Si l’on en croit les statistiques, seuls 18 pour cent de la population de l’Ouzbékistan auraient régulièrement accès à des points d’eau potable aménagés. C’est là sans aucun doute le problème de santé numéro un de la vallée : une bonne partie de sa population, qui par ailleurs se contente de bien maigres revenus, souffre de maladies dues à la consommation d’eau non salubre tirée à même les canaux d’irrigation, parfois assez éloignés des villages. Il faut dire aussi que depuis la chute de l’empire soviétique, la situation est allée en empirant et la proportion de personnes ayant accès à l’eau potable a régressé, vu que les jeunes États indépendants se trouvaient trop souvent dépourvus de ressources financières pour entretenir et encore moins pour renouveler les infrastructures de base.
Les collectivités locales s’engagent
Mais, fait-on remarquer du côté de la Coopération suisse, ce n’est pas qu’une question d’argent. Les structures de service font également défaut. D’où le projet qu’elle a lancé et qu’elle soutient en vue de fournir un accès à l’eau potable à quelque 100’ 000 habitants des zones rurales de la vallée de Fergana, les bénéficiaires étant pour moitié Tadjiks et pour moitié Ouzbeks. Il s’agit tout à la fois d’aider les collectivités à rénover elles-mêmes les réseaux de distribution existants mais en mauvais état, en construire de nouveaux et à raccorder d’autres communes.
Cela passe prioritairement par la création d’instances locales ayant à la fois la responsabilité des infrastructures mais aussi la capacité de les entretenir. La grande nouveauté d’une telle démarche, c’est qu’elle repose sur la participation active de la population, laquelle était habituée à voir l’État décider pour elle. Le projet encourage ce processus de valorisation de la société civile : les villageois élisent un « comité de l’eau », qui nomme à son tour un directeur, un comptable et un ingénieur, et qui régulièrement vérifie le travail accompli. Autre ‘révolution’ : l’eau ayant un coût, les usagers doivent désormais s’acquitter d’une taxe mensuelle, qui sert à financer le fonctionnement et la maintenance des installations ainsi que les salaires correspondant à ces différents travaux. Le projet met également l’accent sur les bonnes pratiques d’hygiène au quotidien.
Les utilisateurs se concertent
En son temps, l’Union soviétique avait aménagé dans la vallée de Fergana un très vaste réseau pour l’irrigation de ses immenses champs de coton et c’est le pouvoir central qui bien entendu assurait la répartition de l’eau. L’indépendance venue, chaque État a commencé à prendre les décisions en fonction de ses intérêts sans plus se préoccuper de ses voisins. Kirghizes et Tadjiks ont commencé à remplir leurs barrages au début de l’été, à la fonte des neiges, alors qu’au même moment les agriculteurs avaient précisément besoin de beaucoup d’eau pour irriguer leurs cultures. On devine les conflits potentiels lorsque certaines terres, en bout de réseau, ne reçoivent plus la moindre goutte de liquide. Sans parler des nouvelles industries qui elles aussi veulent obtenir leur part d’eau pour leurs productions.
Étant donné que les organismes étatiques manquaient de moyens pour empêcher l’écroulement du système de gestion des eaux désormais très mal réparties, il fallait impérativement chercher une solution qui permette de prendre en compte les différentes demandes et les capacités des réseaux de distribution par delà les frontières nationales et administratives. Mais aussi en favorisant la participation de tous les utilisateurs. Ce qui était la seule façon de garantir une répartition transparente, équitable et efficace de l’eau.
En 2001, avec le soutien de la Suisse, est lancé le projet de Gestion intégrée des ressources en eau dans la Vallée de Fergana accompagné d’un autre projet pour la surveillance automatique des réseaux (voir ci-contre). Selon la DDC, l’impact positif de ces deux programmes de coopération est tout à fait perceptible. D’un côté, les associations d’utilisateurs ont fait leurs preuves : elles négocient les quantités d’eau qui leur sont attribuées et les répartissent ensuite entre leurs membres. De l’autre, les responsables locaux, régionaux et nationaux sont davantage sensibilisés aux problèmes liés à la gestion de l’eau. Le bénéfice démocratique des actions entreprises est aussi palpable que l’apaisement des tensions sociales et que la croissance de la production agricole. Et l’eau elle aussi y trouve mieux son compte. (Source des informations et illustrations : documentation DDC)
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