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7 novembre 2008.

La vallée de Fergana, oasis de l’Asie centrale

Peuplée de quelque dix millions d’habitants, arrosée par le Syr (...)

Peuplée de quelque dix millions d’habitants, arrosée par le Syr Daria et répartie sur trois pays (Khirgjizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan principalement) la plaine de Fergana est considérée comme l’un des grands greniers à blé d’Asie centrale. On ne peut pas dire que ce territoire manque d’eau, mais celle-ci y est mal répartie, et les conflits d’intérêts entre activités agricoles, industries nouvelles, demandes énergétiques et consommation domestique vont croissant. Depuis quelques années, la Coopération suisse (DDC) y soutient plusieurs projets qui ont pour objectifs d’une part d’assurer la qualité de l’approvisionnement en eau potable et d’autre part de garantir une répartition équitable et efficace entre tous les utilisateurs de la ressource.

Si l’on en croit les statistiques, seuls 18 pour cent de la population de l’Ouzbékistan auraient régulièrement accès à des points d’eau potable aménagés. C’est là sans aucun doute le problème de santé numéro un de la vallée : une bonne partie de sa population, qui par ailleurs se contente de bien maigres revenus, souffre de maladies dues à la consommation d’eau non salubre tirée à même les canaux d’irrigation, parfois assez éloignés des villages. Il faut dire aussi que depuis la chute de l’empire soviétique, la situation est allée en empirant et la proportion de personnes ayant accès à l’eau potable a régressé, vu que les jeunes États indépendants se trouvaient trop souvent dépourvus de ressources financières pour entretenir et encore moins pour renouveler les infrastructures de base.

Les collectivités locales s’engagent

Mais, fait-on remarquer du côté de la Coopération suisse, ce n’est pas qu’une question d’argent. Les structures de service font également défaut. D’où le projet qu’elle a lancé et qu’elle soutient en vue de fournir un accès à l’eau potable à quelque 100’ 000 habitants des zones rurales de la vallée de Fergana, les bénéficiaires étant pour moitié Tadjiks et pour moitié Ouzbeks. Il s’agit tout à la fois d’aider les collectivités à rénover elles-mêmes les réseaux de distribution existants mais en mauvais état, en construire de nouveaux et à raccorder d’autres communes.

Cela passe prioritairement par la création d’instances locales ayant à la fois la responsabilité des infrastructures mais aussi la capacité de les entretenir. La grande nouveauté d’une telle démarche, c’est qu’elle repose sur la participation active de la population, laquelle était habituée à voir l’État décider pour elle. Le projet encourage ce processus de valorisation de la société civile : les villageois élisent un « comité de l’eau », qui nomme à son tour un directeur, un comptable et un ingénieur, et qui régulièrement vérifie le travail accompli. Autre ‘révolution’ : l’eau ayant un coût, les usagers doivent désormais s’acquitter d’une taxe mensuelle, qui sert à financer le fonctionnement et la maintenance des installations ainsi que les salaires correspondant à ces différents travaux. Le projet met également l’accent sur les bonnes pratiques d’hygiène au quotidien.

Les utilisateurs se concertent

En son temps, l’Union soviétique avait aménagé dans la vallée de Fergana un très vaste réseau pour l’irrigation de ses immenses champs de coton et c’est le pouvoir central qui bien entendu assurait la répartition de l’eau. L’indépendance venue, chaque État a commencé à prendre les décisions en fonction de ses intérêts sans plus se préoccuper de ses voisins. Kirghizes et Tadjiks ont commencé à remplir leurs barrages au début de l’été, à la fonte des neiges, alors qu’au même moment les agriculteurs avaient précisément besoin de beaucoup d’eau pour irriguer leurs cultures. On devine les conflits potentiels lorsque certaines terres, en bout de réseau, ne reçoivent plus la moindre goutte de liquide. Sans parler des nouvelles industries qui elles aussi veulent obtenir leur part d’eau pour leurs productions.

Étant donné que les organismes étatiques manquaient de moyens pour empêcher l’écroulement du système de gestion des eaux désormais très mal réparties, il fallait impérativement chercher une solution qui permette de prendre en compte les différentes demandes et les capacités des réseaux de distribution par delà les frontières nationales et administratives. Mais aussi en favorisant la participation de tous les utilisateurs. Ce qui était la seule façon de garantir une répartition transparente, équitable et efficace de l’eau.

En 2001, avec le soutien de la Suisse, est lancé le projet de Gestion intégrée des ressources en eau dans la Vallée de Fergana accompagné d’un autre projet pour la surveillance automatique des réseaux (voir ci-contre). Selon la DDC, l’impact positif de ces deux programmes de coopération est tout à fait perceptible. D’un côté, les associations d’utilisateurs ont fait leurs preuves : elles négocient les quantités d’eau qui leur sont attribuées et les répartissent ensuite entre leurs membres. De l’autre, les responsables locaux, régionaux et nationaux sont davantage sensibilisés aux problèmes liés à la gestion de l’eau. Le bénéfice démocratique des actions entreprises est aussi palpable que l’apaisement des tensions sociales et que la croissance de la production agricole. Et l’eau elle aussi y trouve mieux son compte. (Source des informations et illustrations : documentation DDC)


 Lire aussi sur le même sujet :
Mieux gérer l’eau, priorité no1 de l’Asie centrale




Infos complémentaires

:: Gestion intégrée des ressources en eau

La première étape du projet de gestion intégrée dans la vallée de Fergana concerne trois canaux-pilotes dans les trois pays concernés, ainsi que le long de deux rivières transfrontalières. Là aussi l’approche se révèle tout à fait inédite pour la population puisque les décisions sont prises, non plus par une autorité éloignée du terrain, mais à travers le consensus de tous les acteurs et utilisateurs de l’eau (petits agriculteurs compris) constitués en associations plus ou moins grandes mandatées pour défendre leurs intérêts au sein d’un nouvel organisme chargé de répartir l’eau. Tous les usagers du réseau sont désormais mieux informés de leurs droits et des conditions dans lesquelles ils vont pouvoir utiliser la ressource, ce qui est encore le meilleur moyen de désamorcer les conflits. Chacun doit aussi payer des taxes sur l’eau, ce qui l’incite à moins la gaspiller.

:: Surveillance des canaux et réseaux

Un autre programme de la coopération suisse dans la vallée de Fergana a pour but d’automatiser la surveillance des canaux et la répartition de l’eau. Les mesures de débits sont transmises à un centre de contrôle qui règle automatiquement les systèmes d’ouverture et de fermeture des vannes, ce qui permet sans délai d’obtenir une répartition précise et optimale de l’eau. Toutes les données de ces centres de contrôle sont accessibles par internet à tous les pays concernés. (Documentation DDC)

:: Lien utile

 cawater-info.net : portail régional d’information sur l’eau et l’environnement en Asie centrale (en anglais et russe)


:: Liens relatifs à la Coopération suisse en Asie centrale

 sur le site de la DDC

 sur le site spécial de la coopération régionale (en anglais)

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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