« Les Indiens, rappelle Françoise Vernes, spécialiste de l’Inde, ont une croyance ancestrale en la pureté de l’eau du Gange d’origine céleste… Pour tout Indien, se baigner dans les lieux sacrés les plus bénéfiques du fleuve, comme la confluence de plusieurs cours d’eau, équivaut à une régénération physique mais aussi à une transformation de l’être. »
La réalité d’aujourd’hui est que le fleuve subit d’importantes pollutions industrielles auxquelles s’ajoute le déversement de grandes quantités d’eaux usées urbaines non traitées. Comment dès lors concilier tradition religieuse et risques sanitaires ? « Sacralisé par plus d’un milliard d’habitants, le Gange ne peut être traité comme un fleuve ordinaire. Vouloir s’attaquer à la dépollution de ses eaux demande la prise en compte d’une culture ou, plus précisément, d’une foi populaire. »
Au terme de son étude, Françoise Vernes conclut que dans ce pays la pensée scientifique ou rationnelle n’est pas forcément distincte de la pensée magique ou irrationnelle : « C’est spécifiquement en Inde que l’on trouve une coexistence entre la tradition et la science, car dans la vie courante les actes quotidiens de tout Indien sont soumis à une représentation symbolique. Ainsi toute solution pour traiter la gestion de l’eau ne peut passer que par la prise en compte de ces représentations. Le Gange nous montre qu’un fleuve sacré peut provoquer une pollution généralisée, où s’affrontent les traditions religieuses millénaires et la nécessité actuelle d’améliorer la qualité sanitaire de l’eau. Certains dignitaires religieux considèrent maintenant qu’il y a lieu de mettre en œuvre, sans heurter les convictions des pèlerins, les moyens d’assainir l’eau du fleuve. Le résultat de cette confrontation n’exclut pas que la santé de l’homme exige l’emploi de l’eau potable. » *
*Citations de Françoise Vernes
extraites de « les vertus de l’eau du Gange »,
dans « l’eau à la bouche »,
Fondation Alimentarium, Vevey, 2005, pp.221-230.