rivières et demande aux entreprises électriques « de laisser enfin aux fleuves et aux rivières l’eau qui leur revient. Comme le veut la loi. »
Environ 10% seulement des rivières et fleuves suisses sont encore à l’état naturel. Les 90% restants sont comprimés dans un corset tout sauf naturel, rectifiés, bétonnés, corrigés ou carrément asséchés. Avec des conséquences dévastatrices pour les plantes et les animaux vivant dans les cours d’eau et sur leurs rives. Sur les 54 espèces de poissons que comptaient initialement ces cours d’eau, 8 ont aujourd’hui disparu et 35 sont menacées. 90% des forêts alluviales ont disparu.
Prévue sur trois ans, la campagne « Libérez nos rivières ! » s’adresse surtout aux exploitants des centrales hydroélectriques dont nombre d’entre eux ferment complètement le robinet à de nombreux cours d’eau. Mais, constate Pro Natura, à quelques exceptions près, cela importe peu au lobby hydroélectrique alors que la perte induite par le respect du débit résiduel minimum prescrit par la loi ne représenterait que 10% du bénéfice à distribuer par l’industrie hydroélectrique.
L’exploitation de la force hydroélectrique est tout à fait possible dans le respect de la nature. L’association écologiste conseille donc aux consommateurs d’acheter de l’électricité respectueuse de l’environnement. (Sources : WWF-Suisse, Pro Natura, Fédération suisse de pêche)